Des archéologues ont découvert le site exact de la colonie de Jacques Cartier
Maude Bouchard-Dupont
Lors d’une fouille à Cap-Rouge en 2005, les archéologues trouvent un curieux petit morceau de faïence. L’identification et la datation de ce fragile fragment de majolique italienne permettent d’attester une découverte majeure : c’est bel et bien le site de l’éphémère colonie de Jacques Cartier et Jean-François de La Rocque de Roberval !
Rappelons les faits : Jacques Cartier effectue trois voyages au Canada entre 1534 et 1541. Lors de son ultime périple, Jacques Cartier ne dirige plus l’expédition. François 1er a nommé le gentilhomme Jean-François de La Rocque de Roberval. Toutefois, ce dernier est retenu en France. Envoyé avec un premier groupe de 300 colons, Jacques Cartier s’établit sur ce promontoire à Cap-Rouge, qu’il nomme Charlesbourg-Royal.
La suite est bien connue. Sans nouvelle de Roberval et attaqué par les Stadaconéens, Jacques Cartier quitte l’établissement au printemps 1542 en emportant avec lui ce qu’il croit être de l’or et des diamants.
À Terre-Neuve, il rencontre finalement Roberval, qui le somme de revenir vers Québec avec lui. Or, la nuit tombée, Jacques Cartier file en douce vers la France, laissant son commandant en bien mauvaise posture. En France, l’or et les diamants de Cartier se révèlent être de la simple pyrite de fer et du quartz.
S’installant à son tour avec 200 colons à Cap-Rouge, Roberval renomme le fort France-Roy. Bien que les relations avec les Stadaconéens s’améliorent, l’hivernage est une terrible épreuve : famine, scorbut, révoltes.
En 1543, le roi François 1er ordonne à Roberval de revenir en France. C’est déjà la fin des expéditions au Canada. Il faudra attendre Samuel de Champlain, quelque 60 ans plus tard, pour que la France s’établisse pour de bon sur le continent.
Ce que nous révèle l’archéologie
De 2005 à 2010, les fouilles archéologiques sur le site Cartier-Roberval mettent au jour 6000 artefacts datant du XVIe siècle, révélant un véritable microcosme de la société de l’époque de la Renaissance. Avec ses 500 colons provenant de toutes les classes sociales, l’expédition de Cartier et Roberval est une véritable colonie de peuplement.
De la faïence italienne fabriquée sur commande uniquement à la présence de noyaux d’olives, mais aussi de fragments de carreaux d’arbalète et de cotte de mailles, il est facile d’imaginer à table le noble entourage du sieur de Roberval protégé par sa garde personnelle.
Approfondissant les résultats préliminaires des fouilles, des analyses plus poussées à l’Unité mixte de recherche Capitales et patrimoines (UMRcp) permettront de documenter plus précisément la vie quotidienne de ces premiers Français en Amérique.

Fragment d’une majolique italienne (assiette d’apparat) du XVIe siècle découverte en 2005 sur le site Cartier-Roberval. Un rare exemplaire d’une assiette complète a été retrouvé dans la collection du Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg en Russie.

Ce type spécifique de faïence Istoriato a été fabriqué à Faenza en Italie entre 1540 et 1550. C’est cette courte période de fabrication qui a permis aux archéologues de dater le site et de faire le lien avec la colonie de Cartier-Roberval.
Visiter le site Cartier-Roberval aujourd’hui

Ouvert de mai à octobre depuis 2022, un parcours d’interprétation ainsi qu’une réalité augmentée permettent de découvrir les secrets de la première colonie française en Amérique du Nord. Quant aux remarquables artefacts du site Cartier-Roberval, ils seront en vedette dans la prochaine exposition permanente sur le Québec au Musée de la civilisation prévue au printemps 2024.
À propos du Laboratoire et Réserve d’archéologie du Québec (LRAQ)

Pour découvrir les collections du Québec conservées entre autres par le LRAQ, visitez le site d’Archéolab.Québec, une plateforme web réalisée en partenariat avec Pointe-à-Callière, Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal.
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