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L'article provient de Le Journal de Québec
Justice et faits divers

Attaque de l'Halloween à Québec: le «vrai Carl» et le «Carl de la mission» au cœur du contre-interrogatoire

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Photo portrait de Nicolas Saillant

Nicolas Saillant

2022-04-28T17:09:50Z
2022-04-29T03:05:39Z
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Est-ce qu’il y avait un véritable combat interne dans la tête de l’assaillant de l’Halloween entre le « bon Carl » et le « mauvais Carl » au moment de faire ses victimes ? Le procureur du DPCP a cherché à tester les limites de cet argument au cœur du débat lors d’un contre-interrogatoire serré, jeudi. 

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Lors de son témoignage, le tueur de l’Halloween Carl Girouard a souvent fait référence au « Carl de la mission » qui a pris le dessus sur le « vrai Carl » afin de tuer des gens dans le Vieux-Québec. « Je ne peux pas imaginer le vrai Carl faire quelque chose comme ça », a-t-il répété. « C’est le mauvais Carl qui a tué les gens », a-t-il renchéri.

Illustration Ygreck
Illustration Ygreck

Puisque l’accusé reconnaît avoir commis les homicides, c’est la responsabilité criminelle qui est en jeu afin de savoir s’il était en mesure de faire la différence entre le bien et le mal au moment des gestes ou si son état était altéré pour cause de troubles mentaux.

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Un « agent du chaos »

La mission de celui qui s’est décrit comme un « agent du chaos » visait à alerter ses « alter ego » par un acte courageux un soir de pleine lune d’Halloween dans le but d’être imité. 

En contre-interrogatoire, le procureur du DPCP, Me François Godin, s’est donc longuement attardé à cette dichotomie des deux Carl pour tester les limites de l’argumentaire.

Sautant d’un sujet à l’autre, Me Godin demandait presque systématiquement lequel des deux Carl avait posé l’action en question.

Donnant souvent l’impression de ne pas savoir quoi répondre, l’homme de 26 ans a plusieurs fois répondu « c’est une bonne question ».

Pour se justifier, il ajoutait que « c’est difficile à dire parce qu’il faut que je me mette dans la peau du Carl de la mission. Comment ça peut être exact, ce que je pense aujourd’hui ? »

Questionné sur l’origine de sa mission, Girouard n’a pas plus su quoi répondre. « Comment je pourrais savoir exactement d’où elle vient ? » a-t-il dit tout en convenant que celle-ci ne venait ni d’une hallucination, ni du « diable » ou d’une quelconque voix qu’il entendait dans sa tête. 

À plusieurs reprises, Me Godin a avancé à l’accusé qu’il avait prémédité ses gestes en s’assurant de ne pas se faire prendre avant et pendant sa mission.

En choisissant notamment de se déguiser alors que c’est l’Halloween afin de passer inaperçu et faire le plus de victimes, en utilisant un masque de procédure en pleine période pandémique ou encore en vérifiant des sites de nouvelles juste avant de passer à l’acte. 

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« Vous avez vérifié les nouvelles pour voir ce qui se passait parce que c’était votre heure de gloire, votre moment, vous vouliez faire les nouvelles », a soumis le procureur. Un argument que l’accusé a réfuté. « Ce n’était pas pour moi que la mission était conçue. »

Combat intérieur

Bien qu’il pensait à sa mission tous les jours depuis six ans, il semble que « le vrai Carl a fait son possible pour combattre » jusqu’au dernier moment. C’est pourtant un Carl Girouard en mission qui s’en est pris à sept personnes quelques instants plus tard. 

La mission a cependant commencé à « prendre le bord » après le meurtre de Suzanne Clermont puisqu’il ne retrouvait pas la satisfaction que devaient lui apporter les attaques, a-t-il dit.

Photo REUTERS
Photo REUTERS

L’accusé a toutefois répété que la disparition du mauvais Carl n’est survenue qu’une fois en détention, plusieurs jours plus tard alors qu’il a énormément pleuré. 

Une observation qu’a pu faire la directrice des services professionnels de la prison de Québec, Sandy Lapointe, qui a témoigné du fait que Girouard a opéré un changement de comportement important lorsqu’il a accepté de voir la psychiatre de l’infirmerie et prendre une médication.

Le procès se poursuit ce matin avec l’expert de la défense, le psychiatre Gilles Chamberland. 

Carl Girouard dit avoir lutté entre ses deux personnalités, le bon et le mauvais, avant de se lancer dans son périple meurtrier. On le voit ici qui s’apprête à attaquer Rémy Bélanger, l’une des victimes, qui a réussi à prendre la fuite. En mortaise, le sabre qu’il a utilisé pour commettre ses crimes.
Carl Girouard dit avoir lutté entre ses deux personnalités, le bon et le mauvais, avant de se lancer dans son périple meurtrier. On le voit ici qui s’apprête à attaquer Rémy Bélanger, l’une des victimes, qui a réussi à prendre la fuite. En mortaise, le sabre qu’il a utilisé pour commettre ses crimes. Photos d'archives

Extraits d’échanges du contre-interrogatoire 

Me François Godin

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« J’ai raison de dire que si vous êtes déguisé un soir d’Halloween, c’est plus facile
de passer inaperçu ? »

L’accusé Carl Girouard

« Ça serait une hypothèse logique, je comprends, mais ça n’a pas rapport avec ça. » 

Me François Godin

« Le 31 octobre 2018 à 18 h 46, vous êtes venu à Québec. Est-ce que j’ai raison de dire que vous êtes venu à Québec le soir d’Halloween pour faire du repérage ? »

L’accusé Carl Girouard

« Quand je suis venu le soir d’Halloween en 2018, je pensais que ça allait être décoré, je pensais que ça allait être beau. C’est sûr que le Carl de la mission était dans ma tête, c’est sûr que j’ai pensé à ces choses-là, mais je me suis senti le vrai Carl Girouard à ce moment-là, c’est pour ça que je suis rentré dans le Château Frontenac cette soirée-là pour prendre un verre. Je me sentais bien. »  

Me François Godin

« Il est revenu quand, le bon Carl ? »

L’accusé Carl Girouard

« Il est revenu quand je suis arrivé en détention, j’ai commencé à pleurer pour la première fois. »

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