Camilla Grebe signe un thriller glaçant sur la disparition d’une ado


Karine Vilder
Avec Les ténèbres de Mörkret, la romancière suédoise Camilla Grebe explore la douleur sourde de la disparition. Un thriller aussi sombre qu’émouvant.
Les ténèbres de Mörkret, qui sera en librairie d’ici deux ou trois jours, est le 16e roman de la Suédoise Camilla Grebe. Et parce qu’elle ne l’avait encore jamais fait, cette dernière a tenu à ce que l’histoire se déroule dans le Hälsingland, une région rurale riche en forêts située à environ 300 km au nord de Stockholm.
«Il y a eu des disparitions en Suède et j’ai commencé à penser à la famille, à réfléchir à ce que ça fait quand un proche disparaît et qu’on ne sait pas ce qui lui est arrivé, explique Camilla Grebe lors de son passage à Paris en juin. C’est donc comme ça que le personnage de Myra m’est venu à l’esprit.»
Myra Stenbeck, 15 ans, vit avec sa mère alcoolo et leurs trois chiens à Storforsa, un village du Hälsingland. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Avant, elle pouvait aussi compter sur la présence d’Ella, sa sœur aînée. Ella qu’elle adorait, Ella qui prenait soin d’elle. Sauf qu’un jour, Ella s’est littéralement évaporée dans la nature et même un an plus tard, la police n’a pas la moindre idée de l’endroit où elle peut bien se trouver. Ce qui n’empêche pas Myra de garder espoir.
Un autre malheur
Quand le corps d’une jeune fille sera retrouvé dans la forêt de Mörkret, non loin de Storforsa, l’inspectrice Pirjo Lundquist, du commissariat de Gävle, sera à nouveau envoyée sur place. On dit «à nouveau» parce que c’est elle qui, l’année précédente, avait enquêté sur la disparition d’Ella.
Pour un aussi petit patelin, une disparition et un cadavre, ça commence à faire beaucoup. D’ailleurs, si ça se trouve, les deux affaires sont peut-être liées. Mais pour l’heure, rien n’est moins sûr. En revanche, Myra est à peu près certaine d’un truc: plus personne ne recherche activement sa sœur.
«Je me suis demandé ce qu’une adolescente pourrait faire de pire si sa sœur disparaissait sans que la police parvienne à la retrouver», ajoute Camilla Grebe. La réponse? S’improviser détective et se mettre elle-même à enquêter.
«À bien des égards, une disparition est plus effrayante que la mort parce qu’on n’obtient pas de réponses, poursuit Camilla Grebe. C’est ce qui m’intéresse des disparitions. Je les trouve plus intenses qu’un simple meurtre. J’ai envie d’écrire sur ce qui fait vraiment peur et pour moi, ce ne sont pas nécessairement les tueurs en série. C’est plutôt quand quelque chose de grave arrive à quelqu'un de notre entourage, si l’un de nos proches est victime ou... agresseur. Ça, c’est vraiment effrayant!»
Des talents d’architecte
Bref, Myra va partir à la recherche de sa sœur disparue. Tout ça pendant que Pirjo, policière tourmentée en quête d’amour, tentera de découvrir qui est la jeune fille retrouvée morte dans les bois. Chacune enquêtera ainsi de son côté, avec ses propres méthodes et ses propres blessures.
Comme souvent dans ses livres, Camilla Grebe a choisi de situer son histoire dans un lieu fictif pour s’épargner les contraintes du réel. «Quand j’écris sur un endroit réel, les gens sont pointilleux et me corrigent, dit-elle. Telle banque ne ferme pas à 15h, mais à 17h, tel magasin n’existe plus, etc. Là, j’ai la liberté de créer mon propre environnement et souvent, avant de commencer un roman, je vais même dessiner une carte des environs!»
Mais derrière cette liberté de création se cache une rigueur d’architecte. «Je fais toujours un synopsis complet avant de me mettre à écrire, précise-t-elle. J’ai besoin de savoir où je vais.» Un plan détaillé, des fiches personnages parfois illustrées par des photos, une intrigue qui se complexifie au fil de l’écriture... Rien n’est laissé au hasard. Surtout pas la fin, qui nous a carrément fait sourciller.

Les ténèbres de Mörkret
Camilla Grebe
Éditions Calmann-Lévy
416 pages