Est-ce que tout va mal à Montréal? On a posé la question à Valérie Plante et à d’autres personnalités


Andrea Lubeck
Trafic, crise du logement et de l’itinérance, malpropreté: on peut avoir l’impression que tout va mal à Montréal. Mais est-ce vraiment le cas? 24 heures a demandé à la mairesse de Montréal, au chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville et à des experts ce qui va bien (et moins bien) dans la métropole.
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Bien
- Des mesures pour construire plus rapidement
Le chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal, Aref Salem, se réjouit que l’adoption du projet de loi 31 par Québec, en février dernier, puisse accélérer les mises en chantier.
Québec a octroyé aux villes des pouvoirs temporaires pour contourner leur règlement d’urbanisme et construire plus rapidement des logements.
De son côté, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, fait valoir que la Ville a investi un milliard de dollars en habitation, «soit pour acheter des terrains, des bâtiments, pour aider les organismes à faire des montages financiers intéressants».
Elle affirme que son administration a eu «le niveau le plus élevé de mises en chantier des quatre dernières administrations».
Mal
- Trop peu de projets immobiliers sortent de terre
Valérie Plante admet néanmoins que la construction de logements pourrait «aller plus vite».
«On ne peut pas s’en remettre seulement aux constructeurs privés. On ne veut pas avoir juste des condos à Montréal; il faut aussi du logement abordable et social», affirme-t-elle.
C’est dans cette optique que son administration avait adopté le Règlement pour une métropole mixte, connu sous le nom de «20-20-20», qui prévoyait que les nouveaux projets immobiliers incluent 20% de logements sociaux, 20% de logements abordables et 20% de logements familiaux.
Mais comme la grande majorité des entreprises a choisi de verser une pénalité, peu de projets de logements sociaux et abordables sont nés de la mesure.
Pour Aref Salem, ce règlement «met des bâtons dans les roues» des promoteurs immobiliers.
Il déplore par ailleurs les délais d’obtention de permis pour une nouvelle construction, qui sont en moyenne de 300 jours. Une situation «inacceptable en situation de crise du logement», dit-il.
En plus de la construction de logements sociaux, la solution passe par une meilleure offre de subventions au loyer pour les personnes en situation précaire, suggère Émilie Fortier, vice-présidente des services de la Mission Old Brewery.

Bien
- La mobilité active à l’honneur
La mairesse Plante se réjouit que Montréal soit plus sécuritaire aujourd’hui pour les piétons et les cyclistes qu’avant son arrivée à l’hôtel de ville.
«Ça, avant, c’était un peu négligé. En même temps qu’on fait des aménagements cyclistes, on repense les traverses pour les piétons, les feux de circulation», illustre-t-elle.
Dans sa Vision vélo 2023-2027, l’administration Plante projette d’ajouter plus de 200 km de voies cyclables sécurisées, dont 10 nouveaux axes du Réseau express vélo (REV). Plusieurs de ces nouveaux axes sont déjà en cours d’aménagement, notamment sur la rue Jean-Talon et le boulevard Henri-Bourassa.
Équiterre se réjouit de l’engouement pour les alternatives à l’auto-solo dans la métropole.
«Le REV entraîne un achalandage accru aux commerces de la rue. Il y a une volonté, un intérêt, d’aller vers ce type de mobilité-là de la part des Montréalais», souligne Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales de l’organisme.
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Il fait par ailleurs valoir que les automobilistes ont tout intérêt à ce que ces infrastructures de mobilité active se multiplient, puisqu’un vélo de plus sur une piste cyclable signifie qu’il y a une voiture de moins sur les routes.
Mal
- L’est de l’île demeure mal desservi par le transport collectif
Dans l’est de Montréal, le transport collectif demeure déficient, affirme Marc-André Viau. La saga du Projet structurant de l’est en est un bon exemple, selon lui.
Valérie Plante aimerait d’ailleurs pouvoir en faire davantage à ce chapitre. «Il n’y a pas assez de transport collectif pour répondre à la demande. Les projets ne se développent pas assez vite», reconnait-elle.

Bien
- La ville s’adapte aux changements climatiques
Mme Plante, M. Salem et M. Viau s’entendent pour dire que les infrastructures vertes implantées dans la ville — comme les saillies drainantes, les parcs et les rues éponges — rendent Montréal plus résiliente aux conséquences des changements climatiques.
Leur succès est tel que ces initiatives «sont reprises partout» au pays et ailleurs au Québec, souligne la mairesse.
- La décarbonation des nouveaux bâtiments
Pour Marc-André Viau d’Équiterre, l’une des mesures phares en environnement à Montréal est l’interdiction des branchements au gaz dans les nouvelles constructions.
Adopté par la Ville en octobre 2023, le règlement a été étendu cette année aux 79 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) qui n’ont pas de règlement municipal sur les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments.
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Mal
- La protection des espaces verts entravée
Montréal est aux prises avec de nombreuses maladies qui affectent la végétation, comme l’agrile du frêne, ce qui se traduit par l’abattage de milliers d’arbres chaque année, soutient Marc-André Viau.
«On a de la perte de canopée, de verdissement. C’est un enjeu qui affecte tous les quartiers de Montréal et [le mont Royal] aussi», dit-il.
Malgré les 250 000 arbres plantés depuis l’élection de Projet Montréal il y a sept ans, Mme Plante aimerait pousser le verdissement encore plus loin. Elle affirme toutefois manquer d’argent.
«Acheter des terrains à Montréal pour les verdir, ça coûte très, très cher, alors que si j’étais, par exemple, à Chibougamau, acheter un terrain et le transformer en parc, c’est beaucoup moins cher», affirme-t-elle.
Elle demande l’aide de Québec, qui a des objectifs de protection de 30% du territoire.
- La collecte des matières résiduelles difficile
Marc-André Viau voudrait voir plus de Montréalais composter. Selon lui, une plus grande adhésion permettrait d’atténuer les enjeux de salubrité dans les quartiers où la collecte des ordures a été espacée aux deux semaines, comme à Mercier—Hochelaga-Maisonneuve.
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Aref Salem propose quant à lui de distribuer des bacs à ordures à tous les citoyens, comme ç’a été fait dans l’arrondissement Saint-Laurent en 2016.
«Les citoyens mettent leurs déchets dans des sacs en plastique, sougline-t-il. Il suffit d’avoir des écureuils, des mouffettes, n’importe quel animal qui passe là qui déchire le sac parce qu’il pense qu’il y a de la bouffe dedans et on se ramasse avec une ville poubelle à ciel ouvert.»

