Disparu de nos écrans il y a 35 ans, l'ancien VJ de MusiquePlus Paul Sarrasin explique comment il a repris sa vie en main
Nathalie Slight
Figure marquante de MusiquePlus dans les années 1980 et 1990, Paul Sarrasin a marqué toute une génération avec ses émissions cultes et son style authentique. Après 35 ans loin des projecteurs, il revient sur scène pour coanimer Génération MusiquePlus 86-96, un spectacle rempli de nostalgie. Entre souvenirs, épreuves et renaissance, il nous raconte son parcours hors du commun.
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Paul, comment est né le projet de spectacle Génération MusiquePlus 86-96?
Pour souligner le 40e anniversaire de MusiquePlus, Groupe Entourage a eu l’idée de créer un spectacle musical pour les nostalgiques des années 1980-1990. L’ex-VJ Geneviève Borne et moi avons été approchés pour coanimer cet événement. Pour faire revivre les grands succès de l’époque, Jonas Tomalty et son band The Jaguar Moon seront présents, ainsi que l’excellente chanteuse Raphaëlle Roy. J’ai vraiment hâte, ce sera un superbe rassemblement.
Il s’agit d’un retour en force pour toi. Personnalité chouchou du public québécois dans les grosses années de la station, tu as disparu du jour au lendemain dans les années 1990.
Ça fait 35 ans que je ne suis plus dans les médias. Au fil des ans, on m’a approché à maintes reprises pour animer ou participer à des émissions télé et j’ai refusé presque toutes les invitations. J’ignore pourquoi, mais cette fois était la bonne. Je me sentais prêt, j’avais envie de reconnecter avec cette époque, avec la musique, mais surtout avec les gens.

Que retiens-tu de tes années de VJ à MusiquePlus?
Tout le monde s’attend à ce que je nomme les célébrités que j’ai interviewées, ou encore des moments marquants de mes émissions Solidrok et Le combat des clips. Mais ce que je retiens, c’est la proximité que j’avais avec les gens. À l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas, MusiquePlus était la courroie de transmission entre les artistes et le public. En plus, le studio donnait sur la rue Sainte-Catherine, les gens pouvaient nous voir animer à travers la vitre.
(Paul esquisse un sourire)
Une rencontre m’a particulièrement marqué: alors que j’animais à l’extérieur des studios, une jeune fille d’environ 16 ans mendiait dans la rue. Entre deux interventions, je lui ai dit: «Je te donne 20 dollars, à une seule condition: que tu penses à ton rêve le plus précieux chaque fois que tu en as l’occasion.» Quelques années plus tard, j’ai rencontré une jeune femme tout à fait lumineuse dans un lancement de disque. Elle m’a dit: «Te souviens-tu de moi?» C’était la jeune mendiante, qui travaillait maintenant dans un bureau et qui était sur le point de fonder une famille avec son amoureux. J’y repense et j’en ai des frissons!
Et en ce qui a trait à l’équipe à MusiquePlus?
La spontanéité qui régnait dans le studio était extraordinaire! Sonia Benezra pouvait, par exemple, venir faire la bise à un artiste qu’elle appréciait alors que j’étais en pleine entrevue avec lui. Il y avait une absence totale de hiérarchie, tout le monde était sur le même pied d’égalité.
Pourquoi as-tu disparu du jour au lendemain?
Un vendredi, à 16 h, on m’a annoncé que c’était terminé, que je ne travaillais plus à MusiquePlus. Ç'a tellement été un choc pour moi, tout est un peu flou par la suite. Je suis reparti chez moi, comme un zombie, avec mes effets personnels dans une petite boîte. Je suis originaire du Saguenay, je ne connaissais personne à Montréal. Ma famille, c’était MusiquePlus! La période qui a suivi a donc été immensément dure pour moi.
Que veux-tu dire?
À 30 ans, j’ai tout perdu. J’ai non seulement été remercié de MusiquePlus, mais j’ai aussi perdu tous mes engagements collatéraux. J’ai fait un album, qui n’a pas fonctionné, j’ai perdu mon emploi d’animateur à la radio à CKOI. La faillite a ensuite suivi, car je n’arrivais pas à me trouver un nouvel emploi. J’ai connu la dépression, la pauvreté... je suis tombé dans la consommation. À deux reprises, j’ai failli passer de l’autre côté.

