Un Québécois à Moscou traité en indésirable même s’il a la citoyenneté russe
Continuer de vivre en Russie est devenu risqué pour un Québécois

Olivier Faucher
Un Québécois qui venait d’obtenir sa citoyenneté russe est en train de voir son rêve voler en éclats. Il envisage de quitter le pays de Poutine, dont le gouvernement vient de retirer des droits aux étrangers comme lui.
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« Hier, pour la première fois, je me suis dit que je devais peut-être revenir au Canada indéfiniment », explique Julien*, un Québécois qui vit à Moscou avec sa femme qu’il a rencontrée en Russie.
Le Journal lui a permis de raconter son histoire sous le couvert de l’anonymat, puisqu’une loi adoptée le 4 mars dernier en Russie interdit de diffuser des « informations mensongères » sur l’armée russe, sous peine de 15 ans de prison.
Un rêve chamboulé
Julien est un passionné de la Russie, de son histoire et de sa langue depuis une dizaine d’années. C’est lorsqu’il a entendu l’histoire d’une Québécoise ayant appris le russe en Sibérie qu’il a voulu vivre au pays des tsars.
« Depuis, c’est mon rêve [de devenir citoyen russe], explique-t-il. Je suis tombé en amour avec Moscou, qui est une ville tellement vibrante », ajoute celui qui travaille comme enseignant dans la capitale.

Ce rêve, Julien l’a réalisé tout récemment, après un an et demi de démarches pour obtenir la double citoyenneté. Mais il ne se doutait pas alors que son pays d’accueil était sur le point d’envahir son voisin, l’Ukraine.
En quelques semaines, cette intervention militaire est venue « compliquer » les choses pour lui, au point où il songe « de plus en plus » à rentrer au Québec.
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Il a déjà perdu des droits
Ce qui l’a surtout inquiété, c’est une autre nouvelle loi adoptée par le gouvernement Poutine la semaine dernière qui interdit à tous ceux ayant une citoyenneté d’un des pays « hostiles » à la Russie d’acheter ou de vendre des propriétés. Le Canada fait partie de cette liste noire.
Lui et ses amis, qui sont plusieurs à être des immigrants, « sont tous de plus en plus inquiets », explique Julien, qui craint que d’autres droits lui soient retirés par ce régime autoritaire.
« L’opinion générale des gens avec qui je parle, c’est que la situation va empirer », soutient-il.
Démarches pour sa femme
Le Québécois multiplie les démarches pour emmener sa femme avec lui au Canada.
« La prochaine étape, c’est de voir si elle va avoir le visa canadien. J’ai écrit à l’ambassade pour essayer d’accélérer le processus.
« J’espère qu’on va réussir à s’en revenir, mais c’est sûr que je ne laisserai pas ma femme derrière », dit-il.
*Nom fictif pour préserver l’anonymat.
Des sanctions qui se font sentir

Si ce n’est pas la principale raison pour laquelle il souhaite revenir au pays, les lourdes sanctions économiques internationales imposées à la Russie se font sentir dans la vie de tous les jours de ses citoyens, selon Julien.
« C’est plus difficile d’avoir des produits sanitaires, comme les shampoings, savons, des crèmes, explique-t-il. J’ai vu des augmentations de prix d’environ 10 à 15 % quand je vais à l’épicerie. »
Également, sa facture d’électricité a bondi de 40 % en un seul mois depuis l’imposition des sanctions. « Ça fait quand même une différence », dit-il.
Au niveau des transports, il a observé une hausse de près de 50 % du tarif des taxis et également du prix des voitures russes Lada, qui a grimpé de 8 %.