Ce flibustier de la Nouvelle-France a inspiré le héros du film «Matusalem»... et a réellement existé

Martin Lavallée
Vous vous souvenez du film Matusalem, du réalisateur Roger Cantin? Dans ce film de cape et d’épée sorti en 1993, l’acteur Marc Labrèche incarne Philippe Ambroise Dubuc de Beauchêne, un pirate du 18e siècle devenu un fantôme à la recherche de son empoisonneuse. Ce personnage et l’histoire du film sont inspirés de la vie d’un homme dont on a longtemps douté de l’existence, mais qui a bel et bien vécu: Robert Chevalier, dit de Beauchêne! Voici son histoire fascinante...
En 1732 paraît le livre d’Alain-René Lesage Les Avantures de Monsieur Robert Chevalier, dit de Beauchêne, capitaine de flibustiers dans la Nouvelle-France. Lesage est alors un romancier reconnu en France, auteur du célèbre roman Gil Blas. Il indique en préambule que son livre est issu des mémoires d’un certain Chevalier de Beauchêne, qu’il aurait reçus de la veuve de ce dernier dans le but de les faire publier.

Une vie hors de l’ordinaire
Dans le récit de Lesage, écrit à la première personne, est racontée la vie de Robert Chevalier de Beauchêne, un jeune Français né à Montréal (Pointe-aux-Trembles), qui se fait enlever par des Iroquois à l’âge de 7 ans. Ces derniers le gardent avec eux et lui apprennent la vie dans la nature, la chasse et les rudiments de la guerre. Après quelques années chez les Iroquois, il retourne chez les Français à la suite de sa capture lors d’une attaque des troupes de Frontenac.
Au fil du récit, le jeune homme aventureux et à l’esprit guerrier mène des expéditions avec des Autochtones sur le territoire de la Nouvelle-France, dont à Port-Royal, où il aurait contribué à sauver ce fort de l’Acadie contre l’attaque des Anglais, en 1707. À la suite de cet épisode, il devient progressivement flibustier. Il parcourt alors les mers, des Antilles jusqu’à l’Afrique, et se bat régulièrement contre des navires anglais. Après de nombreuses aventures, il termine sa vie en France, riche des butins qu’il a amassés.
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Une existence mise en doute
Le livre de Lesage a été réédité et traduit plusieurs fois depuis sa première parution. Toutefois, il est longtemps considéré comme un simple roman sorti de l’imagination fertile de Lesage. On remet en doute notamment l’authenticité des mémoires de Beauchêne, tout comme son existence.
Pour la postérité, jusqu’au 20e siècle, Robert Chevalier, dit de Beauchêne, est considéré comme un personnage fictif.

Les preuves de son existence
Au début du 20e siècle, quelques individus, comme Charles de la Roncière et Léo Leymarie, croyant à la véracité de la préface de Lesage et l’authenticité des mémoires de Beauchêne, se mettent à la recherche de traces qui prouveraient l’existence du flibustier.
En 1929, coup de théâtre! Un professeur américain du nom d’Harry Kurtz publie l’acte de décès de Robert Chevalier de Beauchêne, mort en 1731 à Tours, en France, à la suite d’un combat en pleine rue. Peu de temps après, on trouve son acte de naissance, qui stipule que Beauchêne a été baptisé à Pointe-aux-Trembles, le 23 avril 1686. C’est désormais démontré: Robert de Beauchêne n’est pas qu’un héros romanesque, il a bel et bien existé!
Depuis, plusieurs historiens et chercheurs se sont penchés sur le cas de Chevalier de Beauchêne. Une édition critique du chercheur Emmanuel Bouchard offre une bonne synthèse des connaissances acquises.
Si les mémoires de Beauchêne contiennent certaines inexactitudes et que certains passages ont visiblement été retouchés par le romancier Lesage, plusieurs faits rapportés dans le récit ont été attestés par la suite et témoignent du fait que Robert Chevalier, dit de Beauchêne, a connu une existence tout sauf ordinaire...
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