En 1663, le Québec n'a pas été à l'abri d'un grand tremblement de terre

Martin Lavallée
Au Québec, on se croit généralement à l’abri de ces importants tremblements de terre qui secouent parfois la planète dans d’autres hémisphères, comme le tragique séisme survenu la semaine dernière au Maroc. C’est toutefois oublier que la terre a déjà fortement tremblé ici aussi, notamment lors du fameux tremblement de terre de 1663. Retour sur cet événement géologique majeur qui, selon les sismologues, fut l’un des plus importants à survenir dans tout l’est de l’Amérique du Nord.
Le 5 février 1663, vers 17 h 30, un énorme bruissement a retenti tout le long de la vallée du Saint-Laurent, faisant tressaillir les populations autochtones et les quelque 2500 habitants français de la Nouvelle-France. Dans Les annales de l’Hôtel-Dieu de Québec, la mère Juchereau de Saint-Ignace parle d’un «bruit semblable à celui de deux armées qui se disposent au combat ou aux flots de la mer dans les violentes tempêtes». Ce grand bruissement a été accompagné d’une importante secousse sismique qui a fait trembler la vallée laurentienne.

Dans un récit rapporté par le père jésuite Jérôme Lalemant, les cloches des églises se sont mises à sonner d’elles-mêmes, les maisons tremblaient, obligeant les gens effrayés à sortir dans les rues et à s’agenouiller pour prier. Il ajoute que «la terre bondissait, faisant danser les pieux des palissades d’une façon qui ne paraissait pas croyable [...]. L’on voit de nouveaux lacs là où il y en eût jamais, on ne voit plus certaines montagnes qui sont engouffrées». Plusieurs témoignages semblables concordent entre eux, notamment ceux de Marguerite Bourgeoys ou de Marie de l'Incarnation, ou encore du gouverneur de Trois-Rivières et fondateur de Boucherville, Pierre Boucher, lequel parlera de choses extraordinaires qu’il n’avait jamais vues de sa vie.
Mais que s’est-il donc passé chez nous en l’an de grâce 1663?
«Un événement naturel exceptionnel»
Pendant les sept mois suivant cette première secousse du 5 février, plusieurs autres d’envergure se font sentir dans toute la Nouvelle-France, bouleversant le quotidien des habitants. La faible densité de la population a toutefois fait en sorte qu’aucun décès n’a été rapporté.
La chercheuse Lynn Berry souligne dans un article que le tremblement de terre de 1663 est considéré par les spécialistes comme «un événement naturel exceptionnel». D’une magnitude estimée par le géologue Jacques Locat entre 7,2 et 7,8 sur l’échelle de Richter, l’épicentre aurait été le fjord du Saguenay, près de la zone sismique de Charlevoix, mais il aurait été ressenti de Percé jusque dans l’actuel État de New York. D’importants glissements de terrain ont eu lieu, des rivières ont été déviées et des forêts entières ont été déracinées ou enfouies sous la boue, ce qui tend à donner raison aux témoignages des contemporains de l’époque.

La colère de Dieu
Le père Lalemant et la plupart des missionnaires et religieux de l’époque ont interprété ce tremblement de terre comme un message de Dieu: «Quand Dieu parle, il se fait bien entendre.» Il faut dire qu’il survient dans un contexte où l’Église cherche à renforcer la piété et la dévotion des habitants de la colonie.
Le 5 février était la veille du Mardi gras, qui était alors une période de fêtes et de consommation d’alcool parmi les habitants, autant d’activités perçues comme de la débauche pour les religieux de l’époque. La traite de l’eau-de-vie et particulièrement la consommation des Autochtones préoccupaient également les représentants de l'Église, qui ont profité de ce tremblement de terre pour resserrer les mœurs dans la colonie.
C’est ainsi que dans ses écrits, le père Lalemant se réjouit que le Mardi gras suivant, le tremblement de terre ait été souligné «dans la modestie et l’humilité, et dans les larmes d’une parfaite pénitence».