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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

«La Gazette de Québec»: le plus vieux journal d’Amérique du Nord est québécois et il est encore publié aujourd’hui après 260 ans d’activité

Toute première édition de «La Gazette de Québec», le 21 juin 1764.
Toute première édition de «La Gazette de Québec», le 21 juin 1764. Photo BANQ
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2024-06-14T11:00:00Z
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Saviez-vous que La Gazette de Québec est le plus vieux journal d’Amérique du Nord et qu’il est encore publié aujourd’hui?

Pendant l’époque coloniale française (1608-1760), les administrateurs n’ont aucun appétit pour la liberté d’expression au Canada. Les Jésuites en 1665, puis les Sulpiciens en 1683 vont tenter de mettre sur pied des imprimeries, mais leurs projets ne feront pas long feu. On observe la même situation quelques décennies plus tard. Les gouverneurs Roland-Michel Barrin de La Galissonière (1748), puis Jacques-Pierre Taffanel de La Jonquière (1751) essaieront sans succès de convaincre le roi de les autoriser à créer une première imprimerie dans la vallée du Saint-Laurent. Ainsi, jusqu’à la Conquête britannique (1760-1763), on ne trouve pas d’imprimerie ni de journaux publiés chez nous. Il faut dire qu’à l’époque, moins du quart des habitants savent lire. C’est bien simple, sans système scolaire établi, sans imprimerie ni journaux, les lecteurs tout comme les livres sont peu nombreux.

NAISSANCE D’UN JOURNAL

Au lendemain de la Conquête britannique, deux employés de l’imprimeur-libraire William Dunlop de Philadelphie apprennent qu’aucun imprimeur n’est installé dans la Province of Quebec. Thomas Gilmore et William Brown y voient une opportunité d’affaires, ils s’associent et émigrent dans la nouvelle province britannique pour y ouvrir une imprimerie. S’ils veulent être les premiers, il n’y a pas de temps à perdre. Pendant que Thomas Gilmore traverse l’Atlantique vers le Vieux Continent pour acheter l’équipement d’impression, William Brown débarque à Québec et se met à la recherche d’un atelier pour y fonder leur commerce. Fin stratège, il fait courir la rumeur qu’un journal arrivera bientôt en ville. La nouvelle en emballe plusieurs, tellement qu’il réussit à vendre des abonnements avant même l’impression de la première édition.

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Avec l’appui financier du premier gouverneur civil de la Province of Quebec, James Murray, l’imprimerie de Gilmore et Brown s’établit rue Saint-Louis. Le premier numéro de La Gazette de Québec sort des presses le 21 juin 1764, ce qui en fait notre plus ancien journal du territoire actuel du Québec. La première édition de La Gazette de Québec est publiée au nombre de 143 exemplaires. Dans un article qui a pour titre «Les imprimeurs au public», nos deux imprimeurs expliquent aux lecteurs qu’ils souhaitent créer un journal pédagogique et libre de toute partisanerie.

James Murray.
James Murray. Domaine public

Leur publication bilingue tenait sur quatre pages séparées en deux colonnes. À gauche, on retrouvait le texte original en anglais, puis à droite, une traduction en français. The Quebec Gazette/La Gazette de Québec était vendue aux abonnées une fois par semaine. On y lisait un mélange de nouvelles d’ici et de l’international. Il contenait aussi des publicités, des documents officiels et des annonces qui venaient la plupart du temps du gouvernement.

La Gazette de Québec devient un important véhicule d’information. Le gouvernement colonial prend l’habitude d’utiliser La Gazette de Québec pour communiquer avec la population. Dès l’automne 1764, le gouverneur Murray va même jusqu’à obliger les curés de paroisse à s’abonner à La Gazette de Québec et d’en faire la lecture le dimanche après la messe.

ENJEUX OU EMBÛCHES

Au lendemain de la Conquête (1760), le gouvernement britannique se retrouve dans une bien fâcheuse position financière. Le coût démesuré de cette guerre en Amérique a vidé les coffres du gouvernement. Pour se renflouer, il fait voter la loi du timbre. Cette dernière fait augmenter la rame de papier timbré de 450%. Cette trop forte inflation force nos deux imprimeurs de Québec à cesser la publication de leur journal pendant quelques années. Vers la fin de l’année 1775, en pleine guerre de l’Indépendance américaine, au moment où le siège de Québec prend forme et que les habitants ont besoin plus que jamais d’être informés, le journal ne publie plus. Heureusement, nos imprimeurs réussiront à reprendre du service à la fin de l’été de 1776. 

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Il faut savoir que l’imprimerie progresse lentement au 18e siècle au Bas-Canada, probablement parce que bien peu de gens savent lire. Malgré tout, on voit naître d’autres journaux à la fin du siècle comme le Montreal Gazette (1778). Puis à l’arrivée du siècle suivant, avec la concentration urbaine et l’augmentation de l’alphabétisation, les imprimeurs vendent de plus en plus de journaux, certains fracassent les 1000 exemplaires par tirage. 

Le journal aura plusieurs éditeurs. Par exemple, entre 1856 et 1874, Robert Middleton et John Thomas Dawson éditent et impriment «The Quebec Gazette». Les bureaux du journal et l’imprimerie sont au bas de la côte de la Montagne. Cette photo de la Société historique de Québec présente l’imprimerie du journal vers 1866.
Le journal aura plusieurs éditeurs. Par exemple, entre 1856 et 1874, Robert Middleton et John Thomas Dawson éditent et impriment «The Quebec Gazette». Les bureaux du journal et l’imprimerie sont au bas de la côte de la Montagne. Cette photo de la Société historique de Québec présente l’imprimerie du journal vers 1866. Photo SOCIÉTÉ HISTORIQUE DE QUÉBEC

Malgré l’adversité et la concurrence, La Gazette de Québec va réussir à devenir un journal établi. En 1842, elle prend un virage identitaire et devient unilingue anglaise. À partir de 1873, elle va se fusionner à d’autres publications. D’abord avec le Morning Chronicle, le journal se nomme The Quebec Chronicle and Quebec Gazette. Puis, avec le Quebec Daily Telegraph, en 1934, il prend le nom de The Quebec Chronicle-Telegraph. Depuis 260 ans, ce journal tient informé son lectorat. Les nouvelles sont sans doute bien différentes, quoiqu’on serait peut-être surpris.

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