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L'article provient de Le Journal de Montréal

De Marie-Claire Blais et Sébastien Dulude à Marcel Proust et Kafka: voici les coups de cœur littéraires du dramaturge Larry Tremblay

Pierre-Paul Poulin / Le Journal de Montréal
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Photo portrait de Karine Vilder

Karine Vilder

2025-05-19T11:00:00Z
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Le metteur en scène, dramaturge et écrivain Larry Tremblay nous parle ici des livres qu’il a lus et adorés. Car dès demain, grâce à l’illustrateur belge Pierre Lecrenier, on pourra lire sous forme de bédé son célèbre roman L’orangeraie.

Cette année, côté romans, quel a été votre dernier coup de cœur?

La végétarienne de Han Kang. C’est un livre qui est sorti en France il y a une dizaine d’années, mais moi je l’ai lu il y a deux mois à Paris. Il raconte l’histoire de Yonghye qui, à la suite d’un rêve, va se lever, ouvrir le frigo et jeter toute la viande qui s’y trouve. Ça me rappelle un peu La métamorphose de Kafka parce que cette jeune femme va être possédée par le fantasme de devenir végétale. Un court roman sur la fusion du rêve et de la sexualité et sur la remise en question des structures familiales de la société sud-coréenne.

Photo fournie par les Éditions Serpent à plumes
Photo fournie par les Éditions Serpent à plumes

Et en 2024, c’était?

Amiante de Sébastien Dulude. C’est un récit sur l’enfance, sur l’amitié entre deux jeunes garçons, sur l’évocation du paradis perdu. J’ai trouvé que c’était à la fois sublimement bien écrit et chargé d’une émotion troublante.

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Photo fournie par
Photo fournie par

Quels autres romans avez-vous réellement adorés dans votre vie?
  • À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. J’ai lu ça assez jeune, et je l’ai ouvert comme si j’entrais dans une cathédrale de phrases. J’ai été totalement emporté par la quête du narrateur, par son désir de retrouver les sensations du passé. Proust avait un vrai regard d’entomologiste sur la décadence d’une société de classes. C’est une lecture qui m’a fait pleurer parce qu’une fois lus ces milliers de pages, j’aurais voulu en lire des milliers d’autres. Alors pour rester le plus longtemps possible dans cette atmosphère, j’ai ensuite lu sa correspondance!
  • La Nausée de Jean-Paul Sartre, un livre qui m’a bouleversé. Il m’a ouvert à la philosophie, au questionnement existentiel, au sentiment que donne la découverte de sa propre liberté, de sa capacité à se distancier de soi-même. Il a provoqué en moi un choc métaphysique qui m’a donné envie de lire de la philosophie.
Photo fournie par les Éditions Gallimard
Photo fournie par les Éditions Gallimard

  • Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais. Un roman météore qui a fracassé la littérature du Québec dans les années 60. Il est servi par une écriture puissamment charnelle et métaphorique, et dénonce de façon poétique la grande noirceur qu’a vécue le Québec sous le joug des institutions religieuses et de la répression de la sexualité. Je pense qu’il annonçait aussi la Révolution tranquille.

Photo fournie par Boréal
Photo fournie par Boréal

  • La métamorphose de Kafka. Une des métaphores les plus puissantes de la littérature : Gregor, un jeune homme, se retrouve transformé à son réveil en insecte. Paradoxalement, la véritable métamorphose n’est pas celle de Gregor, mais plutôt celle de sa famille qui, peu à peu, consent à sa mort. En fait, c’est une fable sur la cruauté des conventions sociales qui écrasent l’individu qui tente de s’en échapper.
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fournie par les Éditions Le livre de poche
fournie par les Éditions Le livre de poche

  • Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert, un roman qui m’a fait rire même lorsque je l’ai relu. C’est le récit de deux retraités qui décident d’étudier en amateur toutes les sciences possibles (médecine, pédagogie, agriculture, géographie, etc.), ce qui va provoquer des mésaventures cocasses. Flaubert avait l’intention de donner comme sous-titre à ce livre Encyclopédie de la bêtise humaine, ce qui le résume très bien! Un roman admirable qui est resté inachevé.

Photo fournie par les Éditions Le livre de poche
Photo fournie par les Éditions Le livre de poche

Du côté des bandes dessinées, vous avez quelques albums chouchous?

Je ne suis pas un grand lecteur de bandes dessinées même si j’en fais. Mais tous les Tintin sont pour moi des albums chouchous. J’ai toutefois un faible pour Le lotus bleu, Les cigares du pharaon et Le temple du soleil. Le personnage de Tintin n’est pas étranger au fait que je suis devenu écrivain. Il avait tout pour m’inspirer: en tant que reporter spécial, il écrit; il voyage sans cesse ; il n’a aucun problème d’argent. À sept ans, je me disais: voilà ce que j’aimerais faire quand je serai plus grand!

Photo fournie par Casterman
Photo fournie par Casterman

Quel roman aimeriez-vous un jour pouvoir lire en BD ou voir au théâtre?

J’aimerais bien voir au théâtre le Dracula de Bram Stoker, ce qui va se réaliser l’an prochain puisque le Théâtre Denise-Pelletier en propose une adaptation dans sa prochaine saison. Longtemps j’ai eu le fantasme de jouer à la scène un personnage de vampire ou encore d’écrire un texte dramatique sur le monde de ces êtres qui ne sont ni vraiment vivants ni vraiment morts. C’est un de mes regrets de ne pas l’avoir fait.

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Photo fournie par Hot So Classic
Photo fournie par Hot So Classic

Que comptez-vous lire prochainement pour vous détendre?

Un roman qui vient de sortir, La capitale des rêves d’Heather O’Neill. Je compte l’acheter bientôt. Le roman est décrit comme un conte de fées moderne qui se passe dans un pays imaginaire. En fait, ce n’est pas tant pour me détendre que je veux lire ce livre. Simplement, j’ai envie de renouer avec l’imaginaire romanesque d’Heather O’Neill que j’apprécie énormément.

© Éditions Alto Marie-France Bornais
© Éditions Alto Marie-France Bornais

Est-ce qu’il y a un livre pratique dont vous ne pourriez pas vous séparer?

J’ai beaucoup consulté le Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française de Jean Girodet et, bien sûr, Le Petit Robert. Les moteurs de recherche, je l’avoue, ont réduit depuis quelques années la fréquentation de ces deux livres. Enfant, je m’étais lancé le défi d’apprendre par cœur le dictionnaire Larousse. Heureusement, je me suis arrêté à «aberrant»!

Avec quel livre avez-vous envie de clore cet entretien?

Avec Le Livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa, qui est un chef-d’œuvre absolu. C’est un livre imposant composé de fragments qui se présente comme une «autobiographie sans événements». Pessoa met en scène un double de lui-même qui erre dans les rues de Lisbonne, parsemant son parcours d’illuminations réflexives, de fulgurances poétiques sur l’existence, le désenchantement, l’absurdité de n’être que soi-même alors qu’il serait merveilleux d’être une multitude. Quand on lit ça, on est touché.

Christian Bourgois Editeur
Christian Bourgois Editeur


Allez les rencontrer!

Larry Tremblay et Pierre Lecrenier seront présents la semaine prochaine au Festival BD de Montréal.

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