Murs végétalisés : une tendance de plus en plus populaire pour verdir et assainir nos intérieurs


Albert Mondor
Nos parcs et nos jardins s’étalent tous à l’horizontale, mais voilà qu’apparaissent depuis quelques années, un peu partout sur la planète, d’étonnants jardins verticaux.
Quiconque a vu un mur végétalisé a pu se rendre compte qu’il s’agit d’un tableau, d’une véritable œuvre d’art, où les couleurs, les formes et les textures des plantes donnent à la fois l’effet du coup de pinceau du peintre et celui du ciseau à froid du sculpteur donnant forme à la matière brute.
Avec l’avènement des murs végétalisés, ce sont les infrastructures de toutes sortes et les édifices eux-mêmes qui deviennent des jardins. Les plantes ne poussent plus seulement au sol, elles prennent désormais d’assaut les plus hauts bâtiments.
De plus, l’époque où le jardin était vu comme une œuvre purement esthétique est révolue. Les aménagements paysagers qui sont maintenant créés sur les édifices, à l’intérieur comme à l’extérieur, sont utiles puisqu’ils permettent notamment d’augmenter leur durabilité et d’améliorer aussi la qualité de vie des humains et de leur environnement.

Jardins verticaux d’hier et d’aujourd’hui
L’engouement actuel pour les murs végétalisés repose en partie sur de longues années d’expérimentations menées par l’architecte paysagiste brésilien Roberto Burle Marx et par le botaniste français Patrick Blanc qui, vers la fin du 20e siècle, furent parmi les premiers à s’inspirer des écosystèmes montagneux et à démontrer la capacité des plantes à vivre sur des parois verticales.
Grandement inspirés par les travaux de ces pionniers, divers systèmes de murs végétalisés ont été développés depuis le début du nouveau millénaire.
L’avènement de cette phytotechnologie permet actuellement la création de jardins bien différents des aménagements paysagers traditionnels. Les jardins peuvent maintenant faire partie intégrante des bâtiments et leur donner une nouvelle fonction. La végétalisation des édifices et des infrastructures n’est donc pas simplement un rêve ou une utopie, mais bien une réalité, car des bâtiments couverts de plantes voient présentement le jour un peu partout sur la planète.
C’est ainsi qu’en 2006, on a vu la façade du fameux Musée du Quai Branly, situé à Paris, complètement recouverte de végétation, et qu’on a vu par la suite pousser à Milan, en Italie, deux tours d’habitation végétalisées créées par l’architecte Stefano Boeri. Ces deux derniers édifices de 80 m et de 112 m de hauteur, appelés Bosco Verticale, abritent sur leurs balcons une véritable forêt d’arbres et d’arbustes d’une superficie de près d’un hectare.
Il faut également souligner les efforts exceptionnels de végétalisation des édifices à Singapour où l’on retrouve maintenant plus de 200 immeubles végétalisés, couvrant ainsi une surface d’environ 100 hectares. Par le truchement de son programme Skyrise Greenery, la direction des parcs nationaux de Singapour a pour objectif d’augmenter la superficie des immeubles végétalisés à 200 hectares d’ici 2030.
Plusieurs murs végétalisés ont également été installés au Canada depuis le début du millénaire. À Montréal, on compte actuellement quelques dizaines de murs végétalisés intérieurs et extérieurs.
L’engouement pour les murs végétalisés correspond à un phénomène très important dans l’histoire de l’humanité: plus de la moitié des êtres humains peuplant la Terre vivent maintenant dans les villes. Toutefois, au Canada, comme dans plusieurs autres pays occidentaux d’ailleurs, la proportion de la population urbaine atteint plus de 85%. Le manque d’espace oblige donc les architectes paysagistes, paysagistes et autres designers de jardins à user de beaucoup d’imagination pour créer des espaces verts dans les villes.
Dépollution de l’atmosphère
En plus d’être très ornementaux et pour le moins originaux, les murs végétaux sont aussi fort utiles puisqu’ils rafraîchissent et humidifient l’atmosphère des bâtiments dans lesquels on les installe. Ils permettent également de dépolluer l’air des édifices commerciaux et résidentiels d’une foule de substances gazeuses, dont les composés organiques volatils (COV) qui sont particulièrement nocifs pour l’être humain.
Des recherches récemment effectuées au Canada, en Australie et en France ont démontré que les microorganismes entourant les racines des végétaux possèdent eux aussi la capacité d’éliminer les polluants de l’air. Selon ces études, il semble que les microorganismes contenus dans le terreau agissent comme dépollueurs de l’air, parfois plus efficacement que les feuilles des plantes elles-mêmes. En fait, les microorganismes associés aux racines – cette association est appelée rhizosphère – peuvent éliminer jusqu’à 65% des COV, alors que les feuilles des plantes absorbent et métabolisent le reste des substances qui polluent l’air. Les résultats de ces recherches permettent d’affirmer qu’il est préférable de conserver le terreau autour des racines des plantes lorsqu’on les installe dans un mur végétalisé. Cependant, après quelques mois, les racines des plantes iront tout naturellement coloniser les membranes géotextiles composant un mur végétalisé, à condition que celles-ci soient constituées d’une quantité appréciable de matière organique (textiles à base de coton et de lin récupérés).


