Martin Lafleur perpétue l’héritage de son père, Guy Lafleur
«Son projet continue de grandir.»
Dave Morissette
Quatre ans après le décès de Guy Lafleur, son héritage dépasse largement les exploits sportifs qui ont fait vibrer des générations de partisans. Pour Martin Lafleur, cette présence demeure quotidienne, chaleureuse et inspirante. À travers le Fonds Guy Lafleur, dont il a repris les rênes, le fils du Démon blond poursuit une mission profondément humaine: aider, soutenir et redonner. Dans cette entrevue réalisée par notre collaborateur Dave Morissette, il revient sur le deuil, la famille, la force du collectif et le désir de garder bien vivant le nom de son père.
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Martin, pourquoi avoir choisi de reprendre le flambeau du Fonds Guy Lafleur?
Quand un proche tombe malade et qu’il décide, au milieu de ses traitements, d’aider les autres, ça dit tout sur la personne qu’il était. Mon père pensait aux autres avant de penser à lui, toujours. Continuer le fonds en son honneur, c’était naturel, presque instinctif. Et je suis fier que, quatre ans après son départ, ce projet continue de grandir.

Les objectifs initiaux étaient de cinq millions. Où en êtes-vous?
On est tout près des cinq millions, et on vise maintenant 10 millions. De nouveaux ambassadeurs se sont joints à nous, l’équipe s’est élargie. Je n’ai aucun doute qu’on atteindra ce nouveau cap, mais ça demeure un travail collectif: seul, je n’aurais pas ce rayonnement-là. C’est la force du groupe qui nous fait avancer.
On t’a souvent vu épauler ton père lors d’événements. Qu’est-ce qu’il te dirait aujourd’hui?
Je pense qu’il serait fier. La vie va vite: nos familles, nos obligations, nos comptes, tout s’accumule. Donner du temps pour aider les autres, c’est précieux. Il me dirait sûrement de continuer, mais surtout de donner mon maximum, peu importe le résultat. C’était sa phrase clé: «Donne ton 100 %.» Ça reste gravé.
Comment va la famille, quatre ans après?
La vie a changé, forcément. Mon père, c’était une locomotive, un pilier. Mais on est bien entourés. Les Canadiens prennent encore soin de nous, on se sent partie intégrante de cette grande famille-là. Voir les anciens fait du bien, même si c’est parfois un couteau à double tranchant pour ma mère: elle ressent l’absence, mais elle se sent aussi portée par l’affection des gens.
Pour toi, est-ce lourd de représenter les Lafleur?
Non, c’est un honneur. Je ne suis pas un gars très bavard, j’aime rester en arrière-plan, un peu comme lui, finalement. Mais depuis son départ, j’ai reçu tellement de témoignages touchants sur l’homme qu’il était; pas juste le joueur, le citoyen aussi. Ça me donne envie de faire perdurer son nom le plus longtemps possible.
Est-ce qu’il te manque, ton père?
Tous les jours. Même quand il me chialait après, ce qui arrivait... régulièrement! Son absence est partout, dans les petites habitudes, les matchs, les soupers de famille.
Parlons justement de ta famille. Comment ça se passe?
Ma fille a sept ans. Elle parle souvent de son grand-père. Ils avaient une relation spéciale. Mon père rêvait d’avoir une petite fille à chérir: il a été comblé. Même si elle oubliera certains moments, on entretient ses souvenirs: photos, anecdotes, conversations. Ainsi, elle ne l’oubliera jamais.
Et ta mère?
Elle est forte, elle avance une journée à la fois. Oui, les soupers avec les anciens peuvent être difficiles; elle se retrouve parfois seule parmi les couples. Mais elle est bien entourée, et on reste toujours proches les uns des autres, sur la Rive-Nord. On se voit souvent, on se soutient.
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Arrivez-vous à faire un souper sans parler de ton père?
Impossible! On va toujours dans ses restos préférés, on s’assoit aux mêmes tables. L’absence est grande, mais les souvenirs sont encore plus grands.
Est-ce que tu continues de fréquenter les amis de ton père?
Oui, et on parle d’histoires que je ne connaissais même pas. Ça me permet de découvrir encore des facettes de mon père.
Imagines-tu parfois ce que ça serait s’il était encore là?
Tout le temps; chaque match au Centre Bell, chaque événement. Des fois, j’y vais seul, et je donnerais n’importe quoi pour aller prendre une bière avec lui au salon des anciens. J’ai tellement de souvenirs... Ce sont ces petites choses qui me manquent le plus.
En terminant, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter?
La santé, c’est tout. C’est ce qu’il nous répétait lui aussi: profiter du moment présent et de la famille, rien n’est plus important.

L’humain derrière la légende
Le livre Guy Lafleur et nous rassemble 50 témoignages de ceux qui ont connu, admiré ou côtoyé le Démon blond. Anciens joueurs, amis proches, journalistes et collaborateurs y racontent «leur» Guy, celui derrière les records et la légende. Martin Lafleur a collaboré au projet, apportant son regard intime sur l’homme, le père et le citoyen engagé. On y découvre la légende, qui était aussi humain, drôle, généreux, parfois vulnérable, loin de l’athlète parfait qu’on imaginait. Entre confidences touchantes et anecdotes inédites, ce livre offre un portrait vibrant d’un homme qui a marqué bien plus que le hockey.