La face cachée de la location sur Airbnb: voici le sujet controversé que la romancière Amélie Cordonnier aborde dans «Superhôte»

Avec Superhôte, l’écrivaine et journaliste française Amélie Cordonnier nous invite à réfléchir aux dessous d’Airbnb et de toutes les autres plateformes de location de maison.

Depuis qu’elle s’est mise aux romans, en 2018, Amélie Cordonnier se penche surtout sur l’intimité de la famille, sur ce qui se passe derrière la porte de nos intérieurs bien chauffés. Ce qui l’intéresse là-dedans? C’est tout simple: voir de quelle façon et sous quelle forme la violence du monde va y pénétrer. Car veut veut pas, ça finit toujours par arriver.

«Après avoir écrit En garde, qui est paru en 2023, je me suis dit: “Oh là là, quatre romans qui se déroulent dans un appartement, ça suffit, il faut que je passe à autre chose!” explique Amélie Cordonnier depuis son propre appartement, à Paris. Superhôte, mon cinquième roman, ne se passe donc pas dans un appartement, mais dans une maison, poursuit-elle. J’ai eu envie d’explorer le phénomène Airbnb, qui m’a paru absolument fou, parce que ce genre de plateforme de location nous conduit à commercialiser ce qu’on a de plus précieux, l’intimité, alors que, par définition, elle devrait échapper à toute marchandisation...»

Le déclic, elle l’a eu en louant un logement sur Airbnb pour ses vacances.

«Moi, ce qui m’a appelée en tant que romancière, c’est qu’Airbnb met en relation trois types de personnes qui n’ont absolument rien en commun et qui ne se rencontrent généralement jamais dans la vie, précise Amélie Cordonnier. Les premières sont celles qui mettent leur appartement ou leur maison en location pour gagner un peu d’argent, les deuxièmes sont celles qui vont les louer pour voyager à moindres frais, et les troisièmes sont celles sans qui rien ne serait possible, mais dont on ne parle pas: les femmes de ménage. Je me suis rendu compte que c’était sur elles que reposait tout le business.»

Une perle rare

Camille Bonhomme, l’une des héroïnes de Superhôte, est justement la fille de l’une de ces femmes de ménage. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours vu sa mère récurer, épousseter et balayer chez les autres. Notamment chez Adrien et Anaïs Besnard, qui possèdent dans la commune française du Pas-de-Calais, Touquet, une maison secondaire à 300 m de la mer.

Mais comme ils y séjournent de moins en moins souvent, ils auront un jour l’idée de la mettre en location sur Airbnb. Et pour la gestion des locataires et le ménage, c’est à Sylvie Bonhomme qu’ils confieront tout. Elle travaille pour eux depuis déjà une bonne quinzaine d’années, et ils lui font entièrement confiance.

«J’avais à cœur de montrer dans ce livre les conditions de travail des femmes faisant le ménage pour Airbnb ou toute autre plateforme de location, souligne Amélie Cordonnier. Elles n’ont absolument rien à voir avec celles du nettoyage hebdomadaire d’un appartement ou d’une maison. Dans la vraie vie, personne ne demande à sa femme de ménage de nettoyer tous les trois jours le four, l’intérieur du lave-vaisselle, l’intérieur des placards, etc. Ça, ça n’existe que dans l’univers impitoyable d’Airbnb, qui a importé les critères de propreté drastiques de l’hôtellerie de luxe. Sauf que dans un palace, aussi grande les suites soient-elles, vous n’avez pas de cuisine!»

«J’ai eu envie de décrire et de dénoncer toute cette violence invisible de notre système, poursuit-elle. S’il y a de la poussière sur un comptoir ou quelques miettes sur le canapé, les locataires laissent un commentaire mitigé ou une appréciation négative sous le profil des propriétaires, et là, malheur. Ces derniers pourraient voir leur nombre d’étoiles baisser et leurs conditions de location remises en question.»

Comme une tragédie

Dès les premières pages de Superhôte, on comprend qu’il est arrivé quelque chose de terrible dans la maison du Touquet. Quoi? On ne le saura qu’à la toute fin.

«J’ai épluché tous les faits divers qui sont liés à Airbnb, dit Amélie Cordonnier. Il y en a beaucoup. J’ai ensuite écrit le roman, qui est construit en cinq actes, comme une tragédie. Il raconte le surgissement du malheur dans nos quotidiens, comment des gens ordinaires mus par le désir d’arrondir les fins de mois sont pris dans un engrenage. Finalement, tout est à louer aujourd’hui. La maison des uns, mais aussi les bras, la force de travail des autres.»

«Les gens ne vont pas arrêter de louer un appartement sur Airbnb, conclut Amélie Cordonnier. Mais s’ils pensent maintenant à la femme de ménage quand ils louent un appartement, eh bien, je n’aurai pas écrit ce livre pour rien!»

Superhôte
Amélie Cordonnier
Flammarion
176 pages