Système de végétalisation exigeant rigueur et précision
La végétalisation d’une paroi verticale a quelque chose de magique. Toutefois, maintenir des plantes en vie sur un mur exige une technologie bien particulière et des soins soutenus.
Un mur végétalisé ne peut pas être installé directement sur une cloison de gypse. Il faut absolument installer des fourrures métalliques sur les murs de gypse afin de créer un espace permettant le passage de l’air derrière le mur végétalisé. Il est également possible d’enlever le gypse afin d’installer un fond de clouage en contreplaqué sur lequel sont ensuite fixées les fourrures métalliques et la structure du mur végétalisé.
Outre les fourrures métalliques, on doit aussi installer un cadre en aluminium ou en acier inoxydable définissant les pourtours du mur végétalisé ainsi qu’un drain ou un bassin de rétention à la base du mur végétalisé. Par la suite, des plaques de polyéthylène recyclé parfaitement imperméables d’environ 12 mm d’épaisseur (les panneaux de marque Polyboard peuvent très bien faire l’affaire) sont fixées sur les fourrures métalliques. Afin d’assurer l’étanchéité du mur, il est essentiel d’apposer un ruban imperméabilisant autocollant sur les joints entre les plaques de polyéthylène et sur les vis.
Une première membrane géotextile feutrée hydrofuge très épaisse – couvrant la superficie entière du mur – est ensuite attachée directement aux panneaux de polyéthylène à l’aide d’agrafes en acier inoxydable. Une seconde membrane géotextile est ensuite fixée par-dessus la première. On peut aussi simplement utiliser une membrane géotextile précousue en pochettes, comme la membrane de marque PhytoTex® par exemple. Il s’agit en fait d’un géotextile à couches multiples muni de pochettes pour les plantes et de canaux intégrés pour le système d’irrigation. Ce matériel fabriqué en Suède a été utilisé avec succès à plusieurs reprises pour ce type d’application.
On doit aussi installer un système d’irrigation goutte à goutte entre les géotextiles. Ce système fournit de l’eau aux végétaux grâce à une pompe se trouvant dans un bassin à la base du mur. Ce bassin permet la récolte de l’eau de drainage, évitant ainsi le gaspillage, et assure qu’elle ne soit pas trop froide pour les plantes. Il est également possible d’installer un simple drain à la base du mur et d’utiliser l’eau provenant directement de l’aqueduc afin d’irriguer le mur végétalisé, sans qu’il soit toutefois nécessaire d’utiliser une pompe. Des éléments nutritifs doivent aussi être régulièrement fournis aux végétaux qui composent le mur.
Il est également important de noter que la lumière du soleil pénétrant par les fenêtres n’est habituellement pas suffisante pour assurer une bonne croissance des plantes composant un mur végétalisé. Il faut généralement pallier le manque de luminosité par l’installation d’un système d’éclairage artificiel composé de lampes munies d’ampoules à DEL spécialement conçues pour la culture de végétaux offrant un spectre lumineux semblable à celui du soleil.
Méthode de plantation singulière
Avant de disposer chaque plante dans le mur, on doit faire une incision horizontale dans la première couche de membrane géotextile à l’aide d’un couteau, sans toutefois couper la membrane géotextile située dessous. Cette incision doit avoir une longueur légèrement supérieure à celle du diamètre de la motte de racines de la plante à mettre en place. Encore une fois, l’utilisation d’une membrane géotextile précousue en pochettes évite cette opération et permet une plantation efficace et rapide.
Sans enlever la terre qui recouvre ses racines, chaque plante est ensuite insérée dans une pochette ou dans la fente, entre les deux couches de membranes géotextiles. On doit mettre quelques agrafes traversant les membranes géotextiles, sous et sur les côtés de la motte de racines de la plante, de façon à la maintenir bien en place.
Finalement, afin que les plantes aient une bonne croissance et un développement adéquat, un mur végétalisé doit absolument être irrigué et fertilisé régulièrement. Les plantes doivent être irriguées à raison de un à un litre et demi par mètre carré une à deux fois par jour (1 à 1,5 L/m2/24h).


Végétaux choisis
La culture des plantes tropicales est ce qu’il y a de plus simple à effectuer dans un mur végétalisé. Les plantes épiphytes ou de sous-bois vivant sous la canopée des arbres dans les forêts tropicales, telles que Anthurium, Epipremnum, Nephrolepis, Philodendon et Phlebodium, sont assurément les mieux adaptées à la culture verticale. On peut également cultiver avec succès plusieurs espèces de broméliacées et de bégonias dans les murs végétalisés. La culture verticale de certaines plantes comestibles, particulièrement les légumes-feuilles, les fraises et les fines herbes, est également possible.