Voici pourquoi les tramways (qu’on avait délaissés) sont revenus à la mode


Andrea Lubeck
La mairesse de Montréal Valérie Plante a l’ambition de construire 200 km de tramway d’ici 2050 dans la métropole. À Québec, CDPQ Infra a confirmé qu’il s’agit de la meilleure option pour le projet de transport structurant. Mais comment expliquer un tel engouement pour ce moyen de transport autrefois délaissé? Un expert répond à nos questions.
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Pourquoi Montréal avait-elle abandonné le tramway?
Des années 1930 à la fin des années 50, le tramway était «le mode de transport par excellence», assure Marco Chitti, urbaniste et doctorant à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal.
Pourquoi, donc, avoir décidé de s’en débarrasser? Pour faire plus de place aux voitures.
«La motorisation de masse commence va être un phénomène important dans l'après-guerre, note M. Chitti. Beaucoup de villes se disent qu’il faut, d’un côté, avoir une voie dédiée au transport en commun [hors des rues pour donner la place aux voitures], donc, on construit des métros.»
Si certaines villes, comme Toronto, ont choisi de moderniser leur réseau de tramway, Montréal a fait «le choix politique» de miser sur le combo bus et métro, considéré comme étant la voie vers la modernité, poursuit-il.
Pourquoi (re)choisir le tramway en 2024?
Le tramway proposé aujourd’hui et celui qu’on a abandonné il y a 65 ans n’ont en commun que le nom, précise d'abord l’urbaniste.
Idéal pour les courtes à moyennes distances où la demande est élevée, le tramway a l’avantage de pouvoir transporter plus de personnes à la fois qu'un autobus, indique M. Chitti.
«Une rame de tramway peut transporter jusqu’à 300 personnes selon sa longueur, alors qu’un bus, même un articulé, peut transporter 120 personnes à son maximum», illustre-t-il.
Malgré des coûts de construction élevés, les coûts d'exploitation d'un tramway sont également moindres que ceux d’autres systèmes.
On n’a qu’à penser aux salaires des chauffeurs. Si un tramway peut transporter autant de passagers que trois autobus, c’est deux salaires de moins à payer. Et en transport en commun, les salaires, c’est «ce qui coûte cher», soutient l’urbaniste.
Des feux de circulation prioritaires et des voies réservées permettent finalement d'assurer un service régulier.
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Qu’en est-il de la neige?
Pour Marco Chitti, le fait qu'on vive sous la neige plusieurs mois par année n'est pas un argument valable contre le tramway.
«S’il fallait se préoccuper de la neige, on décamperait tous du Québec et on s’en irait tous en Floride. La neige, ce n’est bon pour rien: pour tous les types de circulation, pour les bâtiments, pour les travaux routiers. Ça pose des enjeux à tous les secteurs», avance l’urbaniste.
Il existe même des technologies qui permettent de fonctionner malgré la neige, notamment des rails chauffants.
Par ailleurs, des endroits aux «conditions climatiques similaires à celles du Québec», comme Helsinki, en Finlande, ou Toronto plus près de chez nous, ont des réseaux de tramway.
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Les projets de tramway vont-ils se réaliser?
Mario Chitti a bon espoir pour Québec, comme le projet en était à l’étape des appels d’offres l’automne dernier. «Les signes que l’on voit pointent vers la réalisation du projet structurant à Québec d’ici cinq ou six ans», prédit-il.
En ce qui concerne Montréal, on est loin de voir circuler des tramways d'un bout à l'autre de l'île. Si la vision de l'administration de la mairesse Valérie Plante est louable, «les 180 kilomètres sont peut-être un peu excessifs», juge-t-il.
«Il y a des corridors [proposés dans le Plan] qui ont beaucoup de sens et qui ont été étudiés à mort, notamment sur l’axe Côte-des-Neiges», estime néanmoins l’urbaniste.
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Le Projet structurant de l’Est – l’ancien REM de l’Est – est également un projet de tramway qui pourrait voir le jour.
Sur le boulevard Taschereau, à Longueuil, le tramway est aussi considéré comme mode de transport pour le projet structurant.