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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

S’affranchir des épreuves du passé

Illustration Adobe Stock
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Photo portrait de Dre Christine Grou

Dre Christine Grou

2024-05-04T04:00:00Z
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De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque la question des traumas, particulièrement ceux liés à l’enfance ? Comment marquent-ils un peu, beaucoup ou énormément notre vie d’adulte ? Et peut-on s’en affranchir ?

Les épreuves de notre jeunesse peuvent nous marquer au fur et à mesure que l’on avance en âge. Or, si elles sont difficiles à vivre, celles-ci ne se transformeront pas forcément en traumatismes majeurs. Cela dépendra entre autres de l’âge auquel nous sommes aux prises avec ces événements, de leur gravité, de leur intensité et de leur durée. Divers facteurs de protection changeront aussi la donne, dont l’entourage, la capacité d’exprimer nos émotions et le réconfort qui nous sera offert.

Pas toujours aussi marquant

Imaginez un enfant qui voit son père s’effondrer devant lui à la suite d’un arrêt cardiaque, ou encore périr dans un accident de voiture. Comment une telle scène s’inscrira-t-elle dans la suite de son existence ?

Si cet enfant reçoit réconfort et affection, de l’attention et les soins des autres membres de sa famille et de son entourage, des personnes significatives autour de lui allant jusqu’au personnel de l’école, l’avenir sera bien différent de celui où l’enfant serait laissé à lui-même, et seul dans l’adversité. Dans cette tragédie, ce jeune endeuillé pourra-t-il compter sur une famille élargie qui saura l’aimer, l’aider et l’encourager ? Ou sera-t-il plutôt laissé à lui-même, ballotté d’un endroit à l’autre, sans réussir à s’enraciner quelque part, sans ainsi parvenir à se reconstruire ?

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Pensons maintenant à un enfant qui voit ses parents périr sous ses yeux après avoir été maltraités, et sa famille décimée par la guerre qui dure depuis plusieurs années... Les traumas sont ici différents dans l’ensemble de leurs contextes, mais ils le seront également au regard des facteurs de protection qui suivront ces événements tragiques.

Je fournis ici des exemples extrêmes. Mais l’enfance est souvent parsemée de petits deuils : un éducateur qui change d’école, un copain qui déménage ou un petit animal que l’on perd, par exemple. Cette période de la vie peut aussi être marquée par de micro-traumas, qu’il s’agisse de scènes d’un film, d’images
de guerre, d’un accident d’un autre enfant à l’école, ou encore d’un parent hospitalisé. Les parents sont souvent inquiétés par tout ce qui peut survenir, et nous voudrions (j’en suis) les en protéger, que leur jeunesse ne soit que du pur bonheur.

Par ailleurs, c’est aussi dans -l’adversité que l’on se construit, que l’on développe certaines formes de -résilience et que les capacités -d’adaptation peuvent se déployer.

Savoir relativiser

Quel sens faut-il donner à ces épreuves ? De quelle manière ces événements sont-ils expliqués ? De quelle façon sont-ils accueillis et pris en charge par l’entourage ? Une personne peut tirer des leçons de ses expériences passées et les utiliser comme des moteurs pour son développement et son bien-être émotionnel. Cette capacité à reconstruire sa confiance et à déployer des stratégies d’adaptation, qu’on appelle également résilience, peut permettre de surmonter les épreuves du passé, mais également de faire face à de futurs défis. On entend parfois qu’il ne sert à rien de se replonger dans le passé, dans ses mauvais souvenirs. Or, il n’est jamais trop tard pour amorcer un processus de guérison, et ce, même si les épisodes traumatiques se sont déroulés des décennies plus tôt.

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S’affranchir d’un événement douloureux ne veut pas dire le balayer du revers de la main, ou l’effacer de sa mémoire, ni même en guérir. Le véritable objectif consiste à construire notre identité en lui donnant un sens, et ce, dans notre trame narrative. En tant qu’adultes, nous pouvons percevoir les épreuves du passé avec une plus grande distance, avec un regard nouveau. Et avec le temps, les moments difficiles pourront ainsi se transformer et être compris différemment.

Prendre du recul, savoir réguler ses émotions, refaire le fil de l’histoire sous un autre angle, parfois avec de l’aide, voilà autant de moyens d’apprendre à mieux vivre avec les événements qui ont pu être douloureux durant l’enfance. Des petites injustices (quand un parent donne un privilège à un autre membre de la famille) aux grands abus (qu’ils soient physiques ou autres), chaque incident survenu durant l’enfance se dépose en soi et forge l’adulte que nous deviendrons.

S’ils ont d’évidentes répercussions sur notre façon de voir le monde ou d’entrer en relation avec les autres, cela ne veut surtout pas dire que nous n’en garderons que le négatif. Ces événements font partie d’une histoire qui ne se refait pas. Il faut ainsi tenter de faire en sorte qu’ils occupent leur juste place, pour le pire et le meilleur. Et non pas toute la place.

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