La dépendance affective : un combat intérieur


Dre Christine Grou
Parfois, l’amour que nous nous portons dépend essentiellement du regard ou de l’approbation de ceux qui nous entourent. Or, un tel besoin profond de validation externe, jamais rassasié, renvoie possiblement... à une dépendance. Comment parvenir à s’affranchir de ce phénomène de la dépendance affective ?
Agréable, performant, intelligent, de bonne compagnie : pour certains, recevoir ces compliments de leur entourage est essentiel, voire crucial à leur estime personnelle. Chaque approbation venue d’autrui constitue alors une source de gratification, mais celle-ci est souvent aussi éphémère... et coûteuse. En pourchassant sans cesse l’assentiment d’un partenaire ou d’un ami précieux par exemple, ou encore en recherchant incessamment leurs démonstrations d’affection, on peut en venir à sacrifier une partie de notre identité et de notre liberté. En effet, comment peut-on réellement être soi-même si l’on ne s’adapte constamment qu’en fonction des attentes ou de l’approbation – parfois présumées, parfois imaginaires – des autres ?
Des origines de la dépendance affective
La dépendance affective se déploie sur un continuum, parfois de manière subtile, parfois de façon plus prononcée. Découlant souvent de la peur de l’abandon ou du rejet, celle-ci puise ses origines dans les premiers temps de la vie, alors que les parents étaient perçus par l’enfant comme étant trop exigeants, trop peu présents, pas suffisamment démonstratifs, ou encore que l’enfant se sentait subjectivement inadéquat.
Cela ne signifie pas nécessairement que ces parents n’ont pas été aimants, mais c’est ce que le jeune enfant a pu comprendre des comportements de ses parents. Dans un tel contexte, l’enfant pourrait avoir le réflexe d’en faire beaucoup pour attirer leur attention, de vouloir susciter l’admiration constante par ses exploits scolaires ou sportifs, ou encore tout faire pour ne jamais décevoir ses parents, bref être en quête constante d’approbation et d’affection.
Casser le moule de la -dépendance
Peut-on se libérer de la dépendance affective ? Oui, mais d’abord par une réelle et véritable prise de conscience. Dans mon bureau de psychologue, plusieurs personnes ont reconnu dépendre de l’approbation de l’autre de façon trop importante. Par ailleurs, les étapes à traverser pour s’affranchir de cette dépendance s’accompagnaient souvent chez elles d’un sentiment de vertige. Car pour atténuer ou voir disparaître cette dépendance, il faut prendre le risque de déplaire, de dire non, et de surmonter ces peurs souvent irrationnelles du rejet et de l’abandon. Il faut apprendre à se faire confiance et à apprécier soi-même sa juste valeur.
Or, la première fois que l’on prend ce risque, celui d’écouter nos réels besoins et non ceux des autres, cela demande du courage. Mais Rome ne s’est pas faite en un jour, et la confiance permettant d’entreprendre une telle démarche n’arrive pas comme par magie. Mettre son pied à terre, exprimer ses limites et surtout les faire respecter, c’est un processus qui demande des efforts, qui se fait progressivement, et rarement de façon linéaire. Parfois aussi, une aide professionnelle peut s’avérer nécessaire pour parvenir à mieux se libérer de la nécessité de se voir validé par ceux qui nous entourent.
Prendre sa juste place
L’objectif n’est pas de se libérer de la dépendance affective et d’aspirer à une indépendance totale : après tout, n’avoir besoin de personne, ça veut surtout dire être complètement seul. Plutôt que de s’isoler, diminuer l’importance que prend l’approbation d’autrui signifie de prendre sa juste place dans la vie des autres en étant soi-même et en s’assurant de ne pas s’oublier.
Nous avons besoin des autres, tout comme les autres ont besoin de nous. Nos relations ne seront que plus riches, profondes et significatives si nous apprenons à être fidèles à nous-mêmes. Offrons la meilleure part de nous-mêmes aux gens qui nous entourent, la plus authentique, sans sacrifier notre identité, notre liberté et notre autonomie. Je fais le pari qu’on gagnera à la fois en estime et en affection !