Vestiges d'un moulin à vent de 300 ans à Québec: peu de sites comme celui-ci ont été découverts hors du Vieux-Québec et de la Basse-Ville
«Ces fouilles apportent un éclairage précieux à l’histoire du Québec.»


Mathieu-Robert Sauvé
Si les gens de la Capitale-Nationale connaissent le moulin à vent de l’hôpital général de Québec, qui date de 1730 et qui est toujours debout, ce nouveau moulin construit par les missionnaires jésuites il y a trois siècles marque une étape importante dans notre compréhension du XVIIIe siècle.
Lorsque l’archéologue Stéphane Noël a compris à la mi-juillet que la structure de pierre qu’il mettait à jour révélait les vestiges d’un moulin à vent du Régime français, il a ressenti une grande joie.
«J’étais excité parce que c’était précisément ce que nous cherchions», confie le chef d’une équipe d’une quinzaine d’archéologues chargée de mener des fouilles dans un terrain qui doit accueillir des conduites municipales. Ces travaux sont réalisés dans le cadre des travaux préparatoires du tramway de Québec.

M. Noël place ce projet de fouilles parmi ses deux plus importants en carrière, l’autre étant la direction de recherches archéologiques sur le site d’une mission huronne-wendat de la fin du XVIIe siècle, à L’Ancienne-Lorette, en 2018.
M. Noël et son équipe auront de la matière à publication scientifique lorsque le rapport de recherche archéologique exigé par le ministère de la Culture et des Communications sera déposé, d’ici l’été 2024.
Peut-être sauront-ils expliquer comment le sceau d’une bouteille de Château-Latour, un des grands vins français, a bien pu se retrouver dans les poubelles de l’hôpital de ce quartier ouvrier du XIXe siècle...
Enrichissement culturel
Ces fouilles apportent un éclairage précieux à l’histoire du Québec, estime Louise Pothier, Conservatrice et archéologue en chef au musée de Pointe-à-Callière de Montréal.
«Comme port d’entrée de la colonisation française, Québec possède de nombreux vestiges de la Nouvelle-France; la majorité des sites archéologiques de cette période ont été découverts dans le Vieux-Québec et la Basse-ville. Ici, on est dans une zone en périphérie aujourd’hui densément peuplée, mais qui était à cette époque totalement rurale, constituée de plantations et de labours», explique-t-elle.

Les analyses des restes de grains pourraient révéler si, en plus du blé, les agriculteurs cultivaient d’autres céréales, comme l’orge ou l’avoine. Nous pourrions aussi mieux connaître la vie quotidienne du meunier, qui habitait probablement près du moulin.
Le moulin, qui pourrait avoir été construit en 1717, témoigne en effet d’une activité agricole intense puisque c’est là que les cultivateurs venaient moudre leur blé, au prix d’une contribution au seigneur du lieu.

Lumière sur le choléra
L’équipe, qui a entamé ses travaux en mai dernier et vient tout juste de terminer les fouilles, a transporté au laboratoire d’analyse des dizaines de milliers d’artefacts. Comme c’est souvent le cas en archéologie, les couches de sédiments contenaient une grande quantité d’objets représentant des centaines d’années d’occupation.
«On en a pour au moins six mois avant d’avoir fini de trier, nettoyer et inventorier le contenu de nos 60 boîtes», résume l’archéologue formé à l’Université Laval et à Memorial University (Terre-Neuve-et-Labrador).
Parmi les surprises exhumées par les experts, le contenu d’une fosse de latrines de l’Hôpital de la Marine, construit au XIXe siècle.

« Les latrines sont des lieux extrêmement riches pour nous qui tentons de reconstituer le mode de vie des populations passées. On y trouve des fragments de céramiques, des bouteilles et toutes sortes d’ustensiles et d’objets de la vie quotidienne, mais aussi des ossements d’animaux et des restes de végétaux qui peuvent nous informer sur les habitudes de consommation de l’époque », dit l’expert à l’emploi de la Ville de Québec.
On croit que cet hôpital a pu accueillir de nombreuses victimes des grandes épidémies du XIXe siècle, dont celles du choléra et du typhus.