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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

La Nation Mi’kmaq, présente 3000 ans avant les Européens, s’inscrit au cœur de l’histoire québécoise

Manon Jeannotte, de la Nation Mi’kmaq (Micmac) de Gespeg, vient d’être nommée lieutenante-gouverneure du Québec

Un wigwam mi'kmaq. 

Il est utilisé par les chasseurs et les trappeurs au début du 20e siècle.
Un wigwam mi'kmaq. Il est utilisé par les chasseurs et les trappeurs au début du 20e siècle. Crédit : Photographie tirée de Newfoundland and its Untrodden Ways, de J. G. Millais, London.
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2024-02-11T05:05:00Z
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Madame Manon Jeannotte, nouvelle lieutenante-gouverneure du Québec, se place à la tête du pouvoir législatif et de l’État québécois, une première dans l’histoire de la province. Elle devra représenter Sa Majesté Charles III, le roi du Canada, au Québec pour les cinq prochaines années.

Couple mi'kmaq.
Couple mi'kmaq. Domaine public

Cette nomination du premier ministre Justin Trudeau est à mon avis une opportunité pour tous les allochtones du Québec de s’ouvrir à la culture et à la réalité de la Nation Mi’kmaq. Petite précision, le nom «Micmac» s’écrit maintenant au singulier «Mi’kmaq» et au pluriel «Mi’kmaw».

La Nation Mi’kmaq occupait la péninsule gaspésienne au moins 3000 ans avant l’arrivée des premiers Européens. Aujourd’hui, les Mi’kmaw habitent principalement le territoire de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. On les retrouve aussi sur l’île de Terre-Neuve, dans le Nord-Est américain et ici, au Québec, dans la péninsule Gaspésienne. La communauté mi’kmaq de Gespeg (d’où vient notre nouvelle gouverneure générale) s’est enracinée dans la baie de Gaspé au début du 16e siècle. Gespeg signifie en langue mi’kmaq «Là où la terre prend fin». 

Toponymes mi’kmaw Plusieurs noms mi’kmaw qui décrivent le territoire existent encore aujourd’hui dans la toponymie québécoise. Par exemple, Anticosti tire son nom du mot «Natigosteg» et signifie «terre avancée»; Québec, de «Gepe’q», signifie «là où la rivière se rétrécit»; Matane, du mot «Mantanne», veut dire «étang de castors»; Tadoussac, de «Giatosog», veut dire «entre les rochers» et Rimouski signifie simplement «la terre de l’orignal».
Toponymes mi’kmaw Plusieurs noms mi’kmaw qui décrivent le territoire existent encore aujourd’hui dans la toponymie québécoise. Par exemple, Anticosti tire son nom du mot «Natigosteg» et signifie «terre avancée»; Québec, de «Gepe’q», signifie «là où la rivière se rétrécit»; Matane, du mot «Mantanne», veut dire «étang de castors»; Tadoussac, de «Giatosog», veut dire «entre les rochers» et Rimouski signifie simplement «la terre de l’orignal». CC BY-SA 3.0 DEED

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CULTURE MI’KMAQ

Le mode de vie des Mi’kmaw était intimement relié aux ressources de la nature qui les entourait et le cœur de décisions collectives était centré sur la gestion de la chasse et de la pêche. L’autorité mi’kmaq était basée sur le prestige des individus et le respect que les membres de la communauté conféraient au leader.

Bien avant l’arrivée des Européens, les Mi’kmaw avaient un gouvernement que nous appellerons le grand Conseil Mi’kmaq (Sante’ Mawio’mi). Sous le régime colonial, chaque nation avait le pouvoir de négocier des traités d’égal à égal avec les émissaires européens. 

La langue parlée par les Mi’kmaw fait partie de la famille des langues algonquiennes. Elle possède un alphabet constitué de pictogrammes. Elle est très semblable à celle que parlaient leurs voisins les Malécites et les Pescomodys. Cette langue compte de nombreux dialectes, dont le Restigouche, un dialecte unique au territoire actuel du Québec.

