Invention de l’ampoule électrique: deux scientifiques canadiens oubliés par l’histoire ont déposé une demande de brevet de l’ampoule électrique deux années avant Thomas Edison
Martin Landry
Les inventions qui rendent la vie plus simple comme la cuillère, le crayon ou même l’électricité ne sont pas tombés du ciel. Ces innovations ont été conçues par des êtres très créatifs et curieux.
À travers l’histoire, beaucoup de chercheurs dans le monde ont essayé d’emprisonner une étincelle électrique dans un globe de verre pour produire un éclairage propre, sécuritaire, pratique et surtout pas trop dispendieux. Il semble bien que la solution à ce défi se trouvait dans la tête de deux petits gars de chez nous.
L’ÉPOPÉE DE L’INVENTION DE L’AMPOULE
Il n’y a pas si longtemps, la grande majorité des gens, en tout cas, les moins fortunés s’éclairaient avec des chandelles en suif. Ce suif, c’était un résidu graisseux d’animaux domestiqués comme le mouton ou le bœuf. L’éclairage fait avec cette graisse animale dégageait une épouvantable fumée noire qui empestait nos maisons.

À travers l’histoire, on a toujours eu besoin de cette lumière après le coucher du soleil, mais la Révolution industrielle et l’urbanisation massive qu’elle a engendrée a accentué ce besoin d’éclairage. Qui dit besoin, dit gens qui cherchent des solutions. Des scientifiques se pencheront alors sur la création de sources de lumière plus pratiques et surtout moins dangereuses que les combustibles fossiles.
Le premier qui a retenu mon attention est un certain Britannique, Humphry Davy. En 1808, il réussit à mettre au point un premier éclairage électrique. Il relie alors une grosse batterie électrique constituée de 800 piles voltaïques à deux petits bâtonnets de charbon de bois, créant ainsi de la lumière. Cette lampe à arc électrique fonctionne bien, mais elle n’est pas assez pratique pour se retrouver chez monsieur et madame tout le monde. Elle va cependant tracer la voie à des centaines de chercheurs. Par exemple, 27 ans plus tard, l’Écossais James Bowman Lindsay invente une ampoule électrique à incandescence qui attire l’attention des journaux. Mais, son ampoule était peut-être quelques années en avance sur les besoins de l’époque, et l’invention de Bowman tombe dans l’oubli.

En 1860, le chimiste britannique Joseph Swan fait faire un pas de géant à l’ampoule telle que nous la connaissons aujourd’hui: il réussit à prolonger de façon importante l’incandescence du petit filament inséré à l’intérieur du globe de verre en y retirant l’oxygène. Le problème avec l’ampoule de Swan, c’est que la lumière vacille énormément, que le verre suinte et, surtout, que l’éclairage se consume en un rien de temps. Mais, on sent bien qu’on est sur le point de créer une ampoule pratique et efficace pour s’éclairer.
L’enjeu pour les chercheurs de l’époque, c’est de trouver le bon filament qui peut résister sur une longue période à la chaleur d’une charge électrique. Ils vont essayer toutes sortes de matériaux avant de réussir. Le filament de platine est efficace, mais il coûte les yeux de la tête. Le filament fait avec du papier carbonisé est efficace, il ne coûte presque rien, mais il est beaucoup trop fragile.
DEUX GARS D’ICI TROUVENT LA SOLUTION
On dit toujours que l’ampoule électrique c’est l’invention de l’américain Thomas Edison. Méfions-nous un peu de ce Thomas Edison qui semble avoir tout inventé dans son mystérieux laboratoire de Menlo Park au New Jersey. Ce sont plutôt deux gars d’ici qui réussissent l’exploit et qui vendent ensuite leur brevet à Edison.

Le Torontois Henry Woodward est l’un d’eux. Pendant ses études en médecine, le jeune Woodward s’intéresse à la recherche sur l’éclairage électrique. Avec un ami, Matthew Evans, ils cherchent à temps perdu un moyen d’encapsuler de façon simple, peu coûteuse et surtout de façon durable la lumière dans un globe de verre. Puis, un soir d’hiver 1873, eurêka! Ils font naître une petite étincelle lumineuse en alimentant une petite bobine d’induction avec une batterie électrique. La lumière qu’il crée est suffisamment forte pour que Matthew Evans puisse lire l’heure sur sa montre malgré la noirceur du crépuscule.


«If one could only confine that in a globe of some sort, what an invention we would have.»
Henry Woodward
Ils se mettent à rêver d’enfermer cette lumière dans une boule de verre. Ils lisent tout sur ce que les autres avant eux ont inventé. Ils se disent qu’une ampoule durable et peu dispendieuse pourrait changer la façon dont les humains vivent.
Après de multiples tentatives, ils vont finalement réussir en encapsulant un large filament de carbone relié à deux fils dans une ampoule en verre rempli d’azote. La luminosité qu’ils créent est impressionnante et plutôt stable. Leur prototype s’avère meilleur que toutes les autres formes d’ampoule électrique développée avant eux.
Le 24 juillet 1874, ils déposent leur invention au bureau canadien des brevets. La lumière électrique de Woodward et Evans est homologuée deux semaines plus tard sous le numéro 3738. Deux ans plus tard, ils recevront un brevet américain pour leur invention. Alors, non, Edison n’a pas inventé l’ampoule électrique. Cette invention est le fruit des efforts de bien des chercheurs, dont nos deux Canadiens, qui ont réussi l’exploit d’en créer une, durable, peu dispendieuse et facile à utiliser.
Évidemment, les recherches pour rendre l’ampoule à incandescence viable sur le plan commercial se sont poursuivies. Parallèlement aux recherches de nos deux Canadiens, Thomas Edison et son équipe de spécialistes travaillent dans leur laboratoire américain pour améliorer ladite ampoule.
LE FINANCEMENT FAIT DÉFAUT
Malheureusement pour nos deux créatifs scientifiques canadiens, le manque de ressources financières pour produire et mettre en marché leur ampoule électrique empêche toute forme de développement. Ils accepteront donc de vendre à Edison leur brevet américain pour 5000$. Ce dernier a le sens du spectacle. Il va améliorer le concept, puis présenter l’ampoule au public comme un miracle le 31 décembre 1879. Avec l’électrification qui gagne les grandes villes du monde en cette fin de 19e siècle, cette innovation canadienne contribue directement à propulse la population dans une façon de vivre moderne.
On retient souvent cette phrase célèbre de Thomas Edison: «Le génie c’est 1% d’inspiration et 99 % de transpiration.» Moi, j’ai envie de modifier la citation ainsi: «Le génie est fait de 1% d’inspiration, 49% de transpiration, et assurément d’un gros 50% de financement.»
Les travaux d’Henry Woodward et Matthew Evans ont indéniablement contribué au développement de l’éclairage électrique par ampoule que nous connaissons aujourd’hui, mais leurs noms ont pratiquement disparu de nos livres d’histoire.
