Un film retrace l’héritage politique des patriotes de 1837-38 exilés en Australie


Mathieu-Robert Sauvé
Les patriotes chassés du Bas-Canada, au terme d’une atroce traversée à bord du HMS Buffalo, s’adapteront à leur terre d’exil et auront une influence positive sur l’histoire de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Un long métrage documentaire retrace cette aventure.
«Les patriotes du Québec ont emmené avec eux leur soif de liberté et ont permis à nos ancêtres de se libérer de l’emprise de l’Empire britannique... et sans verser de sang», lance en entrevue au Journal Deke Richards, le réalisateur de La baie des exilés, un documentaire sur lequel il travaille depuis plus de six ans.

Dédié à la mémoire de l’ancien premier ministre du Québec Bernard Landry, qui a accordé au cinéaste australien l’une de ses dernières entrevues filmées en 2017, le film reprend les propos d’une vingtaine de personnes qui offrent une vision très positive des compagnons d’infortune de Chevalier de Lorimier et des 11 autres patriotes pendus à la suite des rébellions de 1837 et 1838.
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«C’est une histoire méconnue tant chez nous qu’au Québec et même aux États-Unis où de nombreux rebelles ont été envoyés après avoir été capturés», poursuit ce cinéaste qui a un père québécois et une mère australienne.

58 exilés
Rappelons qu’à la suite du soulèvement populaire mené par Louis-Joseph Papineau 30 ans avant la création de la Confédération canadienne, 99 patriotes sont condamnés à mort. Si le célèbre tribun réussit à échapper au procès en se cachant aux États-Unis, 12 sont pendus et 58 voient leur sentence commuée en déportation.
Après avoir pris à son bord 78 prisonniers américains qui ont subi des peines similaires, le bateau affrété pour le voyage, véritable «prison flottante», met le cap sur le continent le plus éloigné de l’Empire britannique.
Pendant les six mois que durera le voyage, les passagers subissent des conditions hygiéniques misérables, mais ils ne sont pas au bout de leur peine, car une fois arrivés à destination, ils seront très mal accueillis. «Ces exilés étaient perçus comme des pirates», commente un historien dans le film. Ils sont maltraités et traités comme des esclaves. Leur saga leur fera envier le sort des pendus du Pied-du-Courant.
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Inspiration
Le temps aidant, les patriotes se distingueront par leur caractère avenant et sociable. La reine d’Angleterre les gracie en 1846 et la plupart reviennent s’installer sur les rives du Saint-Laurent. Un d’entre eux, Joseph Marceau, reste sur place et fonde une famille de 11 enfants avec son épouse australienne, Mary. Plusieurs ouvrages ont été consacrés au legs spirituel de ce Canadien et de ses compatriotes.
Entretemps, la colonie du Nouveau Monde obtient un «gouvernement responsable» qui inspirera les Australiens et Néo-Zélandais. Cette forme de parlementarisme sera accordée sans coup férir par l’autorité britannique.
Aujourd’hui, une plaque commémorative montre l’endroit où le HMS Buffalo, tant honni, a sombré peu après sa funeste traversée.


À la demande de François-Xavier Prieur, des croix ont été façonnées à partir du bois de cette épave. Deux d’entre elles ont été offertes en juin dernier à la ville de Saint-Polycarpe, d’où il est originaire.
Le film La baie des exilés n’a pas encore de diffuseur et le réalisateur cherche du financement pour la postproduction. Il espère boucler la boucle dans les prochains mois.
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Une croix en souvenir
«Un homme blessé conserve en souvenir la balle ou le fragment d’obus extrait de sa chair lacérée. Eh bien, moi aussi, j’aimerais posséder une petite croix faite du bois avec lequel ce navire a été construit, et à l’intérieur duquel mon cœur et mon corps ont été lacérés par un traitement indigne.»
François-Xavier Prieur

