Un mystère vieux de 50 ans: le vol du cœur du frère André

Martin Lavallée
Vous viendrait-il à l’idée de dérober le cœur d’un défunt, fût-il dans un bocal? C’est pourtant ce morbide événement qui est arrivé il y a 50 ans, lorsque le cœur du frère André a été volé à l’oratoire Saint-Joseph. Revoyons les détails de cette étrange histoire qui recèle encore des mystères...
Alfred Bessette (1845-1937), dit le frère André, est un des personnages les plus populaires du XXe siècle au Québec. Canonisé en 2010, il a été l’objet de son vivant d’une fervente admiration de la part des fidèles, qui se déplaçaient par milliers pour venir le rencontrer. Car celui qui fut d’abord portier au collège Notre-Dame aurait aussi été à l’origine de nombreuses guérisons miraculeuses durant sa vie, en utilisant de l’huile de Saint-Joseph ou en adressant des prières à ce saint patron de l’Église catholique, qu’il vénérait. C’est d’ailleurs le frère André qui est à l’origine de la fondation de l’oratoire Saint-Joseph, en 1904.

Après sa mort, en 1937, la congrégation de Sainte-Croix à laquelle il appartenait désire garder sa présence vivante pour les catholiques en renouant avec une vieille pratique française datant du Moyen Âge, qui consistait à conserver le cœur des saints et des rois à titre de témoin matériel de ces gens illustres, considérés comme divins.
Le cœur du frère André sera ainsi conservé dans un bocal installé sur un piédestal en marbre au dernier étage de l’oratoire. C’est à cet endroit, après son décès, que les fidèles peuvent venir prier et adorer la relique... jusqu’à sa mystérieuse disparition dans la nuit du 15 au 16 mars 1973.
Un vol sans effraction!
Ce sont les pères de Sainte-Croix, qui administrent l’oratoire, qui découvrent le 16 mars que le cœur du frère André a disparu. La police est aussitôt alertée et ouvrira une enquête. Fait étrange: la relique a été dérobée sans qu’aucun signe d’effraction n’ait été relevé, ce qui laisse supposer que les voleurs possédaient les 5 clés permettant d’accéder à la relique, ou qu’ils ont eu l’aide d’un complice à l’intérieur.
Le lendemain, le vol est rendu public par les médias, créant une commotion au Québec. La une du Journal de Montréal du 17 mars est notamment explicite: «On a volé le cœur du frère André!»
Deux jours après le vol, les ravisseurs contactent Le Journal et réclament une rançon de 50 000$ en échange de la relique, ce que les autorités de l’oratoire refusent catégoriquement, arguant qu’un cœur n’a aucune valeur financière pour l’Église catholique. Pendant des mois, l’affaire stagne et aucun développement ne permet de résoudre l’énigme.

La relique retrouvée
Un matin de décembre 1974, 21 mois après sa disparition, le chroniqueur Claude Poirier reçoit un appel d’une personne anonyme qui affirme connaître l’endroit où se trouve la relique. Guidé par les indications de cet informateur et accompagné de l’avocat Frank Shoofey, Poirier se rend le 21 décembre 1974 dans le sous-sol d’un appartement du sud de Montréal, où le cœur du frère André est finalement retrouvé intact.
Les voleurs, qui ont échoué à obtenir la rançon, n’ont jamais été débusqués et le mystère quant à leur identité reste complet. Quant au cœur du frère André, il a retrouvé sa place à l’oratoire, pour la plus grande joie des fidèles et admirateurs.