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Pourquoi je ne serais pas cycliste à Toronto (même si je me déplace à vélo à Montréal)

Photomontage Benoit Dussault
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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

2025-08-11T18:18:59Z
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Après avoir passé trois jours à Toronto, je me suis dit que jamais, au grand jamais, je ne m’y déplacerais à vélo. Cyclistes, automobilistes et tramway se côtoient dans des rues très achalandées du centre-ville, dont plusieurs sont dépourvues de voies cyclables. Est-ce aussi dangereux que je le pense, rouler à vélo dans la Ville Reine? J’en ai parlé à un Torontois pour le savoir.

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«Je ne me sens pas toujours en sécurité», admet Matt, un cycliste de 42 ans qui estime parcourir une vingtaine de kilomètres sur deux roues chaque semaine.

«La culture de la voiture est un peu folle, dit-il. Beaucoup [d’automobilistes] sont très centrés sur eux-mêmes. C’est le cas pour certains cyclistes aussi, mais, habituellement, c’est parce qu’ils tentent de survivre au milieu de grosses voitures épeurantes.»

«Ils [les automobilistes] font des manœuvres assez dangereuses et imprudentes au volant pour aucune raison. Ils veulent se rendre au feu rouge le plus rapidement possible pour aller faire l’épicerie», déplore pour sa part David Shellnutt, un avocat spécialisé en dommages corporels dont la clientèle est majoritairement composée de cyclistes.

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Les automobilistes seraient aussi plus agressifs envers les cyclistes depuis que le gouvernement Ford a déclaré ce que le fondateur du cabinet The Biking Lawyer considère être une «guerre aux vélos».

Qu’entend-il par «guerre aux vélos»?

À l’automne 2024, l’administration de Doug Ford a adopté une loi obligeant la Ville à retirer 19 kilomètres de pistes cyclables des rues Bloor, Yonge et University, trois artères achalandées du centre-ville, dans le but de réduire la congestion automobile.

Selon cette loi, les municipalités devaient également avoir l’accord du ministre des Transports pour aménager de nouvelles pistes cyclables si celles-ci entraînaient le retrait d’une voie pour les véhicules.

Mais à la fin juillet, la Cour supérieure de l’Ontario a invalidé la loi, soulignant qu’elle poserait un «risque accru de préjudice et de mort» aux cyclistes et qu’un rétablissement des voies automobiles ne réduirait pas la congestion.

Malgré cette victoire pour les cyclistes, la Ville de Toronto n’a prévu aucun nouveau projet de piste durant le deuxième trimestre de 2025, selon l’organisme Cycle Toronto. Elle a également fait marche arrière sur des projets de sécurisation de pistes existantes.

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Des aménagements qui sauvent des vies

Les données confirment le jugement rendu par la Cour supérieure.

En comparant les accidents impliquant des cyclistes à Toronto et à Montréal, on constate l’efficacité des infrastructures cyclables, surtout pour prévenir les décès.

Photo Agence QMI, JOEL LEMAY
Photo Agence QMI, JOEL LEMAY

En 2024, six cyclistes sont décédés à Toronto. Ces incidents se sont produits sur des rues où il n’y avait pas de pistes cyclables protégées. David Shellnutt indique également voir passer des centaines de cas de cyclistes ayant subi des blessures dans son cabinet chaque année.

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«Plusieurs de nos cas sont liés à des collisions à des intersections. Des automobilistes veulent être les premiers au feu rouge et, dès qu’ils voient un espace entre les voitures, ils s’y ruent sans tenir compte des cyclistes et des piétons, ce qui crée des collisions», soutient l’avocat, qui affirme aussi voir beaucoup de cas d’emportiérage.

En comparaison, la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) rapporte 674 collisions impliquant des cyclistes survenues l’an dernier à Montréal. Trois personnes en sont mortes.

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Qu’est-ce qui explique le meilleur bilan de Montréal?

Le réseau cyclable est plus de trois fois plus grand dans la métropole québécoise qu’à Toronto: 1083 kilomètres contre 334,4 kilomètres.

On compte aussi plus de cyclistes chez nous que de l’autre côté de la 401: BIXI a enregistré 13 millions de déplacements en 2024, comparativement à 6,9 millions pour le service de vélo partage torontois. Et ça, c’est sans compter les déplacements des cyclistes qui utilisent leur propre vélo.

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«À Montréal, non seulement on a multiplié les kilomètres, mais, en plus, on a adopté une approche de qualité de l’infrastructure, avec le standard des Réseaux express vélo (REV) et ça, ça change complètement la donne. On est capable d’offrir des infrastructures qui sont adaptées à tous les âges et à toutes les habilités sur des rues aussi passantes que Saint-Denis, Peel et Saint-Antoine», explique Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec.

Le nombre de collisions entre les automobilistes et les cyclistes diminuent de 38% par cycliste-mois après l’implantation de pistes cyclables protégées, constate-t-on dans une étude réalisée à Toronto et publiée en 2019 dans la revue ScienceDirect. Les bienfaits se répercutent même sur les rues avoisinantes.

Le réseau cyclable de Montréal se classe au premier rang des villes canadiennes de plus de 300 000 habitants, selon le palmarès des villes cyclables au Canada de l’organisme américain PeopleForBikes. Toronto arrive au 12e rang.

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