Psycho: le mensonge blanc pour éviter la souffrance


Dre Christine Grou
Est-ce que toute vérité est toujours bonne à dire lorsque l’on interagit avec une personne aux prises avec l’Alzheimer ou un trouble neurocognitif ? Mentir, ou ne pas tout dire pour éviter de blesser inutilement une personne ou encore pour préserver sa dignité, c’est ce qu’on appelle le mensonge blanc. Caractérisé par une intention bienveillante et visant la protection de l’autre, il peut parfois s’avérer approprié auprès des personnes vivant avec de telles conditions.
Une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’un trouble neurocognitif peut notamment avoir des problèmes de mémoire, de concentration ou des changements de comportements.
Or, ces symptômes peuvent à leur tour nous faire réagir d’une manière qui n’est pas toujours la plus souhaitable.
Par exemple, lorsqu’un proche ayant des problèmes de mémoire nous pose sans cesse les mêmes questions, on peut être tenté d’essayer de le raisonner, on peut commencer à montrer des signes d’impatience, voire monter le ton.
Ces réactions risquent alors de plonger cette personne dans un état de peur, de tristesse, ou encore de confusion. Au lieu d’être dans la confrontation, mieux vaut d’abord s’adapter au discours de la personne et tenter de comprendre sa réalité, plutôt que tenter de lui imposer la nôtre.
La bienveillance plutôt que la souffrance
Le mensonge blanc peut aussi venir à notre rescousse dans ces circonstances plus délicates. Parfois, les gens qui souffrent d’Alzheimer vont demander des nouvelles de leurs proches décédés. Imaginez l’état de la personne si vous deviez lui dire à répétition, au nom de la vérité, que sa mère est morte depuis dix ans et qu’elle ne viendra jamais la visiter dans sa résidence !
Le mensonge blanc permet d’éviter de rappeler continuellement des événements souffrants ou des faits que la personne n’est plus en mesure de traiter correctement en raison de sa condition. Par exemple, il serait possible d’esquiver la question qui vous est posée, ou encore de répondre que vous ignorez la réponse. Si cette manière de détourner la vérité peut ressembler à de la manipulation, il nous faut garder en tête qu’ici, l’objectif est d’éviter que l’être aimé soit inutilement triste, blessé ou souffrant.
Mentir quand c’est moins facile
Un environnement plus familier et rassurant pour les personnes vivant avec des troubles neurocognitifs peut réduire le besoin de poser des questions anxiogènes, rendant ainsi moins fréquente la nécessité de recourir aux mensonges blancs. Maintenir certaines routines et habitudes peut en effet aider les personnes vivant avec ces troubles à se sentir plus en sécurité et moins désorientées.
Or, il devient parfois nécessaire pour la sécurité de l’aîné que ses habitudes changent et qu’il quitte son domicile. Dans un tel contexte, forcer quelqu’un à faire ses boîtes n’est pas souhaitable, en plus d’être très stressant pour la personne qui souhaite rester dans sa demeure. Comme il serait dangereux pour la personne de rester à la maison et que vous devez absolument la transférer vers un établissement de soins, le mensonge blanc pourrait alors favoriser une transition plus sereine. Entre dire la vérité et toute la vérité et utiliser le mensonge dans de pareilles circonstances, l’avenue qui assurera que notre proche pourra vivre dans un endroit sécuritaire est celle qui est dans l’intérêt fondamental de cette personne.
Cela peut aussi aider de reconnaître et de valider les sentiments de cette personne, sans pour autant répondre en détail et avec précisions à toutes ses questions. C’est-à-dire qu’il est possible d’inclure des affirmations qui ne sont pas littéralement vraies, mais qui répondent à ses émotions et besoins psychologiques, par exemple. Ainsi, plutôt que de corriger ou de contester directement chacun des souvenirs ou des fausses croyances d’un proche ayant un trouble neurocognitif, il est possible d’agir avec plus de douceur et de répondre de manière non conflictuelle, utilisant parfois le mensonge blanc, si cela permet d’apaiser et de réconforter la personne.
L’intérêt de l’autre avant tout
Le mensonge blanc n’est pas malveillant : au contraire, il vise le bien-être de notre proche et lui permet d’éviter de souffrir inutilement, compte tenu de sa situation ou de ses capacités. Il peut se faire en toute quiétude, à condition de satisfaire cette condition essentielle : qu’il demeure employé dans l’intérêt de l’autre.