La nordicité du pays des Mi’kmaw ne leur permettait pas de subvenir facilement à leurs besoins alimentaires avec seulement la culture du maïs, des courges et des haricots. Ils dépendaient aussi pour survivre des ressources de la mer et des forêts. Ils habitaient donc durant les saisons plus chaudes sur la côte, d’où ils pouvaient pêcher l’éperlan, le hareng ou le saumon et récolter à marée basse des crustacés et des mollusques. Puis, l’hiver, ils migraient à l’intérieur des terres où ils chassaient le caribou, l’orignal, l’ours et le castor.

Ces gens avaient une relation intime avec la mer, ils étaient d’excellents navigateurs. Ils construisaient de longs canots d’écorce de bouleau avec lesquels ils étaient capables de naviguer sur de longues distances en eau trouble. Leur pays sur le littoral les a évidemment placés aux premières loges quand les pêcheurs de morue, les chasseurs de baleine, les marchands de fourrure ou les explorateurs européens sont arrivés sur les côtes de la Gaspésie. Ils seront, par le fait même, les premières victimes de la contamination microbienne européenne en Amérique du Nord. On estime qu’entre l’an 1500 et 1600 la variole et la rougeole vont décimer entre 50% et 90% des Mi’kmaw. 

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Appartenir à la Nation Mi'kmaq de Gespeg avec fierté. Manon Jeannotte vient d’être assermentée à titre de 30e lieutenante-gouverneure de l’histoire de la province de Québec.
Appartenir à la Nation Mi'kmaq de Gespeg avec fierté. Manon Jeannotte vient d’être assermentée à titre de 30e lieutenante-gouverneure de l’histoire de la province de Québec. Crédit : Assemblée nationale du Québec

L’IMPORTANCE DES TRAITÉS

Comme si ce n’était pas suffisant, la population mi’kmaq a également été affectée par les conflits entre Européens. Elle sera forcée de prendre position et de participer à la guerre. Les Mi’kmaw y prendront part, la plupart du temps, au côté des Français. Ce qui est intéressant, c’est que ce positionnement militaire et politique les amènera à signer de nombreux traités de paix entre l’an 1726 et 1761. Ces traités du 18e siècle reconnaissent officiellement les droits pour les Mi’kmaw. Après la chute de la Nouvelle-France en 1760, la Proclamation royale de 1763 établit même des droits aux Autochtones de la Province of Quebec. Au fil du temps, les nouveaux arrivants d’origine européenne vont ignorer les droits ancestraux de ces premiers peuples. Aujourd’hui, la Cour suprême du Canada oblige la Couronne, dont Manon Jeannotte est la représentante, à respecter ces fameux droits ancestraux mi’kmaw sur les terres qui sont décrites dans ces traités historiques. 

«Au Canada, les Autochtones ont le droit de voter aux élections fédérales sous certaines conditions depuis la Confédération comme le prévoyait l’Acte pour encourager la civilisation graduelle des Sauvages de 1857, une des lois fondatrices de la connue Loi sur les Indiens de 1876. Ce droit de vote pouvait s’exercer seulement si les Autochtones acceptaient de s’“émanciper”, c’est-à-dire de renoncer à leur statut spécial d’Indien pour embrasser pleinement les droits et obligations des autres citoyens canadiens et obtenir ainsi des terres assujetties à l’impôt foncier. La participation des Autochtones aux deux guerres mondiales élargit leur accès au suffrage. À partir de 1950, le droit de vote est étendu aux Autochtones qui renoncent à leur exonération fiscale prévue par la Loi sur les Indiens de 1876.»
«Au Canada, les Autochtones ont le droit de voter aux élections fédérales sous certaines conditions depuis la Confédération comme le prévoyait l’Acte pour encourager la civilisation graduelle des Sauvages de 1857, une des lois fondatrices de la connue Loi sur les Indiens de 1876. Ce droit de vote pouvait s’exercer seulement si les Autochtones acceptaient de s’“émanciper”, c’est-à-dire de renoncer à leur statut spécial d’Indien pour embrasser pleinement les droits et obligations des autres citoyens canadiens et obtenir ainsi des terres assujetties à l’impôt foncier. La participation des Autochtones aux deux guerres mondiales élargit leur accès au suffrage. À partir de 1950, le droit de vote est étendu aux Autochtones qui renoncent à leur exonération fiscale prévue par la Loi sur les Indiens de 1876.» Crédit : La Presse, 11 mars 1960

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