Le «ghosting» en amitié: pourquoi ça fait si mal?


Dre Christine Grou
Autrefois réservés à l’univers fantastique de la littérature et du cinéma, les fantômes semblent peu à peu prendre leur place dans notre monde de plus en plus virtuel. L’expression est d’ailleurs devenue courante, d’abord parmi ceux et celles en quête du grand amour sur les applications de rencontres. Or, le ghosting existe aussi entre amis: bienvenue dans la réalité du ghosting en amitié.
N’ayant rien de paranormal, ce phénomène met en lumière une rupture brutale et inattendue d’une relation amicale qui, jusque-là, semblait stable. Tout à coup, comme le veut la formule consacrée, «il n’y a plus de service au numéro composé». Notre ami de toujours ou notre copain fidèle ne nous rappelle plus et ne répond plus à nos textos: il s’est placé dans la catégorie des abonnés absents... sans jamais vous avoir expliqué pourquoi.
Nous avons déjà abordé, ici, le phénomène des peines d’amitié et souligné à quel point elles peuvent être parfois plus douloureuses que la fin de certaines histoires d’amour. C’est que cela peut réveiller en nous une peur enfouie, légitime et bien réelle: celle de l’abandon.
Dans le cas du ghosting plus particulièrement, sans crier gare, quelqu’un décide de «disparaître» sans vous donner des éléments d’information vous permettant de comprendre la cause. Or, les êtres humains sont ainsi faits: ils ont besoin de saisir les phénomènes qui les entourent, de donner un sens à leurs épreuves. C’est pour cette raison qu’une des plus désagréables caractéristiques du ghosting est de nous laisser sans explications. Nous chérissons beaucoup notre autonomie, aimons garder le contrôle, mais voilà qu’une personne sur qui on croyait compter décide de nous faire faux bond. Et peut-être pour toujours.
Un autre facteur pouvant expliquer pourquoi le ghosting est aussi souffrant est l’impression que l’on peut avoir de ne pas avoir assez d’importance aux yeux de l’autre pour mériter des explications, ce qui peut être particulièrement dur sur l’estime de soi.
Pourquoi disparaître aussi soudainement?
Il existe diverses raisons motivant certaines personnes à opter pour le ghosting. La plus évidente est celle d’une perte ou d’un manque de motivation à vouloir entretenir une relation que l’on ne juge plus significative. Un investissement moindre dans la relation peut notamment s’observer dans les relations qui étaient d’abord virtuelles.
D’autres craignent l’affrontement. L’envie de mettre fin à une relation amicale qu’il faudrait communiquer à l’autre s’accompagnerait sans doute d’une part de culpabilité ou encore d’une liste de reproches, mais sommes-nous prêts à y faire face?
Et finalement, y a-t-il vraiment une raison précise que l’on parviendrait à identifier et à nommer? Il arrive parfois qu’une amitié s’étiole tranquillement, ne résiste pas au temps, aux aléas de la vie, ou simplement parce que nos priorités changent à mesure que l’on avance en âge. Par exemple, de nouveaux parents n’ont peut-être plus les mêmes envies, les mêmes disponibilités ni encore le même niveau énergie qu’au temps de leurs études pour festoyer avec leurs amis.
Affronter ou non ces fantômes?
On ne peut pas danser le tango tout seul, ni aimer pour deux, ni encore entretenir une relation d’amitié à sens unique. Le ghosting annonce, en quelque sorte, la fin de la récréation amicale. Que faire alors pour que cessent les ruminations sur les motivations de l’autre à disparaître, ni vu ni connu, de notre vie?
Forcer une relation, qu’elle soit amoureuse ou amicale, n’est jamais souhaitable. Ensuite, «faire son deuil», cela s’applique aussi au phénomène du ghosting en amitié, mais cela ne signifie pas demeurer totalement impuissant devant la situation.
Pourquoi ne pas écrire à la personne soudainement disparue de notre paysage social? Il ne s’agit pas ici de tendre la main, mais de prendre des mesures, de ne pas rester sans contrôle face à la situation. Le fait de lui écrire nous permet de nommer et de mettre les choses au clair, d’exprimer que la relation n’avait manifestement plus d’intérêt, et que nous cesserons nos tentatives de contact.
Pour mieux tourner la page
Écrire à l’autre ainsi qu’écrire pour soi ou en parler à des proches, voilà qui pourrait davantage vous aider à apprivoiser ce nouveau fantôme. Malgré cette fin abrupte, cette personne peut, malgré tout, avoir été importante dans votre vie, avoir contribué à votre bien-être ou avoir écouté vos tourments. Un petit bilan de cette relation pourrait vous aider à tourner la page, sans pour autant tout oublier.