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L'article provient de Le Journal de Montréal

Une adaptation BD troublante du roman «L'orangeraie» du Québécois Larry Tremblay

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Photo portrait de Jean-Dominic Leduc

Jean-Dominic Leduc

2025-08-17T16:00:00Z
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Après des adaptations pour le théâtre et l’opéra, voilà que le roman prisé L’orangeraie, de l’auteur, traducteur et dramaturge québécois Larry Tremblay, fait l’objet d’une incandescente transposition en bande dessinée.

Pour la mise en cases de cette poignante fable qui tient de la tragédie grecque ou shakespearienne, Tremblay renoue avec l’illustrateur belge Pierre Lecrenier, qui avait déjà adapté sa pièce de théâtre Le garçon au visage disparu.

C’est dans le cadre de l’édition 2018 du Festival de bande dessinée de Montréal (FBDM) que les deux artistes se sont rencontrés pour la première fois.

«J’y présentais notamment ma collaboration avec La Revue Dessinée et le magazine Topo, qui publient des reportages sous forme de bande dessinée. Deux mois après notre rencontre, il m’a contacté pour travailler sur l’adaptation d’une de ses pièces», raconte Pierre Lecrenier.

«Cette collaboration s’est parfaitement déroulée. J’ai eu beaucoup de liberté, et c’est le type de projet qui permet d’expérimenter sur le plan formel. J’avais forcément envie de réitérer l’aventure», ajoute-t-il.

Cette fois, c’est le dessinateur qui a contacté Larry Tremblay directement. «Je lui ai proposé ni plus ni moins d’adapter son roman phare L’orangeraie. Et il a accepté!»

À l’ombre du paradis

L’orangeraie relate le récit de deux frères vivant paisiblement parmi les orangers. Un jour, l’horreur sous la forme d’un obus déchire le ciel, annihilant leurs grands-parents et ce qu’il leur restait d’innocence. Un chef de guerre se pointe alors au domicile familial, réquisitionnant l’un des jeunes fils.

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Bien que non fixée géographiquement ni temporellement, cette tragédie trouve évidemment écho dans l’actualité.

«Je suis, comme beaucoup, très inquiet de l’état actuel de nos démocraties. J’essaie, quand cela se présente, d’utiliser le dessin et la bande dessinée pour, à mon humble niveau, résister, informer, questionner, militer. C’est pour ces raisons notamment que j’ai collaboré plusieurs fois avec La Revue Dessinée et le magazine Topo

Résolument poétique et empreint d’espoir, le roman doublement porté sur scène a exigé un travail au niveau de la forme selon le bédéiste.

«Comment rester universel dans le dessin, les décors, les personnages. Il y a beaucoup de questions qui se posent sur la représentation de tout cela. Et puis, que montrer et que suggérer de la guerre? Quelles couleurs, quelles ambiances utiliser? Le dessin doit-il être plus réaliste, ou au contraire plus synthétique? Larry préférait que je n’aie aucune référence visuelle de la pièce ou de l’opéra, de manière à ne pas être influencé par celles-ci, et je pense qu’il avait tout à fait raison! Cela m’a permis, une fois de plus, d’être totalement libre pour démarrer le projet, puis, par la suite, affiner ma manière de raconter l’histoire au fil des discussions avec Larry.»

De la prose à la planche

La richesse du langage de la bande dessinée et la verve graphique de Pierre Lecrenier servent admirablement L’orangeraie.

«Le roman permet de raconter ce qu’il se passe dans la tête des protagonistes, leurs sentiments, leurs peurs, leurs espoirs. En bande dessinée, pour transmettre ces éléments au lecteur, on peut soit utiliser une voix off, ce qui pour moi affaiblit totalement l’histoire, soit il faut faire passer cela dans l’action. Il faut donc retirer des scènes du roman, et en inventer d’autres, sans dénaturer l’histoire originale. Nous avons énormément échangé avec Larry à ce sujet, et ce, pour chaque partie du récit.»

L’orangeraie est de ces lectures qui font œuvre utile, incitant à réfléchir sur l’état lamentable de notre monde, de la nécessité de cultiver l’espoir, la bienveillance et l’ouverture à l’autre. Le neuvième art dote ce nécessaire récit d’un écrin sublime, changeant le monde une planche à la fois.

Photo fournie par Rue de Sèvres
Photo fournie par Rue de Sèvres

L’ORANGERAIE

Larry Tremblay et Pierre Lecrenier

Éditions Rue de Sèvres

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Photo fournie par les Éditions du sous-sol
Photo fournie par les Éditions du sous-sol

Ce que nous avons perdu dans le feu

L’Argentine a engendré de grands auteurs de bandes dessinées, dont Liniers, extraordinaire poète du strip Macanudo, ou encore Héctor Oesterheld et Francisco Solano López et leur sombre récit politique L’Éternaute – repris plus tard par Alberto Breccia – et Carlos Nine et son Canard qui aimait les poules, lorgnant tous du côté de l’angoisse. 

C’est à cette enseigne que loge le fils de ce dernier, Lucas Nine, avec l’adaptation du roman prisé Ce que nous avons perdu dans le feu de l’autrice argentine Mariana Enriquez. 

Les quatre nouvelles qui composent ce livre sont magnifiées par le trait fiévreux et éthéré de Nine, nous plongeant ainsi dans une Buenos Aires brûlante et inquiétante. De la haute voltige graphique.

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