Entre l’égoïsme et l’abnégation


Dre Christine Grou
Je pense à moi. Mais pas qu’à moi. Craignant d’être «égoïstes», certaines personnes éprouvent beaucoup de difficulté à refuser les demandes de leur entourage. D’autres cèdent systématiquement aux attentes de ceux qui les entourent, au nom de l’altruisme et de la générosité.
Si l’on veut tous être une bonne personne, faire plaisir et être aimés des autres, le fait de toujours privilégier les besoins d’autrui risque tôt ou tard de nous coûter cher. À l’opposé, le fait de ne jamais vouloir accommoder, offrir ou faire des compromis pour sa famille, ses collègues ou ses amis n’est certainement pas souhaitable. Entre ces deux avenues, comment tendre vers un juste équilibre?
Lorsqu’un proche sollicite votre aide et que vous devez refuser une telle demande, votre voix intérieure pourrait vous souffler que vous êtes une mauvaise personne, contrevenant aux valeurs que l’on vous a inculquées dès l’enfance. Cependant, un tel sentiment de culpabilité n’est pas toujours légitime ni justifié, mais trouve souvent ses racines dans le passé.
Des origines de la culpabilité
Bien souvent, les personnes ayant des difficultés à établir des limites ont peu entendu durant leur enfance des phrases telles que: «Tu mérites qu’on s’occupe de toi» ou «Pense d’abord à toi». Celles-ci peuvent aussi avoir grandi avec des parents plus stricts, sanctionnant le moindre écart. D’autres peuvent avoir eu des parents peu disponibles durant leur enfance, et ce, pour toutes sortes de raisons. En devenant adultes, en ayant intériorisé les impératifs moraux des parents ou ce qu’elles en ont perçu, elles peuvent à leur tour devenir particulièrement sévères. Ainsi, le moindre écart peut faire surgir cette voix critique, toujours prête à se sanctionner et à se juger trop sévèrement.
Vers un nécessaire équilibre
Si apprendre à s’écouter et à dire non sans se culpabiliser est parfois souhaitable, il va sans dire que l’égoïsme au vrai sens du terme – penser uniquement à soi-même de manière excessive et constante – n’est assurément pas l’objectif visé.
À l’inverse, et bien que l’abnégation puisse sembler vertueuse au premier abord, elle peut grandement nuire à notre bien-être, engendrant notamment des frustrations, en plus de risquer de nous épuiser.
Pour tendre vers un juste milieu, un processus d’introspection est souvent nécessaire. L’exercice sera d’autant plus salutaire si l’on parvient à être honnête envers soi-même et à se poser des questions parfois plus confrontantes.
Par exemple: pourquoi ai-je aussi souvent tendance à faire passer les besoins des autres avant les miens? Dans quelle situation devrais-je d’abord penser à moi? Est-ce que j’exprime, moi aussi, mes besoins? Dans quel contexte ai-je plus de difficulté à dire non? Quels sont mes véritables désirs? Quelles sont mes limites? Est-ce que la relation est saine ? Suis-je en relation avec les bonnes personnes? Et sinon, pourquoi?
Et si on s’y mettait?
Être là pour ceux qui nous entourent est important, mais cela doit se faire en s’écoutant, en respectant notre rythme, en tenant compte de nos limites et de nos besoins.
Cela dit, il faut garder à l’esprit qu’apprendre à s’écouter et à mettre ses limites ne se fait pas du jour au lendemain ; il s’agit d’un processus qui s’acquiert non seulement avec le temps, mais aussi avec de la pratique. L’exercice semble souvent périlleux ou risqué. Peut-être faudrait-il ainsi fredonner la chanson Si on s’y mettait...
Si dans une relation le tango se danse à deux, cela implique que nous faisons partie de l’équation, on pourrait donc aussi dire: it takes me to tango!
En somme, ne pas en faire toujours plus pour les autres n’est pas nécessairement un acte égoïste ni un manque de bonne volonté: c’est penser à soi et reconnaître que nous comptons, nous aussi.