Écouter et gérer notre petite voix intérieure


Dr François Richer
Nous nous parlons souvent à nous-mêmes, ce qui peut sembler étrange ; or, notre petite voix intérieure est un bon moyen de se connaître et de se contrôler.
Notre voix intérieure nous accompagne partout. Elle est notre coach et notre aide-mémoire. Elle nous permet de nous rappeler de nombreuses informations au bon moment. Elle est souvent présente pendant nos lectures silencieuses. Elle nous sert aussi à dialoguer avec nous-mêmes, à raisonner et à planifier ce que l’on va dire.
En plus, notre petite voix intérieure nous sert à nous contrôler. Nous l’utilisons souvent pour nous motiver (« OK, go ! ») ou pour gérer notre stress (« Ça va bien aller »).
Notre voix intérieure est probablement générée par les circuits de notre cerveau qui programment nos paroles. Ces circuits allument des mots dans les zones auditives de notre cerveau. Sans déclencher tous les muscles de la parole, notre voix intérieure déclenche parfois de petites contractions de la gorge.
Notre petite voix n’est pas toujours volontaire. La majorité de nos verbalisations mentales sont des intuitions qui nous sont soufflées à l’oreille par nos émotions, comme quand nous pensons à nos préoccupations, à nos frustrations ou à nos rêves (« Ça serait bien d’être toujours en vacances... »). À d’autres moments, ce sont nos habitudes qui guident notre voix intérieure (« C’est l’heure de se brosser les dents »).
Une petite voix faible ou forte
Certaines personnes semblent avoir une voix intérieure plutôt faible. Par exemple, les personnes autistes qui ont eu un développement atypique du langage rapportent parfois qu’ils ont peu de dialogues dans leur tête et qu’ils pensent plus en images.
D’autres personnes au contraire se parlent tout le temps. Elles ont une voix intérieure plus présente que la moyenne. À tel point qu’elles ont du mal à la faire taire pour relaxer ou pour s’endormir. C’est souvent le cas des personnes ayant des traits comme l’anxiété ou l’hyperactivité.
Penser tout haut
Certaines personnes verbalisent parfois leur voix intérieure. Plusieurs se parlent tout seuls pour se rappeler une chose à faire ou une préoccupation (« Mon téléphone ! »). D’autres peuvent même faire des commentaires en marmonnant tout bas parce qu’ils ne peuvent se retenir, mais ils préfèrent ne pas être entendus (« Il est grognon, lui, ce matin... »).
Les personnes ayant des traits obses-sifs peuvent se parler pour mieux se rassurer et se contrôler. Celles qui sont atteintes d’Alzheimer ou d’autres troubles neurocognitifs peuvent se parler elles-mêmes dans un état confus ou encore se parler pour compenser leurs pertes de mémoire.
Entendre des voix
Pendant des épisodes de psychose, les personnes schizophrènes enten-dent parfois des voix. Ces hallucinations verbales sont souvent chargées émotivement (évaluations, insistance, reproches). Plusieurs travaux laissent croire que ces voix sont des voix intérieures qui n’ont pas été reconnues comme étant générées par la personne elle-même. Souvent, ces personnes ont aussi des difficultés à utiliser volontairement leur voix intérieure pour se contrôler.
Entraîner ses intuitions
Notre voix intérieure est un outil précieux pour apprendre à mieux se connaître et à mieux se contrôler.
Parfois, nos petites voix sont peu intrusives, un peu comme des suggestions ou des clins d’œil de notre inconscient (« Et si je prenais un dernier verre ? »). Nous pouvons alors les ignorer ou démarrer une réflexion sur le sujet. Quand elles sont plus émotionnelles (nostalgie liée à un souvenir, retour sur une conversation récente), nous pouvons répondre à nos petites voix pour les relativiser et retourner à notre activité principale.
Cependant, à d’autres moments, nos petites voix déclenchent des émotions qui kidnappent notre attention, nous obsèdent et nous font croire que l’enjeu ne peut attendre (ex. : un débat qui nous tient à cœur, une injustice). Dans ces moments, le défi est de reprendre le contrôle de notre discours interne pour ne pas être une victime de nos voix intérieures.