Et comment as-tu réussi à te sortir de cette période trouble?
À 34 ans, j'ai rencontré le bouddhisme. Ça m’a permis de rencontrer des hommes qui ne connaissaient rien de mon passé à MusiquePlus, qui ont fait fi de la figure publique que j’étais, pour ne voir que l’humain. J’ai cessé complètement la consommation pour me lever à 6 heures tous les matins, afin de participer à des rencontres de méditation. J’ai fait le ménage dans ma vie, tassé les mauvaises fréquentations, pour me reconstruire petit à petit.
Pratiques-tu toujours le bouddhisme?
Non. Mais les pratiques que j’ai apprises m’ont carrément sauvé la vie et ont fait de moi un meilleur humain. Par exemple, quand je vais m’acheter un café, au lieu de payer de façon distraite le commis qui m’a servi, je discute un peu avec lui, en lui souhaitant une magnifique journée. Des petits gestes comme ceux-là ne coûtent rien et font une différence dans la vie des gens.
Comment as-tu renoué avec le travail?
J’ai commencé à décrocher des contrats de voix, à TQS, au Canal Famille, à Télé-Québec. Puis, j’avais ce vieux rêve de faire du doublage. J’ai donc suivi une formation avec Sébastien Dhavernas. Question d’ajouter des cordes à mon arc, j’ai aussi suivi des ateliers de théâtre avec Danielle Fichaud. J’ai débuté dans le domaine tout en bas de l’échelle, en effectuant des voix d’ambiance. Puis, petit à petit, je doublais des troisièmes et des deuxièmes rôles. J'ai été très patient, et ça a éventuellement porté ses fruits puisqu’aujourd’hui, je suis devenu l'un des doubleurs les plus engagés au Québec.
Où pouvons-nous t’entendre?
Un peu partout! Par exemple, j’assure la narration de l’émission Nos ancêtres les extraterrestres, présentée à Historia. Je prête ma voix à Goule, le personnage principal de la série Fallout, présentée sur Amazon Prime. Vous connaissez l’acteur britannique Tom Hardy? C’est moi qui le double dans chacun de ses projets. J’assure aussi la voix de toutes les bandes-annonces des films et séries de Disney. Bref, je ne manque pas de travail au niveau de la voix.



Et comment l’art s’intègre-t-il dans ta vie?
Vers l’âge de trois ans, mes parents m’ont acheté la plus grosse boîte de crayons Crayola parce que je dessinais tout le temps. À sept ans, j'ai gagné le premier prix du concours régional de dessin pour le Carnaval de Chicoutimi. Puis, quand j’ai commencé à travailler dans les bars, à l’âge de 18 ans, j’ai mis cette passion de côté. L’art visuel a refait surface dans ma vie lorsque j’ai intégré le mouvement bouddhiste.
De quelle façon?
Je fabriquais des petites armoires sanctuaires. À un moment donné, mon père — qui est historien de l'art — m’a incité à créer juste pour le plaisir, sans le côté spirituel. Une semaine plus tard, j'avais un atelier. Ça fait maintenant 15 ans que je sculpte, que je peins, que je crée des œuvres tridimensionnelles ainsi que des murales. Ma dernière exposition remonte à 2019 et je suis en train de préparer autre chose, je ne manque jamais d’inspiration. D'ailleurs, je vais signer l’œuvre officielle commémorative du 50e anniversaire des Jeux olympiques de Montréal, qui sera célébré en juin 2026. L’œuvre s’intitulera JoyOlympique.
(Après hésitation, Paul prend son iPhone et fait jouer une magnifique chanson.)
C’est ma voix, ma musique, mes paroles... Je prépare — lentement, mais sûrement — un album. Ça fait 30 ans que j’ai ce projet en tête, et je sens qu’il est temps de le réaliser.
Génération MusiquePlus – 86-96: un spectacle célébrant le phénomène télévisuel, animé par les VJ vedettes Geneviève Borne et Paul Sarrasin. Les billets sont disponibles dès maintenant au generationmusiqueplus.com