Plusieurs Autochtones déçus du discours du Saint-Père
Les excuses prononcées par le pape n’ont pas comblé les attentes de certains
Catherine Bouchard et Jean-Luc Lavallée
Des Autochtones des 11 nations du Québec et même des provinces voisines ont foulé les plaines d’Abraham, mercredi, afin d’entendre le discours du Saint-Père sur grand écran et le voir en personne à bord de la papemobile. Les réactions ont été mitigées. En quête d’excuses, pour la façon dont l’Église a tenté d’assimiler les enfants autochtones, certains se sont réjouis d’être aux premières loges pour ce périple historique à Québec, mais plusieurs sont aussi restés sur leur faim.
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On espère plus que des excuses

Konrad Sioui espère que le Saint-Père ira plus loin que des excuses, jeudi, à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré.
« Demain, on en veut plus », indique-t-il.
M. Sioui souhaite un discours qui mettra la table pour une collaboration sans obstacle entre l’Église catholique et les peuples autochtones.
Outre le volet principal qui concerne les violences commises dans les pensionnats, M. Sioui espère entendre le pape sur l’accès au Vatican, aux différentes bibliothèques et aux archives, « pour que l’on puisse trouver des réponses ».
Il souhaite qu’il lance un message aux différents diocèses, incluant celui de Québec, afin qu’ils permettent aux Premières Nations d’avoir accès au territoire, au développement territorial et économique.
Il espère également que le souverain pontife aura une pensée spéciale pour leurs ancêtres, les aînés, les femmes et les enfants.
Le pape « tourne autour du pot »

Remplis d’espoir à leur arrivée sur les plaines d’Abraham, au terme d’un éreintant périple de 275 km, certains marcheurs autochtones n’ont pas caché leur déception à la fin de la journée. Ils étaient partis de Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean il y a six jours.
« Ça a été express. Je ne sais pas s’il nous a vus. J’ai l’impression que la tournée de la papemobile, c’est pour faire plaisir aux fidèles et pas nécessairement pour aller à la rencontre des Autochtones », a réagi Jay Launière-Mathias, directeur général de l’organisme Puamun Meshkenu.
« On ne nous avait pas fait de promesses au sujet d’un arrêt du pape, mais on m’avait dit que si j’avais un bébé dans les bras, ça se peut qu’il arrête... Une gang d’Autochtones qui ont marché 275 km pour venir ici et soutenir les survivants, il faut croire que ce n’est pas assez. La prochaine fois, on fera des enfants ! » a-t-il ironisé, visiblement déçu.
Le discours prononcé à la Citadelle de Québec a également fait chou blanc auprès du Dr Stanley Vollant.
« Très déçu parce qu’il a tourné autour du pot. J’ai trouvé le discours d’Edmonton beaucoup plus émotif, transparent. Le discours d’aujourd’hui m’a laissé complètement froid. »
Une responsabilité à moitié assumée

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, a lui aussi eu une réaction plutôt mitigée, mercredi, en fin de journée.
Croisé sur les plaines d’Abraham, M. Picard s’est réjoui que des excuses aient à nouveau été prononcées par le pape François, mais il aurait aimé que le Saint-Père aille plus loin.
« Là où je reste sur mon appétit, c’est qu’on réussit toujours à tracer une ligne entre certains chrétiens, certains individus et la responsabilité de l’Église comme institution. C’est extrêmement important à nos yeux qu’on puisse reconnaître pleinement le blâme », a-t-il réagi. D’autres Autochtones croisés sur les lieux partageaient son point de vue.
Entre joie et tristesse pour plusieurs Autochtones

Simone Dubé, originaire de Manawan dans Lanaudière, a vécu trois ans dans un pensionnat autochtone. Elle est arrivée à Québec mardi soir, en compagnie de sa mère.
« Je n’ai pas vécu d’abus, mais j’ai [vécu] des choses difficiles », laisse-t-elle tomber.
Les excuses sont donc très importantes pour elle, et elle se réjouit de pouvoir rencontrer le pape en personne.
Mme Dubé était bien installée près de la scène et sur le bord de la clôture, afin de bien voir le Saint-Père.
La visite du pape était très importante pour Fabien Awashish, un Attikamek originaire d’Obedjiwan, en Mauricie.
« Je veux accueillir le pape. Je suis croyant, je crois beaucoup en l’Église catholique », partage-t-il.
Les circonstances de la visite papale étaient également un volet important pour M. Awashish.
« Les excuses, c’est vraiment important pour moi. Ça fait du bien. C’est une première étape, mais il y a du cheminement à faire encore », fait-il valoir, ajoutant que ce « chemin est long ».
Silence sur les abus sexuels
La militante autochtone Michèle Audette, devenue sénatrice en 2021, juge que la seule présence du pape en sol canadien est très « significative » parce que la planète au complet, maintenant, sait ce que l’Église a fait subir aux jeunes Autochtones dans les pensionnats pendant des décennies.
Ses attentes demeurent toutefois très élevées. Loin d’avoir été comblée par le discours prononcé mercredi, elle espère que le pape osera évoquer les « violences sexuelles » subies par les Autochtones et qu’il prononcera ces mots avant la fin de son séjour au Canada, peut-être même jeudi à la messe à Sainte-Anne-de-Beaupré, à laquelle elle assistera.
« Le discours était beau ; sur l’environnement, les sociétés, la paix, la guerre, les changements climatiques. [Mais] c’est difficile de se retrouver dans ces paroles. »
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