Faire pousser un potager à l'ombre : c'est tout à fait possible quand on cultive les bons végétaux et qu'on utilise les bonnes installations


Albert Mondor
En milieu urbain densément peuplé, où les habitations ont plusieurs étages, il est assez rare que les terrains soient ensoleillés toute la journée. Bien souvent, le soleil est présent quelques heures seulement, le matin ou l’après-midi. Voici quelques conseils qui vous permettront de cultiver des plantes comestibles même si votre terrain est peu ensoleillé.
Un potager doit être installé dans un endroit bien ensoleillé, idéalement loin des arbres. Toutefois, bien que la majorité des plantes potagères nécessitent au moins six heures d’ensoleillement par jour pour bien croître et se développer, certains végétaux comestibles comme la bette à carde et l’épinard tolèrent l’ombre. Ainsi, il est tout à fait possible de créer un potager dans un lieu légèrement ombragé.

Par contre, l’ombre produite par des épinettes et des érables matures est généralement dense et inhospitalière. Peu de plantes peuvent pousser dans de telles conditions car, en plus de bloquer les rayons du soleil, le feuillage épais de ces arbres provoque la sècheresse en empêchant la pluie de se rendre jusqu’au sol.
De plus, le système de racines des arbres entre en compétition féroce avec les radicelles des plantes qui poussent à leur base pour s’approprier les éléments nutritifs et l’eau contenus dans le sol. Par exemple, durant une chaude journée d’été, un érable argenté mature peut puiser jusqu’à 200 litres d’eau dans le sol!
Certaines essences, comme le noyer noir et le marronnier, vont même jusqu’à dégager des substances chimiques, dites allélopathiques, qui ont un effet toxique sur les végétaux plantés sous leur canopée.
Potager en bac
Si vous souhaitez créer un potager sous des arbres, vous pouvez le faire en bac en prenant soin de bien séparer du sol existant le terreau que vous y mettrez à l’aide d’une membrane géotextile feutrée épaisse, mais perméable. Cette précaution évitera que les racines des arbres pénètrent dans le bac et envahissent le terreau.
Malgré le manque de soleil, vous pouvez obtenir des plantes vigoureuses et productives en les cultivant dans un terreau riche, ayant une excellente capacité de rétention d’eau et d’éléments nutritifs. Ainsi, le bac dans lequel vous souhaiter cultiver vos légumes et fines herbes doit être rempli avec un terreau riche et léger, composé de compost et de tourbe de sphaigne.
Légumes et fines herbes adaptés à l’ombre
Certaines plantes potagères arrivent à pousser sous les arbres, avec à peine trois ou quatre heures d’ensoleillement. C’est le cas de la bette à carde, de la carotte, du chervis, du cresson, de l’épinard, de la laitue et de la roquette. D’autre part, certaines plantes vivaces indigènes comestibles poussent très bien sous les arbres. Les plus connues sont l’asaret gingembre sauvage et la matteuccie fougère-à-l’autruche (têtes de violon).
Certaines fines herbes telles que la coriandre, la menthe, la mélisse et le persil sont aussi adaptées au manque de soleil. Parmi les fleurs comestibles les mieux adaptées aux environnements ombragés, mentionnons les bégonias, les capucines, les hostas, les monardes et les pensées.
Voici la description de trois plantes comestibles qui poussent à l’ombre
Bette à carde

La bette à carde apprécie le plein soleil, mais elle peut se satisfaire d’une certaine ombre. Elle arrive à pousser avec aussi peu que trois heures d’ensoleillement. Il s’agit d’un légume facile à cultiver qui s’adapte à divers types de sols, même ceux qui sont argileux.
Il n’est pas utile de semer les bettes à l’intérieur. Puisqu’elles apprécient les températures fraîches, il est possible de les semer au potager dès avril. Selon les cultivars et le degré de maturité souhaité, la récolte se fait habituellement de 40 à 60 jours après le semis.
Le semis doit préférablement être effectué à l’extérieur, directement en pleine terre, quelques semaines avant le moment où tout risque de gel est pratiquement nul dans votre région. À Montréal et à Ottawa, on peut procéder au semis des bettes à carde dès la fin d’avril ou au début de mai, tandis qu’à Québec et dans l’est de notre province, on doit habituellement attendre vers la mi-mai pour effectuer cette opération.
L’utilisation d’un agrotextile ou la culture sous couche froide permet d’effectuer le semis encore plus hâtivement, soit dès le début d’avril, permettant ainsi de profiter d’un meilleur ensoleillement alors qu’il n’y a pas de feuilles dans les arbres. Le sol étant encore gelé dans certaines régions à cette période, il faut alors faire le semis dans des contenants remplis de terreau d’empotage riche en compost. La culture sous agrotextile ou sous couche froide permet également d’effectuer le semis de bettes à carde à la fin de l’été ou au début de l’automne dans le but d’en faire la récolte d’octobre à décembre.
Chénopode bon-Henri

Aussi appelé épinard sauvage, le chénopode bon-Henri – nommé ainsi en l’honneur du roi Henri IV qui était amateur de botanique – est cultivé depuis fort longtemps en Europe, notamment dans les potagers d’Angleterre. Lorsqu’il est cuit, le feuillage de cette plante possède une saveur qui rappelle celle de l’épinard, quoique plus prononcée. Les feuilles peuvent aussi être mangées crues, mais elles ont alors une saveur plus amère. L’inflorescence immature de ce chénopode peut être consommée légèrement cuite comme le brocoli. Cette plante contient de petites quantités de saponines et d’acide oxalique. Bien que la cuisson permette d’éliminer ces substances, les gens affectés par des maladies auto-immunes du système digestif devraient toutefois s’abstenir de les consommer.
Cette plante vivace se cultive préférablement à la mi-ombre ou à l’ombre légère, mais elle supporte aussi les expositions ensoleillées à condition que ses racines plongent dans un sol constamment humide. En l’arrosant régulièrement et en installant un paillis organique à son pied, cela permettra de maintenir une bonne humidité dans le sol ce qui aura toutefois pour effet de retarder sa floraison et sa montée en graines.
Un sol bien ameubli, amendé de compost, lui convient parfaitement et permettra à son imposant système de racines de se développer adéquatement. Le chénopode bon-Henri se propage principalement par semis, fait en pleine terre au printemps ou à l’automne.
Myrrhe odorante

Aussi appelée cerfeuil musqué, la myrrhe odorante est une plante condimentaire et médicinale dont toutes les parties sont comestibles. Cultivée par l’humain depuis des siècles, la myrrhe odorante était, avec l’or et l’encens, l’un des trois présents apportés par les Rois mages à la naissance de Jésus.
Son joli feuillage découpé rappelant celui des fougères constitue un excellent édulcorant au goût d’anis avec une légère pointe de panais. Les fruits verts de la myrrhe odorante, portés par des tiges qui atteignent près de 1 m de hauteur, peuvent être consommés comme de petits bonbons anisés.
Bien qu’on puisse trouver des plants vendus en pots dans certaines jardineries et pépinières spécialisées, la myrrhe odorante peut être propagée à partir de semences qui doivent être mises en terre à l’automne. Elle pousse bien au plein soleil comme à l’ombre légère, dans un sol riche en humus, léger et frais. Cette plante vivace est rustique en zone 3.