Faut pas sous-estimer Rita !
Josée Boileau
Claude Champagne a longtemps écrit des romans jeunesse, mais c’est une tout autre génération qu’il met en scène avec son vivifiant Rita enquête.
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Rita a 82 ans. Elle est veuve, autonome, farouchement indépendante et grande curieuse.
Justement, de bien drôles d’activités ont cours en soirée dans le stationnement du McDonald’s voisin de l’immeuble où elle demeure. Elles ont l’air d’autant plus louches que son édifice est aussi la cible de vandalisme : des feux sans conséquence, mais qui obligent quand même tout le monde à évacuer, sont allumés dans l’entrée...
Rita veut en avoir le cœur net et s’allie à ses amis de la résidence pour espionner. Elle a d’ailleurs la tête aux délits depuis qu’elle a été convoquée au palais de justice pour être jurée. Récusée vu son grand âge, sans même qu’elle ait un mot à dire, elle y croisera un trio d’habitués qui l’invitera à suivre des procès avec eux.
Serait-on plongés dans un roman policier ? Champagne profite plutôt de cette cassure dans la routine pour narrer le quotidien bien ordinaire d’une femme qui l’est tout autant, mais qui a quand même connu son lot de moments troubles ou difficiles.
Sur le coup, on fait front, on évacue, comme devant les petits incendies de l’immeuble. Mais à bien y penser... Or les cas très durs entendus au tribunal la font beaucoup réfléchir. Le titre Rita enquête a plus d’un sens.
On est plongés dans un drame alors ? Non, parce que Champagne a le don de la plume tendre et souriante. Sa Rita est une femme solide, ancrée dans les temps présents, qui ne fait ni dans l’apitoiement ni dans la nostalgie, si finement exploitée dans La dernière fois qu’on l’a vu, c’est au Perrette, son précédent roman pour adultes.
Parsemé de joyeux clins d’œil
Rita est même carrée avec son entourage tout comme avec ses fils et ses petits-enfants. Pas de Mamie gâteau ici ! Champagne va au contraire joliment inverser la proposition en utilisant... la COVID !
Puisque, pendant la première phase de la pandémie, les consignes gouvernementales imposent aux personnes âgées de s’isoler, les deux gars de Rita vont se rapprocher d’elle, l’appeler comme jamais... et la combler de plats préparés. Même pas moyen d’en donner aux amies, elles aussi croulent sous les dons de leur progéniture !
Ce joyeux clin d’œil fait du bien. Or le livre en est parsemé. Quand Rita chute et qu’elle est incapable de se relever, elle finit par ramper comme un soldat sur un champ de bataille. À chacun sa survie !
Victoire, elle atteint le téléphone... pour constater qu’elle ne connaît pas les numéros de sa progéniture. Tu parles d’un exploit ! Et pas question d’appeler le 911 « pour une histoire de bonne femme tombée à terre » – sans oublier la peur constante d’être « placée ».
C’est un voisin qui lui viendra finalement en aide. Ah, l’ego prend tout un coup quand on vieillit ! Faut faire avec. Claude Champagne, avec sa Rita, nous démontre très bien comment.