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L'article provient de Le Journal de Montréal

«Qu’y a-t-il de pire que de perdre la raison?»: le romancier Franck Thilliez aborde la maladie mentale dans son roman «À retardement»

Photo fournie par Audrey Dufer
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Photo portrait de Karine Vilder

Karine Vilder

2025-06-15T11:00:00Z
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À retardement, le nouveau roman de l’écrivain français Franck Thilliez, n’a rien à envier à Vol au-dessus d’un nid de coucou ou Shutter Island. Dès les premières pages, on a rendez-vous avec la folie, la vraie, celle qui est tout sauf douce...

Si on parle ici d’instituts ou de centres de soins en santé mentale, la France s’est plutôt dotée d’unités pour malades difficiles (UMD). Les amateurs de sensations fortes seront donc ravis: grâce au nouveau thriller de Franck Thilliez, À retardement, ils ne tarderont pas à entrer dans cet univers à part synonyme de folie à l’état pur.

«J’ai entendu parler de ces établissements la première fois en 2008, quand notre président de l’époque, Nicolas Sarkozy, a décidé de durcir la sécurité à l’intérieur des hôpitaux psychiatriques, suite à l’évasion d’un schizophrène qui a ensuite violemment tué un jeune homme sur sa route, explique Franck Thilliez. Il a ordonné la construction de quatre UMD supplémentaires, alors que cinq existaient déjà. Ces lieux très sécurisés, très fermés, où l’on s’occupe des patients les plus dangereux, m’ont immédiatement interpellé en tant qu’auteur de polars, mais je n’avais pas les contacts pour entrer à l’intérieur. C’est en 2023, grâce à un ami psychiatre, que j’ai eu l’opportunité de passer quelques jours dans l’une de ces unités. C’est un endroit qui suscite de nombreux fantasmes, de multiples croyances, donc idéal pour un roman policier.»

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Alors bienvenue à l’UMD Ulysse, l’unité qu’il a créée de toutes pièces pour les besoins de la cause et qu’il situe à Chambly, dans le département de l’Oise. C’est là qu’un nouveau patient particulièrement agressif vient d’être interné. Il n’a aucun papier sur lui et nage en plein délire: il est persuadé que d’affreux vers gluants sont à ses trousses et veulent s’en prendre à lui...

Une effrayante maladie

«La schizophrénie est un mot qui fait peur, souligne Franck Thilliez. Les médias présentent les schizophrènes comme étant des malades dangereux, alors que moins de 1% d’entre eux le sont. La plupart du temps, ils sont repliés dans leur coin, plutôt désociabilisés, et ne sont pas du tout violents. L’image que la société a d’eux est complètement faussée. Je voulais, à travers mon livre, dédiaboliser cette terrible maladie mentale. Certes, À retardement commence par un meurtre violent, commis par un schizophrène en crise, mais cette scène choc du début est surtout là pour dire aux lecteurs: «Voilà l’image que vous avez de la schizophrénie. Mais si vous lisez ce livre, vous allez comprendre ce qu’elle représente réellement.»

Aux côtés de la psychiatre Éléonore Hourdel, on découvrira ainsi une toute petite partie de ce monde souvent peuplé d’hallucinations qui, pour les gens atteints de schizophrénie, sont on ne peut plus réelles, hélas.

En parallèle, on suivra aussi de près l’enquête du commandant de police Franck Sharko, le héros récurrent de Franck Thilliez. Un sexagénaire a en effet été sauvagement assassiné chez lui à Dugny, dans les environs de Paris. Et quand on dit sauvagement, on est loin d’exagérer: le meurtrier s’est emparé d’un outil pointu (comme un tournevis) pour lui transpercer l’abdomen une bonne cinquantaine de fois...

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Dans l’antre de la peur

Celles et ceux qui sont accros aux romans de Franck Thilliez ont depuis longtemps compris une chose: l’auteur adore jouer avec nos peurs!

«La peur du noir, des araignées, des insectes rampants... Je sais que ce sont des passages éprouvants pour le lecteur, où il a presque la sensation que les bestioles vont jaillir des pages pour l’attaquer, s’exclame Franck Thillier. Mais je sais aussi qu’il aime ça! Évidemment, je joue également avec les peurs que génère notre monde, et la folie en fait partie. Qu’y a-t-il de pire que de perdre la raison, de ne plus être capable de distinguer le vrai du faux, de ne plus avoir conscience de son propre état mental? Nous pouvons tous être touchés par ces maladies, il n’y a pas de règles...»

Ce qui a toujours intéressé Franck Thilliez, c’est «la bascule», soit le moment où un individu va subitement changer son fusil d’épaule et passer à l’acte. «Pour ce roman, le défi était de ne pas stigmatiser encore plus les personnes atteintes de maladie mentale, précise-t-il. Je voulais expliquer la souffrance de ces personnes, qui n’ont jamais demandé à être malades, et aborder des notions complexes comme la responsabilité pénale. Je voulais également montrer l’UMD telle qu’elle est réellement: ce n’est pas une prison, mais avant tout un lieu où on prend en charge des patients gravement malades et auxquels on tente d’apporter les meilleurs soins.»

L’un dans l’autre, À retardement a été pour lui l’un des romans les plus compliqués à écrire. «L’intrigue est diabolique, avec de nombreux liens et rebondissements, ajoute-t-il. J’étais très heureux quand j’ai pu écrire le mot “Fin”.»

Tout le contraire de nous, quoi, parce qu’on aurait été très heureux de pouvoir lire 100 ou 200 pages de plus, juste pour le plaisir!

Photo fournie par les Éditions Fleuve
Photo fournie par les Éditions Fleuve

À retardement
Franck Thilliez
Éditions Fleuve
456 pages

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