Pourquoi se faire rejeter fait si mal


Dr François Richer
Le rejet défoule et il est parfois utile à petite dose pour se défendre des abus, mais c’est souvent une grenade, une défense excessive qui met en péril l’estime, la santé et la vie de personnes qui pourraient être la source de notre bien-être.
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L’enfant qui se fâche après avoir été exclu par son groupe. L’adolescente qui s’isole et doute d’elle-même après avoir été rejetée par des amies. Être rejeté fait mal.
Se faire rejeter est plus grave que de subir une déception ou une rebuffade. Souvent, le rejet peut provoquer une douleur plus intense qu’une blessure physique importante.
En plus de la douleur, se sentir rejeté ou exclu provoque de la tristesse, de la colère, du repli sur soi et parfois un état dépressif durable.
Ce degré de souffrance est probablement lié à l’importance vitale du soutien social pour notre survie et notre bien-être. Chez les espèces fortement dépendantes du groupe comme les humains, le rejet allume une alarme importante dans le cerveau, car il représente une menace pour notre besoin d’appartenance au groupe, notre estime et notre pouvoir.
Une grenade
Repousser, bouder ou fuir sont des réactions d’autoprotection normales quand nous subissons du stress social, des insultes ou des agressions. Ces réactions servent à se défendre, à avertir ou à punir l’autre pour avoir dépassé nos limites. Elles peuvent avoir des effets bénéfiques en réduisant les comportements agressifs et en augmentant la bienveillance et la solidarité.
Cependant, en regard des autres réactions de défense, rejeter est une réaction plus radicale, elle comporte un jugement négatif, une exclusion et parfois même une dose de mépris.
La personne rejetée se sent mise à l’écart (condamnée) et se fait renvoyer une image dévalorisante d’elle-même qui peut affecter son estime de soi. Elle peut remettre en question ses choix, se questionner sur sa place et son identité.
Le rejet est une arme peu ciblée, une grenade qui fait des dommages plus importants que ce que l’on anticipe. Il produit souvent une spirale de réactions négatives, de défense et d’autoprotection. Un peu comme les animaux qui s’éloignent pour soigner leurs blessures, se sentir rejeté donne envie de fuir, de couper les liens qui font souffrir ou de s’isoler.
Certains abandonnent des engagements durables (des emplois, des relations). Ils se sentent menacés dans leur soutien social et leur place dans la collectivité. Ils perdent leur estime de soi et leur motivation sociale, ce qui amplifie leur isolement. D’autres ont envie de se venger ou de rejeter à leur tour, ce qui amplifie la spirale de division et de conflits. Le rejet et l’exclusion peuvent donc devenir des fléaux sociaux très contagieux.
Portés au rejet
Certaines personnes sont plus enclines à rejeter les autres. En outre, ceux qui ont une haute estime de soi fragile (narcissisme vulnérable) peuvent rejeter ceux qui les critiquent trop pour protéger leur image.
Ceux qui sont moins sensibles aux émotions des autres peuvent aussi être plus enclins à rejeter les autres parce qu’ils ressentent moins la culpabilité qui freine les gestes de rejet. Ceux qui sont plus irritables et ceux qui ont plus de préjugés sont aussi plus portés au rejet ou à l’exclusion.
Finalement, d’autres rejettent par insécurité, parce qu’ils manquent de contrôle sur leur vie ou encore parce qu’ils craignent d’être rejetés eux-mêmes à cause de souffrances passées. Certains deviennent même autoritaires et rejettent les plus faibles pour conforter leur sentiment de pouvoir ou réduire leur anxiété face à leur manque de pouvoir.
Contrecarrer le rejet
Pour compenser les effets du rejet, il faut redonner confiance aux victimes dans les bienfaits des liens sociaux, augmenter le soutien affectif et le degré général de solidarité, rassurer les victimes sur leur valeur, leur rôle et leur apport social, ainsi que restaurer leur sentiment de contrôle et leur envie d’avoir un impact social positif.