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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

Notre cerveau a-t-il un vice caché?

Visual Generation - stock.adobe.com
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Photo portrait de Dr François Richer

Dr François Richer

2024-10-26T04:00:00Z
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Il existe un fossé entre notre cerveau cognitif et notre cerveau instinctif, et ce fossé contribue à plusieurs défauts de notre espèce.

Notre cerveau cognitif

Nous nous identifions principalement à notre cerveau cognitif. Notre «Je» qui vit nos journées consciemment, qui pilote notre volonté et qui a l’impression de savoir qui il est. Ses spécialités sont la perception, la pensée verbale et en images, le raisonnement, la communication et l’action volontaire.

Notre cerveau cognitif a développé des circuits sophistiqués qui ont permis des développements technologiques et socioculturels qui nous ont conduits à dominer la planète. Nos grandes capacités cognitives nous donnent l’illusion d’être rationnels la plupart du temps, mais nous sous-estimons énormément l’influence de notre cerveau instinctif ou émotionnel.

Notre cerveau instinctif

Notre cerveau instinctif ou émotionnel est plus ancien. Ses spécialités sont la mobilisation (motivation, émotions) pour combler des besoins vitaux (faim, soif) et sociaux (attachement, reproduction, coopération, compétition).

Même si nous pouvons ressentir consciemment plusieurs de nos pulsions, envies ou sentiments, notre cerveau instinctif est peu accessible à la conscience. En outre, il n’a pas de système de langage élaboré ni d’écran mental pour planifier ses actions. Il est donc facile de l’ignorer et d’en sous-estimer l’importance.

Notre cerveau instinctif n’est pas totalement indépendant de notre cerveau cognitif. Toute notre vie, il apprend par association un répertoire d’actions automatiques très utiles (nos habiletés, nos habitudes) qui assistent nos actions volontaires. En plus, notre cerveau instinctif est souvent influencé par nos pensées conscientes (ex.: quand un souvenir évoque une émotion).

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À l’inverse, notre cerveau instinctif a aussi un impact majeur sur le contenu de nos pensées conscientes. En effet, malgré l’évolution de notre cerveau, nos priorités émotionnelles ont gardé leur pouvoir de capter notre attention. Nos priorités cognitives sont souvent perturbées par nos urgences et nos préoccupations.

Nos envies sont plus fortes que nos buts

Nos pensées sont loin d’être toujours volontaires. Elles sont souvent des intuitions involontaires allumées automatiquement dans notre cerveau cognitif par nos émotions ou nos habitudes. Ces intuitions sont des raccourcis pratiques pour réagir rapidement à des priorités vitales (ex.: un camion qui s’approche rapidement) ou sociales (ex.: pourquoi m’a-t-il regardé comme ça?).

Nos besoins de sécurité, d’approbation et d’estime nous rendent régulièrement craintifs, compétitifs ou irritables et nous envoient des intuitions qui nous détournent de nos raisonnements.

Une influence indue

Plusieurs défauts des humains peuvent s’expliquer par l’influence de notre cerveau émotionnel qui nous pousse souvent vers des comportements irrationnels. À une échelle individuelle, nos luttes de pouvoir, notre égoïsme et nos besoins de réconfort nuisent souvent à notre santé et à notre bien-être (ex.: un diabétique qui boit pour réduire son stress). À une échelle collective, nous détruisons l’environnement dont nous dépendons et nous détruisons des vies humaines par la guerre, l’exploitation ou l’indifférence.

Même si plusieurs facteurs sociaux contribuent à nos comportements destructeurs, manifestement, certains d’entre eux sont liés à un défaut de fabrication de notre cerveau. Notre cerveau cognitif serait trop puissant par rapport aux priorités plus primitives de notre cerveau émotionnel. Ou encore, notre cerveau émotionnel serait trop influent et incompatible avec le monde technique et culturel que nous avons créé grâce à notre cerveau cognitif.

Changer nos intuitions

Tout le monde sait que modifier nos habitudes n’est pas facile. Mais il est possible d’influencer notre cerveau émotionnel et les intuitions qu’il nous transmet. Nous pouvons organiser notre environnement pour nous rappeler nos buts réfléchis. Par exemple, faire des listes de nos mauvaises habitudes aide à les modifier; noter les moments où nous réduisons notre stress avec l’alcool ou la consommation et les moments où nous employons des moyens plus sains (exercice, loisirs sociaux). Nous pouvons aussi remplir notre agenda d’activités que nous aimerions développer.

Sur le plan collectif, le défi est plus complexe; il dépend de nos systèmes politiques et de leur capacité à équilibrer nos intuitions primaires.

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