Bien
- Une solidarité accrue entre les organisations
Valérie Plante le reconnaît: il est difficile de trouver du positif lorsqu’on parle d’itinérance à Montréal. Elle salue néanmoins la mobilisation des organismes sur le terrain.
Émilie Fortier, de la Mission Old Brewery, abonde dans le même sens.
«La pandémie a permis de mettre en place certaines pratiques qui favorisent l’accompagnement des personnes. Il y a une meilleure collaboration entre les organisations qui interviennent, une certaine solidarité», explique-t-elle.
Valérie Plante souligne par ailleurs que la Ville n’a «jamais autant investi» dans la lutte contre l’itinérance. Dans son plus récent budget, une enveloppe de 3,3 millions $ est prévue pour les organismes, ce qui porte ses investissements totaux à 10 millions $ en 2025.
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Mal
- Une crise qui s’intensifie
Entre 2018 et 2022, le nombre de personnes en situation d’itinérance a bondi de 33% à Montréal, selon des données de 2022.
La mairesse de Montréal rappelle que l’itinérance, la santé mentale, les dépendances et la pauvreté sont des compétences de Québec. Elle somme le gouvernement provincial d’agir.
«On ne peut pas laisser les villes gérer des enjeux de société comme ça. Elles n’en ont pas la capacité», insiste Mme Plante, qui dit en avoir assez des «solutions à la pièce et mal réfléchies».
Émilie Fortier rappelle pour sa part que l’itinérance est liée à d’autres enjeux auxquels il faut aussi s’attaquer, dont la santé mentale et le logement.

Bien
- Montréal, pôle culturel au Canada
La mairesse se réjouit que que Montréal soit réputée pour sa vie culturelle.
«On a une programmation gratuite dans tous les festivals, ce qui n’est pas le cas ailleurs dans le monde. Ça, c’est un gros plus», mentionne-t-elle.
Mme Plante fait également valoir que son administration a alloué des sommes pour soutenir les ateliers d’artistes, ce qui a permis de rénover les immeubles dans lesquels ils se trouvent.
«En sachant que le prix des loyers augmente, pour garder nos artistes dans nos quartiers, on finance leurs ateliers», ajoute-t-elle.
À l’instar de la mairesse, Aref Salem se réjouit que l’offre culturelle continue d’attirer les touristes dans la métropole.
- Des projets immobiliers prennent vie
Plusieurs projets immobiliers structurants dans le domaine culturel ont été mis en branle, ce qui réjouit Emmanuelle Hébert, directrice générale de Culture Montréal.
Elle cite les travaux de transformation du Musée d’art contemporain (MAC), évalués à 116,5 millions $.
Plus récemment, l’annonce du déménagement de l’École nationale de l’humour (ÉNH) dans le Quartier latin est une autre bonne nouvelle pour la culture dans la métropole.
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Mal
- Des festivals plient bagage
Selon M. Salem, «il y a une fragilisation de tout l’écosystème culturel» dans la métropole. Cela se traduit par l’annulation de plusieurs festivals, dit-il.
«Il y a eu des refontes de programmes à la Ville, et quand on parle de refonte, on parle normalement de coupures [...] Les coûts des festivals ont beaucoup augmenté, mais le financement public n’a pas suivi», déplore-t-il.
Mme Plante reconnait que le milieu culturel est sous financé.
«On a décidé d’augmenter notre aide directe aux festivals, mais, définitivement, il faut aller plus loin. Il faut qu’on soutienne la culture à la hauteur de ce à quoi elle contribue à la qualité de vie, mais aussi à l’économie de la métropole», note-t-elle.
De nombreux organismes œuvrant dans le milieu ont dénoncé le sous-financement de la culture, pas seulement par la Ville, mais également à l’échelle de la province. La Grande Mobilisation des artistes du Québec (GMAQ) estime qu’il manque 100 millions de dollars pour atteindre un seuil minimal viable.
- Le sentiment d’insécurité
Pour Emmanuelle Hébert, le sentiment d’insécurité et les problèmes de mobilité au centre-ville affectent également le milieu culturel montréalais.
«Le public ne veut plus nécessairement venir au centre-ville, où il y a une concentration de nos institutions culturelles. Cette situation-là de sentiment d’insécurité et de complexification de l’accès qui fait qu’on n’ira pas voir un show finalement, on va rester à la maison écouter un film sur Netflix», illustre-t-elle.