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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Mourir, la drôle d’affaire!

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Josée Boileau

2022-01-29T05:00:00Z
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Quelle revanche de s’amuser avec la mort ! Quelle jubilation d’en exposer l’étrange et le loufoque ! 

Voici un roman parfait pour ces temps qui exaspèrent notre envie d’être surpris, notre besoin de légèreté. Avec On meurt tous d’avoir vécu, Karine Vilder a trouvé la recette parfaite pour chasser la morosité.

Vous connaissez déjà Karine Vilder puisque, depuis dix ans, elle tient la chronique des romans étrangers au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Ce qu’on ne lui connaissait pas, c’est son talent pour les histoires abracadabrantes — pour les histoires tout court en fait puisqu’il s’agit de son premier roman. 

Elle prête la parole à Louky Crapo, obscur journaliste qui travaille dans une agence de presse basée à New York et qui dessert une pléthore de médias américains.

Crapo a une spécialité : il rédige les notices biographiques d’individus qui, chaque jour, meurent dans des circonstances inattendues, donc attisent l’intérêt public.

En 2009, après 19 ans en poste, il arrive enfin au sommet de son domaine : la rédaction de « viandes froides », ces textes que les médias rédigent à l’avance en cas de mort d’une célébrité. Quand la fin survient, il ne reste qu’à ajouter le lieu, la date et la cause du décès. Du vite fait, bien fait.

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Un esthète de la mort

Particularité du boulot — et Vilder, qui a déjà été rédactrice en chef, est bien placée pour le savoir -, personne n’aime s’en charger. Pour un reporter, il y a plus excitant à couvrir que des morts en sursis.

Mais il faut voir la panique dans les rédactions quand une célébrité meurt et que rien n’est prêt. Pensez Whitney Houston ou John Ritter, rappelle Crapo. Autant dire que son travail est indispensable.

En plus, il l’adore, en dépit de ses exigences : « Sans avoir à m’étendre sur la question, vous admettrez d’emblée avec moi que bâtir sa carrière sur un monticule de cadavres n’a rien de folichon. » Et pourtant...

Mieux encore, Crapo est devenu un esthète de la mort.

Il peut, et il le fera ! Citer les pires tueries de l’histoire, dresser la liste des vedettes mortes dans des accidents de voiture, ironiser sur les morts les plus ridicules, sortir des limbes des tueurs en série oubliés... Et il le fait avec un sens si poussé de la dérision qu’il devient terrible de ne pas... s’esclaffer !

Tout aussi paradoxal, cet homme solitaire a un quotidien à la fois banal et piquant. Et il finira par se découvrir un bien létal talent, qu’il va exploiter de manière originale : osons même parler de jamais-vu. Notre collègue a décidément toute une imagination !

Elle sait surtout y mettre la manière. Les jeux de mots, les figures de style, le décrochage du récit pour mieux y revenir, les astérisques qui mènent à de suaves notes de bas de page, les références : c’est un feu d’artifice de drôlerie et de connaissances ! Un spectacle divertissant et vivifiant.

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