Psycho : le deuil de l’enfant idéal

Avant même d’apprendre qu’il ou elle deviendra parent, l’enfant qui viendra au monde existe déjà... dans la tête de tous ceux et celles qui l’attendent impatiemment. Car, bien souvent, lorsque des personnes cultivent le projet d’avoir un enfant, elles ne parlent pas de n’importe quel enfant : il s’agit du leur et, en ce sens, bien souvent d’un enfant qui vient au monde avec un lot d’idéaux espérés.

Pour certains, avant même sa naissance, le sexe de l’enfant aura déjà été attribué, tout comme ses caractéristiques physiques, ses qualités, ses intérêts, voire son curriculum vitae !

Ces attentes parfois démesurées laissent de côté des événements potentiels pourtant ancrés dans la réalité : et si le bébé devait naître avec certaines conditions, ou encore avec divers problèmes de santé ?

À cela peut s’ajouter une multitude de contraintes et d’imprévus qui font partie intégrante de la vie humaine.

De plus, une fois la grossesse bien entamée, le quotidien continue autour du futur poupon. Parfois bien différente de la grossesse qui avait été anticipée, celui-ci peut être marqué par des tensions conjugales, des deuils, des maladies, des soucis financiers, ou des catastrophes de toutes sortes, une pandémie mondiale par exemple.

Tous ces remous marquent les parents et transforment déjà la relation qu’ils avaient imaginée non seulement avec la grossesse, mais aussi avec leur enfant qui verra le jour. Sans compter que l’entourage, parfois inconsciemment, pourrait aussi avoir diverses attentes, opinions ou passer certains messages sur la façon d’éduquer ou de prendre soin de l’enfant... qui n’est même pas encore né, faut-il le rappeler ! Autant chez les parents, dans la famille que dans l’entourage, certains espèrent voir se répéter la dynamique familiale dans laquelle ils ont grandi – alors que les temps ne cessent de changer.

D’autres, au contraire, ne souhaitent surtout pas que le bébé qui viendra au monde ressemble à leurs parents.

Surprise, me voilà !

L’accouchement représente une expérience physique intense, où toutes les énergies de la mère sont sollicitées à leur maximum.

L’arrivée du bébé vient toujours avec un mélange de bonheur, mais aussi d’inquiétudes.

Respire-t-il normalement ? Se porte-t-il bien ? Affiche-t-il un poids normal ? Il s’agit donc d’un moment charnière, marquant la fin d’une étape importante et le début d’une autre : celle du renoncement à l’enfant idéal et rêvé, à celle de la rencontre avec l’enfant véritable dans la réalité.

Celui que les parents tiendront dans leurs bras pour la première fois débarquera dans ce monde avec sa génétique, ses forces, ses faiblesses, et diverses caractéristiques qui se manifesteront à mesure qu’il grandit.

Certains rêvaient d’un artiste, mais élèveront peut-être un futur joueur de football. Chez les parents, membres de la fratrie et proches peut alors s’installer une subtile période de deuil, dont plusieurs ne parleront souvent pas ouvertement.

Passer du rêve à la réalité

Bien que cette réaction soit tout à fait normale et humaine, il leur faut aussi prendre conscience que cet enfant doit être élevé à partir de ce qu’il est, et non pas suivant leurs propres aspirations.

Transformer ce bébé en projet ambitieux ou irréaliste, l’investir de la mission de réparer nos blessures d’enfance, tout faire pour qu’il accomplisse ce que nous n’avons jamais pu réussir dans notre jeunesse, voilà qui est bien lourd à porter sur les frêles épaules d’un poupon qui vient tout juste de voir le jour !

Parfait dans l’imaginaire de tout le monde avant sa naissance, l’enfant présentera peu à peu toutes les caractéristiques de l’être humain à part entière : plutôt turbulent ou plus discret, pas très sportif ou avec des troubles de comportement, enjoué ou un peu plus mélancolique, etc.

Cet enfant-là aura besoin de parents qui sauront faire la transition entre le rêve d’autrefois et la réalité d’aujourd’hui. Ont-ils le droit d’être déçus devant ses retards de développement ? Bien sûr. D’espérer une fille et d’être un peu contrarié de se retrouver devant un troisième garçon ? Sans aucun doute.

C’est justement à ce moment que débute le véritable rôle des parents, celui d’assurer une réelle présence devant leur enfant, tel qu’il se présente devant eux, avec ses caractéristiques, ses besoins. Cette présence est d’ailleurs d’une importance capitale, et prend de multiples formes : une présence attentive, régulière, fiable, sécurisante, en plus d’être stable sur le plan émotif.

En effet, rien de plus déstabilisant pour un enfant qu’un parent qui ne l’écoute pas réellement, qui n’est pas là lorsqu’il a besoin de lui, qui est imprévisible ou encore qui multiplie les sautes d’humeur orageuses.

Les idéaux de l’enfant

L’amour parental doit être inconditionnel, peu importe le deuil à faire de l’enfant idéal. C’est d’ailleurs ce deuil qui permettra à votre progéniture d’atteindre ses propres idéaux et non ceux des autres... en fonction de qui il est, réellement.