Pourquoi les troubles mentaux sont-ils si flous ?


Dr François Richer
Les troubles mentaux sont mal définis. Ils se recoupent souvent et les nombreux patients atypiques reçoivent plusieurs diagnostics incertains. Ces manques de clarté viennent surtout du fait qu’on ignore la majorité des rouages qui les contrôlent.
Les manuels de diagnostic des troubles mentaux donnent l’impression que ces maladies sont aussi bien définies que la grippe. Mais c’est faux. Les zones grises, les profils inhabituels ainsi que les diagnostics doubles et incertains sont très fréquents. Ce qui rend le choix d’interventions moins clair.
Symptômes peu spécifiques
Les troubles psychologiques sont surtout des regroupements de symptômes qui surviennent souvent ensemble. Cependant, plusieurs symptômes psychologiques ne sont pas spécifiques à une maladie ou même à quelques maladies apparentées. Un peu comme la fièvre ou la grande fatigue qui peuvent être des signes de nombreuses maladies.
La détresse (la douleur psychologique) fait partie de la majorité des troubles mentaux. Les difficultés de contrôle émotionnel, les idées intrusives ou l’impulsivité se retrouvent aussi dans plusieurs troubles.
Tous ces chevauchements rendent les troubles plus difficiles à différencier.
Une personne qui ressent des moments de détachement de la réalité (des dissociations) peut souffrir de stress post-traumatique, de dépression, de schizophrénie, de trouble obsessif-compulsif--- ou de trouble de la personnalité. Elle peut aussi simplement vivre un stress passager qui fait ressortir une fragilité.
Heureusement, les évènements vécus, l’évolution des symptômes et la présence de symptômes clés aident souvent à distinguer les troubles entre eux. Par exemple, l’incapacité de vivre du plaisir ou de se rappeler nos plaisirs (l’anhédonie) est un symptôme clé de la dépression, mais pas de l’anxiété.
Classifications superficielles
Les problèmes de classification (taxonomies) sont fréquents dans les sciences peu avancées.
En zoologie, les anciennes classifications des animaux manquaient d’informations (microscopie, génétique, effets de l’environnement) et pouvaient considérer les éponges comme des plantes, regrouper les dauphins avec les poissons ou, au contraire, séparer en deux espèces distinctes les gros mâles et les petites femelles de certaines espèces d’insectes.
Comme les classifications d’animaux de 1850, les psychopathologies ne sont pas encore bien comprises.
Une personne bipolaire peut avoir les mêmes symptômes principaux qu’une personne atteinte d’un trouble de personnalité limite. Une personne souffrant de stress post-traumatique peut avoir presque tous les symptômes d’une personne en dépression.
Troubles associés
En plus, plusieurs troubles apparaissent souvent ensemble (des comorbidités). C’est le cas par exemple pour la dépression et les troubles anxieux ou encore pour l’hyperactivité et l’opposition. Doit-on les considérer comme des familles de troubles plus grandes avec des sous-types ?
Par ailleurs, plusieurs troubles mentaux sont très larges ou hétérogènes et ils ont souvent plusieurs sous-types. Quel sous-type de dépression avez-vous ? Celui qui rend apathique, mais pas triste, celui qui rend triste et anxieux ou celui qui accompagne un trouble de personnalité ? Ces différents sous-types ont des impacts très différents sur votre vie et votre réponse à différents traitements.
Quel type de TDAH avez-vous ? Avec quelle collection de troubles associés ? Le type qui permet quand même de gérer une entreprise ou celui qui crée une aversion au travail scolaire dès le primaire ?
Changer nos vieux systèmes
Si les troubles mentaux sont souvent hétérogènes et mal définis, c’est parce que l’on comprend mal l’origine et l’évolution de ces problèmes. Nos vieux systèmes pour classifier les troubles mentaux ont besoin d’être améliorés par des connaissances (neurobiologie, génétique) sur les mécanismes ou les systèmes cérébraux touchés, mais aussi des mesures en continu qui précisent les circonstances ou pensées qui déclenchent les sentiments pénibles et les réactions mal adaptées.
Si vous avez des hypersensibilités comme avoir peur d’être mal jugé pour votre performance, être irrité par les complications, et être sujet à l’auto--dévalorisation en cas d’erreur, trouver comment calmer ces systèmes est plus prometteur que de lui trouver une étiquette précise.