Critique du documentaire «Koutkekout» : L’art comme forme de résistance

Isabelle Hontebeyrie
Le documentariste Joseph Hillel, originaire d’Haïti et montréalais, nous offre un regard percutant sur une troupe d’artistes de Port-au-Prince.
Dans un pays ravagé par les catastrophes naturelles et la violence, à quoi peut servir l’Art? C’est la question que pose le réalisateur Joseph Hillel, qui se spécialise dans les films sur l’Art.
Il débute en 2023, par la réunion d’une troupe qui prépare la prochaine édition du festival Quatre Chemins sous la direction de Guy Régis, Jr., derrière d’épaisses grilles de métal d’une résidence. Car Port-au-Prince est livré à la violence, les gangs font la loi (on en entend les tirs) et il peut sembler, dans un tel contexte volatile, dérisoire de se concentrer sur de la poésie, de la musique ou du théâtre.

Et pourtant. Le regard porté sur le processus créatif, son urgence, sa nécessité même devant le chaos est d’une justesse qu’on n’oublie pas. Le propos, relayé par des artistes tels que Néhémie Bastien, Erthon Edmond, Nathania Péricles, Schneiderson René, Staloff Tropfort, Youyou ainsi que l’écrivain Frankétienne, décédé en février dernier, ne perd jamais de sa force, qu’il soit historique, politique ou artistique.
Des scènes tournées dans la région de Montréal (très précisément à Laval) nous rappellent aussi le choix difficile de l’exil. Au travers de cette plongée dans le passé et le présent d’Haïti, on s’interroge également sur son avenir et à travers les mots prononcés, sur notre avenir à tous.
Koutkekout est une œuvre forte, qui pousse à la réflexion, et qui fait prendre conscience de la nécessité absolue de la création en des temps troublés... un constat qu’on peut effectuer, même hors d’Haïti.
Note: 3,5 sur 5
Koutkekout est présenté en salle dès le 2 mai.