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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Les bénéfices du sirop d’érable: les Premières Nations utilisaient la sève d’érable à sucre bouillie en médecine traditionnelle

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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2024-03-09T05:05:00Z
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Une très ancienne légende, transmise par les premiers peuples d’Amérique, raconte qu’ils auraient découvert le bon goût de l’eau d’érable en observant des écureuils qui en buvaient la sève, une belle journée de fin d’hiver. Ils auraient constaté, une fois l’eau ingurgitée, que les petits rongeurs semblaient ragaillardis. Ça leur a donné envie d’y goûter.

AUTOCHTONES

Les premiers habitants de l’Amérique ont vécu pendant des milliers d’années en parfaite symbiose avec la nature avant l’arrivée des colons européens. Ils savaient quels végétaux pouvaient les nourrir, les soigner et même leur être utiles pour fabriquer des objets.

Quand on aborde la question alimentaire des Autochtones du territoire Québécois dans nos manuels scolaires, on traite de la cueillette de petits fruits ou de la culture de la courge, du maïs et du haricot grimpant. Parfois, on mentionne le tournesol et le tabac. En fait, il faut savoir que les premiers habitants du continent consommaient au moins 500 plantes sauvages. Ils savaient s’alimenter de végétaux, de tubercules, de noix, de graines, de riz sauvage et de champignons qu’on retrouve dans nos forêts. Leurs connaissances botaniques allaient au-delà des utilités alimentaires. Ils connaissaient les plantes qui pouvaient servir à faire des objets utilitaires comme du cordage, des végétaux qu’on pouvait tresser pour faire de la vannerie, des matelas et, évidemment, des vêtements. Ils connaissaient également les vertus de certaines résines qu’ils utilisaient pour produire des scellants imperméables. Toujours à l’aide d’éléments pris dans la nature, ils concoctaient des colorants, des parfums, des insecticides et confectionnaient des bijoux. N’oublions pas l’écorce de bouleau, qui servait autant à fabriquer des canots qu’à préparer des tisanes et du sirop de bouleau.

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L’érable produit approximativement 9 litres d’eau sucrée par jour au printemps.
L’érable produit approximativement 9 litres d’eau sucrée par jour au printemps. Domaine public

ÉLIXIR SUCRÉ

On sait donc que la sève de l’érable à sucre était connue des Autochtones des forêts de l’est de l’Amérique bien avant l’arrivée des premiers colons européens. L’explorateur malouin Jacques Cartier a laissé un témoignage dans lequel il nous parle d’un arbre qui produit une sève aussi bonne au goût que le vin. Marc Lescarbot, en 1606, explique que les Premières Nations distillent l’eau d’érable avec des pierres chaudes. 

Le biologiste suédois Pehr Kalm constate, dès 1749, que le sirop d’érable est consommé par tous les colons de la Nouvelle-France.
Le biologiste suédois Pehr Kalm constate, dès 1749, que le sirop d’érable est consommé par tous les colons de la Nouvelle-France. Crédit : « The Indian at Work: Maple-Sugar-Making in the Northern Woods » after a sketch by W.M. Cary ca. 1880-1890

On sait que les Autochtones se transmettaient anciennement leurs connaissances de façon orale. Il n’existe donc aucune trace écrite pour situer dans le temps le moment de la découverte de l’eau de l’érable à sucre. On pense qu’ils ont développé, au fil du temps, d’ingénieuses techniques pour extraire, puis transformer cette eau en une sève de l’érable qui ressemblerait au sirop que nous connaissons. Chaque clan possédait un petit espace couvert près de son habitation pour distiller la précieuse ressource. C’est aux femmes que revenait la responsabilité de la collecte et du traitement de l’eau d’érable. Elles utilisaient des coquillages ou des pierres tranchantes pour entailler l’écorce des érables pour en faire sortir l’eau au printemps. Cette sève était recueillie dans des bassines faites d’argile ou d’écorce. On se servait de roches très chaudes pour faire évaporer l’eau déposée dans des récipients (de pierre ou d’argile). Cette eau d’érable bouillie et réduite était entre autres utilisée dans la médecine traditionnelle, mais servait probablement peu souvent à agrémenter des recettes parce que selon ce qu’on comprend de leur alimentation, les Premières Nations n’avaient pas nécessairement la dent bien sucrée. On sait par contre que le précieux sirop pouvait être produit en quantité importante et avait l’avantage de bien se conserver à longueur d’année.

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Technique autochtone utilisant des barils en métal
Technique autochtone utilisant des barils en métal Crédit : chroniquesbeauceronnes.wordpress.com

La sève de l’érable coule dès le dégel du printemps et jusqu’au moment où les bourgeons se transforment en feuillage.
La sève de l’érable coule dès le dégel du printemps et jusqu’au moment où les bourgeons se transforment en feuillage. Crédit : gwentuinman.com

SIROP CANADIEN

La fabrication du sirop et du sucre dur, produits à partir de la sève d’érable par les colons canadiens, se fait dès les premières décennies de la colonisation principalement parce que le sucre importé coûtait une petite fortune. Leurs techniques de transformation imitaient celle des producteurs de mélasse de canne à sucre en Martinique ou en Guadeloupe. On sait qu’à cette époque, de petites quantités de sirop d’érable se sont retrouvées à la cour du roi de France. Louis XIV, par exemple, adorait manger les bonbons de sucre d’érable que lui envoyait une des premières femmes d’affaires de Montréal, Agathe de Saint-Père.

Jusqu’au milieu des années 1800, les techniques pour produire le sirop n’évoluent pas tellement, puis on invente un chalumeau de forme ovale en fer pour maximiser la récolte de l’eau d’érable. La chaudière en métal remplacera le seau en bois. La modernisation des équipements favorise alors la construction de modestes cabanes mieux isolées pour éviter les pertes de chaleur lors de l’ébullition de l’eau d’érable. Ce sont ces petites maisons qui vont devenir nos premières cabanes à sucre. Familles et amis vont s’y réunir pour récolter et transformer l’eau d’érable et partager un bon repas cuisiné dans le sirop.

Cabane à sucre près de Bromptonville (1871-1872)
Cabane à sucre près de Bromptonville (1871-1872) Crédit : Collection Musée McCord

La canne de sirop. Dans les années 1920 et 1930, la mise en boîte du sirop d’érable facilite sa conservation et sa commercialisation.
La canne de sirop. Dans les années 1920 et 1930, la mise en boîte du sirop d’érable facilite sa conservation et sa commercialisation. Domaine public

Aujourd’hui, le sirop d’érable québécois est vendu dans 60 pays et il représente approximativement 72% de la production planétaire.

Le sirop d’érable est devenu, au fil des années, un élément emblématique de notre culture. Rendons hommage aux Premières Nations de l’est du pays pour nous avoir fait découvrir cet élixir du bonheur tiré de la nature.

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