C’est quoi le problème de la piste cyclable de la rue Rachel?


Andrea Lubeck
La piste cyclable de la rue Rachel est l’une des rares infrastructures protégées à permettre de se rendre du parc Maisonneuve au mont Royal à vélo. Pourtant, plusieurs cyclistes déplorent sa désuétude. Quels sont les problèmes de ce corridor et comment peut-on l’améliorer?
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La voie cyclable de la rue Rachel a été aménagée dans les années 1980. L’administration municipale avait alors opté pour une piste bidirectionnelle pour permettre aux cyclistes de traverser la ville d’est en ouest, mais aussi pour «éviter de sacrifier trop de stationnements», indique Magali Bebronne, directrice des programmes et porte-parole de Vélo Québec.
«On pensait que c’était un bon standard. On n’avait certainement pas le niveau d’achalandage cycliste qu’on connait aujourd’hui», ajoute-t-elle.
En 2024, plus de 730 000 passages ont été enregistrés au compteur situé sur la rue Rachel au coin de l’avenue de l’Hôtel-de-Ville. Après les Réseaux express vélo (REV) sur les rues Saint-Denis et Bellechasse, elle est l’une des pistes cyclables les plus achalandées de Montréal.
Résultat: le confort et la sécurité des cyclistes s’en trouvent affectés.
La piste bidirectionnelle sur la rue Rachel a une largeur totale de trois mètres — 1,5 mètre pour chaque bande —, ce qui rend les dépassements compliqués.
En y ajoutant le différentiel de vitesse causé par la présence grandissante des vélos et trottinettes à assistance électrique, les risques de collisions entre cyclistes augmentent.
«Il faut trouver un trou dans le trafic de cyclistes qui viennent à sens contraire et ça, ça peut vraiment provoquer des manœuvres de dépassement un peu dangereuses. On augmente les risques de face-à-face», illustre Magali Bebronne.
À titre comparatif, une bande du REV Saint-Denis mesure en moyenne de 2,5 mètres de large, permettant de dépasser un cycliste lent plus facilement et de manière sécuritaire.
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Les intersections multiplient les risques
Les plus gros risques de conflits sur cette piste cyclable se trouvent néanmoins aux intersections, nombreuses sur la rue Rachel, dont plusieurs n’ont pas de feu de circulation.
«Il y a les autos, les cyclistes, les piétons. Ça fait beaucoup de choses à prendre en compte quand on veut franchir cette piste bidirectionnelle», note la porte-parole de Vélo Québec.

Un automobiliste qui circule vers l’est sur Rachel et qui voudrait tourner vers le nord doit ainsi s’assurer qu’il n’y a pas de véhicule à sens contraire, qu’il n’y a pas de cyclistes qui arrivent dans les deux directions et qu’il n’y a pas de piétons.
«Ça lui fait quatre mouvements à prendre en considération avant de faire sa manœuvre de virage, ce qui peut être très, très difficile dans un contexte de fort achalandage», fait-elle valoir.
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Les risques sont les mêmes pour les véhicules qui circulent sur les rues perpendiculaires à la piste cyclable, précise-t-elle.
Des bollards ont été installés à certaines intersections pour forcer les automobilistes à ralentir avant d'effectuer un virage. Cet aménagement diminue les risques de collisions, sans toutefois les éliminer complètement.

Pas de projet de transformation
Magali Bebronne rêve que la piste cyclable de la rue Rachel — tout comme celle de la rue Maisonneuve qui est également bidirectionnelle — devienne unidirectionnelle de part et d’autre de la rue, calquée sur le modèle du REV Saint-Denis.
«[Vélo Québec] ne recommande plus vraiment les pistes bidirectionnelles, à moins que ce soit sur des tronçons très longs où il y a peu d’intersections, comme le long d’une voie ferrée», dit-elle.
La Ville de Montréal n’a toutefois pas l’intention de transformer la piste cyclable de la rue Rachel.
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«Un tel projet sur toute la longueur de la rue Rachel impliquerait des travaux longs et complexes, dont le retrait de saillies de trottoirs récemment construites, le déplacement de puisards, ainsi que l’enlèvement d’arbres qui ne survivraient pas à une transplantation», indique à 24 heures le porte-parole de la Ville, Hugo Bourgoin.
«La largeur limitée de la rue ferait par ailleurs en sorte que nous devrions retirer l’ensemble des espaces de stationnement et possiblement mettre certains tronçons en sens unique, ce qui aurait un impact significatif sur les citoyennes et citoyens du secteur, ainsi que les institutions situées le long de l’axe», poursuit-il.
La Ville mise plutôt sur le développement d’autres corridors cyclables est-ouest sur les rues Marie-Anne, Hochelaga, Gilford, Laurier, Bellechasse et Saint-Zotique pour «assurer une meilleure répartition des déplacements».
Dans tous les cas, «une piste cyclable bidirectionnelle, c’est mieux que pas de piste cyclable du tout», conclut Magali Bebronne.