La bataille de Trois-Rivières de 1776: l'écrasante défaite des troupes américaines qui ont tenté d'envahir le Québec et de l'annexer aux États-Unis

Martin Landry
Nos voisins américains n’ont pas obtenu leur souveraineté par référendum, mais plutôt après 14 longues années des combats armés.
On sait que cette Révolution américaine a dépassé les frontières des États-Unis pour toucher Montréal et Québec, mais on oublie souvent que ces révolutionnaires se sont aussi battus pour prendre Trois-Rivières en 1776.

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CONTEXTE HISTORIQUE
Au printemps de 1775, les colonies américaines rebelles décident de se constituer une véritable armée. La première grande campagne de cette nouvelle armée sera l’invasion de la province de Québec.
Avant de nous envahir par la force, plusieurs émissaires de la cause révolutionnaire, comme Benjamin Franklin, sont envoyés au Québec pour tenter de nous convaincre de nous joindre à leur mouvement d’insurrection contre la couronne britannique. Cependant, devant la tiédeur des Canadiens, les Américains changeront de stratégie. Ils déploieront leurs troupes pour occuper le Québec et tenter de chasser l’armée britannique.
Une première division, dirigée par le général Benedict Arnold, prend la direction du nord, passe par le Maine et entre dans la province par la Chaudière. Une deuxième division, sous les ordres du général Richard Montgomery, passe par l’Hudson et le Richelieu.
Arrivé sans trop de résistance aux portes de Montréal, Montgomery somme les Canadiens de capituler. À l’intérieur des fortifications montréalaises, le gouverneur britannique, Guy Carleton, est bien conscient qu’il ne peut arrêter l’invasion avec sa poignée de soldats. Le 11 novembre 1775, l’avancée des troupes du Congrès continental force le gouverneur général à quitter Montréal. Il fuit en douce par le fleuve en chaloupe, costumé en paysan, pour déjouer les sentinelles américaines. Le commandement britannique abandonne donc complètement Montréal et se replie derrière les remparts de la ville de Québec.
À seulement 150 km de là, les notables de Trois-Rivières sont soucieux de voir leur ville détruite éventuellement par le passage de l’armée américaine. Ils dépêchent des notables trifluviens à Montréal et offrent leur ville aux Américains avant même l’arrivée des troupes chez eux.
Quelques semaines plus tard, les Américains se sentent prêts à porter le coup de grâce à la jeune colonie britannique. L’assaut contre Québec est donné à 4 heures du matin, le 31 décembre 1775, en pleine tempête de neige. Les troupes américaines rencontrent alors une résistance surprenante et l’attaque de révolutionnaires se termine par un échec cuisant.
Affaiblis par l’hiver rigoureux, les maladies et le manque de ravitaillement, les Américains se retirent et quittent Québec, mais pas le territoire de la province de Québec. En effet, le 8 février 1776, un détachement de soldats américains s’installe à Trois-Rivières. Il y passe plus de trois mois. Ce fut un hiver extrêmement difficile pour cette centaine de soldats laissés en terre trifluvienne. À la fin de l’hiver, la poignée de soldats est informée qu’une flotte britannique de plus de 10 000 hommes vient d’arriver en renfort dans le Saint-Laurent. Les soldats américains plient bagage, quittent Trois-Rivières et se replient plus en amont sur le fleuve.

BATAILLE DE TROIS-RIVIÈRES
En fait, le général Sullivan, qui commande les troupes américaines, croit que ce repli sera temporaire. Selon lui, il pourra facilement reconquérir Trois-Rivières un peu plus tard et ainsi couper la stratégique route Montréal-Québec aux troupes du roi. Toutefois, le général américain est mal informé, Trois-Rivières est désormais bien défendue et sera à partir du printemps 1776 beaucoup plus difficile à reprendre.
Sullivan somme le brigadier général Thompson d’attaquer Trois-Rivières avec un contingent de 1800 soldats. Il est loin de se douter que pendant ce temps-là, le gouverneur général britannique a fait débarquer à proximité de Trois-Rivières une division entière de son armée.
Les Américains, conduits par un marchand de Louiseville et un cabaretier de Yamachiche, traversent le lac Saint-Pierre durant la nuit du 7 au 8 juin 1776. À la Pointe-du-Lac, ils croisent par hasard la route d’Antoine Gauthier et le forcent à les guider dans la pénombre vers Trois-Rivières. Gauthier a juste le temps de prendre chez lui des vêtements chauds et de demander discrètement à son épouse, Marie-Josephte Girard, d’avertir le capitaine de milice qu’il est forcé de guider les Américains vers la ville. Cette information stratégique transmise par Marie-Josephte Girard est cruciale dans le déroulement des opérations militaires, parce qu’une fois informé, le colonel Fraser de l’armée britannique réveille un maximum de soldats. Autour de 4 heures du matin, ses troupes, appuyées par la milice locale du général Tremblay et du chevalier de Niverville, ont réussi à rassembler presque 1100 soldats. Ils peuvent donc se positionner stratégiquement durant la nuit pour attendre l’arrivée des soldats américains.
Le matin du 8 juin, le chevalier de Niverville et une poignée de miliciens font prisonniers Antoine Gauthier et l’avant-garde des troupes américaines. Tout est en place, les effectifs qui défendent Trois-Rivières sont parfaitement embusqués quand les soldats révolutionnaires se pointent le bout du nez, ils sont canardés pendant deux heures. Un feu nourri de balles et de boulets de canon vient des positions au sol, mais aussi des bâtiments ancrés sur le fleuve. Désorganisés et surtout mal positionnés, les Américains subissent des pertes importantes. Thompson tente de restructurer son armée, sans succès, la supériorité numérique et logistique des Britanniques scelle le sort de la bataille de Trois-Rivières.

CONSÉQUENCE DE LA BATAILLE
La défaite des Américains à Trois-Rivières est écrasante. Thompson, son adjoint, le colonel Irwin, ainsi que 200 hommes sont capturés. Les survivants battent en retraite par les bois vers Louiseville, puis vers Montréal. La bataille de Trois-Rivières fera près de 300 morts et blessés dans le camp américain tandis qu’on ne rapporte que quelques blessés et aucun mort dans les troupes qui défendent Trois-Rivières.
Cette défaite marque la fin des espoirs américains de s’emparer du Canada et de rallier les Canadiens francophones à leur cause. Les pertes humaines et matérielles sont lourdes et l’expédition canadienne, initialement perçue comme une extension naturelle de la guerre d’indépendance, se transforme en un fiasco stratégique.
Pour les Britanniques, la victoire de Trois-Rivières est décisive. Elle permet au gouverneur Carleton de consolider sa position et de préparer la contre-offensive qui reconduira les Américains hors du Québec.
Sur le plan stratégique, la bataille de Trois-Rivières démontre les difficultés logistiques et les défis de coordination auxquels sont confrontées les forces révolutionnaires américaines en territoire hostile et éloigné de leurs bases d’approvisionnement.
