«Une femme forte et ambitieuse»: Coco Chanel, la dame de fer de la mode


Louise Bourbonnais
Coco Chanel, grande créatrice de mode, demeure indémodable. Néanmoins, un grand mystère plane toujours autour de Gabrielle Chasnel, ce qui explique, en partie, la quantité importante de biographies parues à son sujet au fil des ans. Dans cette réédition revue, on tente de départager le vrai du faux tout en levant le voile sur plusieurs aspects de sa vie.
«Coco Chanel est une femme forte et ambitieuse», écrit l’auteure Isabelle Fiemeyer, qui a été intime avec Tiny, la petite-nièce et héritière de Coco Chanel. Elle a su bâtir un empire à partir de rien, dans un univers jusqu’alors réservé aux hommes.
Heureusement qu’elle était forte, car son départ dans la vie a été difficile. D’ailleurs, certains aspects de l’enfance de Coco demeurent nébuleux.
Gabrielle Chasnel, de son nom véritable, est née en 1883 en France dans la région de La Loire, d’une union hors mariage. Sa mère décède alors qu’elle n’a que 12 ans.

À l’orphelinat
Mal aimée par son père, qui a fait de la prison pour escroquerie, elle sera placée avec ses deux sœurs dans un orphelinat, où elle passera plusieurs années de son enfance. Ses frères, eux, sont placés chez des paysans, comme hommes à tout faire.
Ses deux sœurs se sont suicidées à quelques années d’intervalle. Ainsi, on raconte que Coco était la plus forte de ceux qui restaient dans la famille, puisqu’au pensionnat, elle se faisait humilier, étant considérée comme une pauvre orpheline. «J’ai survécu au pire», confie Coco, qui a aussi été placée chez une tante pour y travailler comme bonne avant d’aller à l’orphelinat.
Sa vie est austère, rigide et solitaire. Elle dira que son enfance a été des plus malheureuses, mais elle apprend néanmoins à coudre à l’orphelinat grâce à une religieuse. Ce serait son imagination débordante qui l’aurait apparemment aidée à survivre à des années d’enfer.
Outre son imagination et sa créativité, Coco est ambitieuse et souhaite côtoyer la haute société. Elle y parviendra.

La femme de fer
Le caractère de Coco est si fort qu’on la surnomme la femme de fer. Elle a ses idées et ne fait aucun compromis, malgré l’avis des autres.
Elle est aussi une solitaire dans l’âme, mais une solitaire ambitieuse. Ses proches collaborateurs s’entendent pour dire qu’elle était colérique et entêtée. D’autres diront qu’elle n’avait pas le choix d’agir ainsi, car à cette époque, une femme, pour se faire respecter, devait faire preuve d’autorité et non de souplesse.
Outre l’élégance qui est sa carte de visite, Chanel croit à la perfection. Toute sa vie, elle travaillera sans compter ses heures, logeant au-dessus de son atelier.

Elle travaille de manière acharnée et demande à son équipe, qui compte plus de 4000 employés, d'en faire tout autant. La dame de fer demeure une femme sans compromis.
Tenace, obstinée, elle ne se confie pratiquement jamais, gardant une attitude réservée. Il en va ainsi en affaires. Même lorsqu’elle est au désespoir, ses proches racontent que jamais elle n’affiche sa souffrance ou ses états d’âme. Par orgueil ou par principe, on ne sait pas. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’elle est discrète et qu’elle entretient un certain mystère sur son vécu.
Son succès aura survécu à sa mort, car non seulement ses créations haute couture demeurent, mais également son parfum, le mythique N°5, qui a traversé les années, se trouvant, aujourd’hui encore, en tête des ventes dans le monde. De Gabrielle Chasnel à Mademoiselle Coco, elle a été au-dessus de la mêlée.

Coco Chanel, réputée pour s’être libérée avant l’heure, a contribué à l'émancipation de la femme en raccourcissant les robes, qui, auparavant, traînaient par terre, de même qu’en faisant porter des pantalons aux femmes, en plus de tailleurs, jusqu’alors réservés aux hommes.
De nombreux amants
Certains diront que Coco a connu le succès grâce aux hommes. C’est le paradoxe, mais ce serait la vérité. Ce sont ses nombreux amants qui l’auraient fait évoluer dans les hautes sphères de la société et cheminer vers la réussite.
Elle a eu une liaison notamment avec le grand-duc Dimitri Pavlovitch de Russie et a été la maîtresse du poète Pierre Reverdy.
Parfois entretenue, parfois financée par les hommes, même si elle n’en a épousé aucun, ceux-ci ont été importants dans son ascension vers le sommet, elle qui avait pour concurrents des hommes comme Christian Dior.
Un de ses premiers amants a été Étienne Balsan, un riche officier qui avait pour passion l’élevage de chevaux en plus de s’adonner à des courses équestres. Il lui aurait appris à se distinguer dans la haute société.

Un autre de ses amants, Paul Iribe, lui offre son soutien en tant que créateur, tandis qu’un autre intime, François Hugo, arrière-petit-fils de Victor Hugo, lui dessine des bijoux plaqués, qui accompagnent ses fausses perles, une première à l’époque, se mettant du coup à dos les joailliers qui prônent la valeur des bijoux véritables. Mais Coco se moque de ce que les autres disent ou pensent de son style. Elle travaille à mettre de l’avant la beauté des femmes par l’élégance et un style des plus raffinés.
Parmi ses autres amants, on compte Hughes Richard Arthur Grosvenor, duc de Westminster, un des hommes les plus fortunés d’Angleterre. C’est lui qui serait intervenu en sa faveur lorsqu’elle a été accusée d’avoir espionné les nazis.
Mais entre tous ces hommes, Boy Capel est certainement celui qui a compté le plus. Non seulement il a cru en son talent de couturière, mais c’est lui qui lui a fourni l’argent pour qu’elle puisse ouvrir ses premières boutiques.
Très amoureuse de Boy, qui a choisi d’en épouser une autre, elle serait demeurée sa maîtresse, bien malgré elle. Mais l’idylle ne dure pas, puisque Boy meurt dans un accident de voiture.
Selon les proches de la créatrice, la mort de Boy aurait été la plus grande épreuve de Coco, et elle continuera de l’aimer, même après sa mort.
Mais ses nombreux amants, qui lui ont apporté autant d’inspiration par leur style et leur valeur, lui apprenant l’élégance et le bon goût, ne l’auront pas empêché de vivre seule la grande majorité du temps et de mourir seule dans sa suite du Ritz à Paris en 1971 à l’âge de 87 ans.

Coco Chanel: un parfum de mystère
Isabelle Fiemeyer
Éditions Payot
300 pages