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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

L’histoire telle que vécue

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Josée Boileau

2022-02-20T05:00:00Z
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François Racine revisite brillamment l’histoire du Québec en associant des personnages ordinaires à des événements marquants. 

Chaque recueil qui compose la trilogie des Récits du presque pays de François Racine est bâti autour d’une thématique. Il y a d’abord eu Sainte-Souleur en 2018, qui s’inspirait de la peur et du malheur, puis Saint-Calvaire, sur le thème des blessures infligées ou subies. 

S’ajoute maintenant Saint-Tourment, qui exploite le thème des démons intérieurs. À nouveau, la rencontre entre le réel et l’imagination permet une intéressante relecture de moments ou de mythes que l’on croyait familiers.

L’auteur ajoute même à sa série cette COVID-19 dont nous ne sommes pas encore sortis. Il est l’un des premiers à y plonger par la fiction alors que notre fatigue collective inciterait plutôt à s’éloigner du sujet !

Lui nous ramène dans un CHLSD, lors de la première vague. Il nous met dans la peau d’une préposée aux bénéficiaires d’expérience, dévouée mais dépassée par les événements et qui tombera malade à son tour. Elle est d’origine haïtienne et il faut voir avec quelle habileté Racine rapproche la fièvre du vaudou.

Le wendigo et autres tourments

Dans la même veine, il exploite de manière toute contemporaine le mythe autochtone du Wendigo, où l’être possédé dévore des humains. Une universitaire a entrepris d’étudier le phénomène et disons qu’elle s’y met un peu trop à fond !

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Racine explore aussi des tourments plus terre à terre. Ainsi du texte consacré au FLQ, où un militant des plus sincères se retrouve agent double pour la GRC, convaincu que c’est lui qui tire les ficelles. Jusqu’à ce qu’il se retrouve bien emmêlé.

Le lien entre l’événement historique et le personnage central du récit est parfois plus subtil. Lorsque le Saguenay est frappé d’un déluge historique en 1996, c’est plutôt de cataclysme amoureux dont il sera question pour Jean-Louis.

Celui-ci croupit, misérable, dans son VR parce qu’une Manon lui a fait perdre la tête, et sa famille, et son travail, et le contrôle qu’il avait de lui-même. Il voudra donc absolument la voir cette petite maison blanche qui s’accroche alors que tout s’écroule autour d’elle... La métaphore est bellement exploitée.

En fait, Racine sait ajuster son approche à son propos. C’est par une série d’entrevues menées par un journaliste qu’on tentera de cerner Rosie la Mante, vedette du Red Light montréalais en 1958. Au contraire, le militant felquiste raconte lui-même les tourments qui l’assaillent.

Le recueil revisite également les tremblements de terre survenus à Québec en 1663 et le débarquement de Normandie. Sept nouvelles en tout, comme dans les livres précédents.

François Racine avait auparavant publié trois romans où il s’amusait grandement avec la langue. Avec sa trilogie, il ajoute de la profondeur à son talent de conteur. En conclusion des recueils, il dresse même la liste d’autres ouvrages pour pousser plus loin la découverte – réflexe du professeur de littérature qu’il est aussi.

Mais déjà son travail est en soi un solide repère pour notre mémoire collective.

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