Procès de Carl Girouard: une «mission de tuer des gens» depuis l’âge de 18 ans
L’auteur de l’attaque du Vieux-Québec mélangeait la réalité et les jeux vidéo

Nicolas Saillant
La mission de « tuer des gens » s’est cristallisée dans la tête de Carl Girouard dès l’âge de 18 ans alors que la pleine lune de la soirée d’Halloween 2020 ainsi que le costume de samouraï étaient un moyen pour l’accusé d’alerter ses « alter ego » pour créer un monde meilleur imaginé de ses jeux vidéo.
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Pour la première fois depuis le 31 octobre 2020, l’assaillant Carl Girouard s’est exprimé sur les raisons qui l’ont poussé à commettre deux homicides et cinq tentatives de meurtre.

Affichant une attitude bien différente de celle des premiers jours alors qu’il se balançait nerveusement, l’accusé a raconté avoir développé un intérêt très fort pour les jeux vidéo « avec des épées » à partir de 15 ou 16 ans, délaissant ainsi l’école.
« L’école, ce n’est pas bien. On devrait vivre comme dans les jeux vidéo », a relaté l’homme de 26 ans qui s’était complètement isolé.
« Quand j’embarquais dans mon monde fantastique avec des armes blanches, je me sentais plus plonger dans ce monde-là », a-t-il expliqué.
À partir de 18 ans, une mission de tuer des gens est devenue claire dans sa tête. « Une mission de la plus haute importance. Il faut que ça soit accompli à tout prix. C’est un devoir, pas un envie », a-t-il poursuivi d’une voix claire.
L’objectif de celle-ci était de donner l’exemple à ce qu’il a appelé ses « alter ego », défini vaguement comme des gens courageux. « Qu’après ma mort ces gens-là poursuivent ma mission qui était de changer le monde pour le mieux et c’est pour ça qu’il fallait établir un chaos. »
Le symbole du Vieux-Québec
Girouard était un amateur des jeux vidéo For Honor, un jeu de style médiéval mettant en vedette samouraïs, chevaliers et Vikings. Le Vieux-Québec est devenu pour lui un lieu parfait pour réaliser sa mission. La date du 31 octobre 2020 était devenue incontournable notamment en raison de la pleine lune et de l’Halloween.
« Le costume, c’était pour la liberté. Il représente la liberté, s’habiller à sa façon », a dit celui qui voulait ressembler au personnage de son jeu vidéo.
En partant de chez lui à Sainte-Thérèse, très calme, il prend le temps de s’assurer que son sabre est bien dans la valise arrière pour éviter d’être arrêté avant sa mission. Une fois à Québec, Girouard, qui avait 24 ans, est toutefois « très angoissé » au point où il rebrousse chemin après s’être arrêté près du Château Frontenac une première fois.

Il racontera d’ailleurs aux membres du jury que son objectif initial était d’entrer dans le Château Frontenac pour commettre ses meurtres avant de se buter à une porte close. « Je n’avais pas envie de le faire, a-t-il témoigné, je m’oblige à être fâché pour me mettre en mode mission. »
La mission « prend le bord »
Affirmant « ne pas avoir de problème de mémoire », l’accusé dit avoir vécu un sentiment d’échec en réalisant que la première victime, Rémy Bélanger, « n’avait pas été éliminée ».
C’est donc François Duchesne qui a fait les frais de sa colère. « C’était normal, ma mission est commencée, je l’exécute », explique-t-il à son avocat Pierre Gagnon.
Girouard a assuré avoir réalisé l’absurdité de sa mission après la deuxième victime, Suzanne Clermont. « Je pensais que j’allais avoir un sentiment d’accomplissement, ça n’a pas été le cas. Ma mission a commencé à prendre le bord », a-t-il expliqué.

« Je ne voulais pas mourir »
Au même moment, les gyrophares de police l’ont amené à aller se cacher près de l’Espace 400e pour « attendre la police ». « À la fin de ma mission, j’étais censé mourir, de me faire tirer une balle dans la tête par un policier, mais je n’étais pas prêt pour ça, je ne voulais pas mourir. »
L’accusé affirme avoir parlé du drame pour la première fois lors de ses rencontres avec l’expert qui témoignera en défense, le Dr Gilles Chamberland. « Ça a pris du temps m’ouvrir et accepter de l’aide », a dit celui qui est à nouveau le « vrai Carl Girouard » et qui prend de la médication.
La Couronne a brièvement débuté son contre-interrogatoire en fin de journée pendant lequel Me François Godin a voulu mettre en évidence la capacité de l’accusé à faire la différence entre le bien et le mal.
Ce que l’accusé a raconté
À propos de sa mission de « tuer des gens »
« J’y pensais toujours, chaque jour, c’était comme un deuxième monde dans ma tête, que j’associe à cette mission-là »
À propos de son choix du moment de l’attaque
« L’Halloween et le costume, c’est par rapport à la liberté, les gens à l’Halloween se costument comme ils veulent parce qu’ils sont plus libres le soir de l’Halloween, surtout que ce n’était pas une Halloween ordinaire, il y avait une pleine lune »
À propos de son changement de cap, après la deuxième victime
« Je pensais à ma famille, je pensais au monde entier que je me disais que j’avais fait quelque chose qui n’avait pas de sens, seulement après avoir commis les actes »
Dans le vif du débat
► La défense affirme que l’accusé est non responsable criminellement des gestes commis pour cause de troubles mentaux au moment des faits.
► La Couronne prétend que Girouard était capable de différencier le bien du mal le 31 octobre 2020 et donc qu’il est coupable des meurtres de François Duchesne et Suzanne Clermont ainsi que de cinq tentatives de meurtre.
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