Tourbe de sphaigne renouvelable et boutures de géranium


Albert Mondor
Pour une seconde semaine, voici quelques réponses aux nombreuses questions horticoles que vous m’avez posées ces derniers mois.
Q. J’ai entendu dire que la tourbe de sphaigne qu’on retrouve dans la plupart des terreaux d’empotage n’est pas un produit renouvelable et que nous allions bientôt en manquer. Est-il possible de trouver sur le marché un terreau commercial qui ne contient pas cette substance?
- M. Evans
R. Les tourbières ont une valeur inestimable puisqu’en plus d’héberger de nombreuses espèces animales et végétales, elles ont la capacité de filtrer d’immenses quantités d’eau douce pour en éliminer les polluants qui la contaminent. Écosystèmes naturels très fragiles, les tourbières méritent certainement d’être mieux connues et protégées.
Les tourbières sont des milieux humides où l’eau circule peu qui ressemblent à des marécages. Dans la vallée et le long du golfe du Saint-Laurent, la plupart des tourbières ont commencé à se former il y a 8000 à 10 000 ans à la suite de la fonte des glaciers qui recouvraient alors presque tout le Canada. Les tourbières naissent généralement dans des dépressions dans lesquelles s’accumulent des débris organiques. Les aiguilles, les feuilles et les branches des végétaux – principalement la fameuse mousse de sphaigne – qui vivent dans ces milieux s’y accumulent plus rapidement qu’ils ne s’y décomposent. Le taux d’acidité élevé et le manque d’oxygène ralentissent l’activité des micro-organismes qui décomposent ces débris, favorisant ainsi la création d’un dépôt appelé tourbe, qui peut parfois atteindre plus de cinq mètres d’épaisseur. La tourbe provenant des tourbières du sud du Québec, principalement composée de débris de mousse de sphaigne, est appelée tourbe de sphaigne en français et peat moss en anglais.
Au Canada, la situation concernant la conservation des tourbières naturelles est très différente de celle qui prévaut en Europe. Par exemple, en Angleterre, il reste un peu moins de 20% de tourbières naturelles en état de fonctionnement puisque la majorité d’entre elles ont été converties en terres agricoles ou vidées durant les deux derniers siècles pour la production de terreaux horticoles et de tourbe pour le chauffage.
Par contre, au Québec, nous exploitons seulement 0,06% des tourbières existantes et plusieurs de celles qui sont utilisées commercialement sont maintenant renaturalisées après quelques décennies d’exploitation selon la certification VeriFlora. Les tourbières restaurées reprennent rapidement leurs qualités écologiques d’origine puisqu’elles redeviennent des havres de biodiversité et des puits de carbone parfaitement fonctionnels après une décennie. En 2020, environ 2300 hectares de tourbières exploitées avaient été restaurés ou réaménagés. Bref, si l'on prend soin de restaurer une tourbière après son exploitation, la tourbe de sphaigne devient donc une matière organique renouvelable, mais à long terme seulement.
D’autre part, puisque les tourbières couvrent 11,6 millions d'hectares, ce qui correspond à 8% de la superficie du Québec, et qu’une infime partie seulement est exploitée, la tourbe de sphaigne est une ressource qui n’est pas près de se tarir dans notre province. Au Canada, les tourbières couvrent approximativement 113 millions d’hectares, soit 12% du territoire. Depuis environ un siècle, le Canada a exploité et détruit environ 1,7% de ses tourbières.
Certains jardiniers préfèrent remplacer la tourbe de sphaigne par de la fibre de coco. Comme la tourbe de sphaigne, la fibre de coco a assurément certains avantages dont ceux d’être légère, de conférer une certaine porosité au terreau et de retenir beaucoup d’eau. Par contre, il s’agit d’un matériau provenant de fort loin dont la transformation et le transport émettent des gaz à effets de serre, tandis que la tourbe de sphaigne est récoltée ici même au Québec. En analysant le cycle de vie de chacun de ces produits, on se rend compte qu’il est préférable d’utiliser deux ingrédients pour la fabrication des terreaux horticoles, soit du compost et de la tourbe de sphaigne – puisée au Québec – plutôt que de la fibre de coco provenant du Sri Lanka, de l’Indonésie ou des Philippines.


Q. Je suis une fervente amatrice de géraniums et je me pose la question suivante: comment faire pour multiplier mes géraniums à partir de plants cultivés en pots? Merci de me donner vos suggestions et vos conseils à ce sujet.
- Mme Mallette
R. Les pélargoniums – le mot géranium est malheureusement erroné pour identifier ces plantes – cultivés en pots à l’extérieur durant l’été peuvent être facilement multipliés par bouturage de leurs pousses terminales. Cette opération peut être effectuée à la fin de l’été, au moment de rentrer ces plantes à l’intérieur, ou encore vers la fin de l’hiver ou tout au début du printemps, soit quelques semaines avant de les ressortir à l’extérieur.
Vous devez prélever les jeunes pousses tendres qui sont situées à l’extrémité des tiges et qui ne portent idéalement pas de fleurs. Sélectionnez des bouts de tiges assez mous, presque succulents. Les boutures, qui doivent avoir une longueur d’environ 10 à 15 cm, sont coupées directement sous un nœud, c’est-à-dire sous l’endroit de la tige où s’insère une feuille. Enlevez ensuite les feuilles en en conservant seulement deux dans la partie supérieure de la bouture. Chez les pélargoniums dont le feuillage est de grande dimension, je recommande de couper les feuilles restantes de moitié de façon à limiter l’évaporation.
Les boutures peuvent produire des racines rapidement dans de l’eau. Vous n’avez qu’à placer un morceau de treillis métallique sur l’ouverture d’un contenant en verre. Insérez-y les boutures de façon à ce que la moitié inférieure de leurs tiges soit plongée dans le liquide. Placez ensuite les boutures sous éclairage artificiel ou près d’une fenêtre bien ensoleillée en évitant toutefois qu’elles soient touchées directement par les rayons du soleil. Pour accélérer l’enracinement, vous pouvez tremper la base des boutures dans des algues liquides pures avant de les plonger dans l’eau. Ainsi, les racines devraient être parfaitement formées après une dizaine de jours seulement. Vous pourrez ensuite mettre chaque bouture dans un pot de 10 cm de diamètre contenant un terreau composé de compost et de tourbe de sphaigne. Identifiez et installez ces nouveaux plants dans un endroit où il y a une bonne luminosité ou sous éclairage artificiel à une température oscillant entre 18 et 22°C.
Vous pouvez aussi faire raciner vos boutures dans un terreau spécialement conçu pour les semis et l’empotage, à base de compost et de tourbe de sphaigne. Pour accélérer la formation de racines, plongez la base des boutures dans une poudre d’enracinement contenant 0,1% d'acide indole-3-butyrique (AIB) ou dans des algues liquides pures. Plutôt que d’installer chaque bouture dans un pot, vous pouvez toutes les disposer dans un même contenant composé de plusieurs petits compartiments. Placez un dôme de plastique transparent sur chaque contenant afin d’assurer une humidité constante aux plants en évitant toutefois que de la condensation se forme sur les parois. Vérifiez régulièrement que le substrat ne soit pas sec et rajoutez un peu d’eau au besoin.
