Tarifs douaniers de 25% de Trump: des entrepreneurs québécois se préparent au pire
Certains craignent de perdre d’importantes commandes au sud de la frontière
Olivier Faucher, Vincent Desbiens et Jean-Philippe Guilbault
Le spectre de l’imposition de tarifs douaniers de 25% dès le 1er février fait planer de l’inquiétude, mais surtout de l’incertitude chez de nombreux entrepreneurs québécois qui exportent aux États-Unis. Ils sont nombreux à se préparer au pire, selon ceux à qui Le Journal a parlé au lendemain de l’annonce de Donald Trump lundi soir.
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De grosses commandes en péril
Un fabricant de véhicules blindés de la Montérégie craint de perdre ses commandes aux États-Unis, où il exporte la plupart de ses produits.
«On a des clients qu’on sert depuis plus de 30 ans qu’on pourrait perdre. Ça nous inquiète, bien sûr», confie Philippe Rottenberg, vice-président aux finances chez Cambli.

L’entreprise, située à Saint-Jean-sur-Richelieu, conçoit plus de 400 véhicules par année qu’elle envoie chez les Américains, qui comptent pour 70% à 75% de ses exportations. Les Américains raffolent de ses camions permettant le transport d’argent.
M. Rottenberg perçoit un «attentisme» chez ses clients depuis que Trump parle de ses tarifs douaniers.
«On peut mettre à risque certaines de nos commandes. Un client américain pourrait décider d’aller ailleurs. On est très compétitif aujourd’hui sur le marché, mais on le sera peut-être moins avec des tarifs.»
Sans parler de pertes d’emploi, Cambli craint que ces perturbations l’empêchent de passer de 126 à 150 employés comme elle prévoyait le faire dès cette année. Elle souhaite aussi commencer à exporter son camion pour corps policiers aux États-Unis, mais les tarifs lui mettraient des bâtons dans les roues.
«Tous les scénarios sont sur la table. Tout va dépendre de notre capacité à rebondir et à aller chercher d’autres marchés», conclut M. Rottenberg.
Trump est en train de «s’autotaxer», dit cet entrepreneur
Un entrepreneur spécialisé en chapiteaux dans Lanaudière veut davantage exporter dans le reste du Canada et en Europe pour mieux se protéger du protectionnisme américain.
«À partir de l’été ou l’automne prochain, on commence à regarder avec d’autres territoires. On va pousser plus sur ce projet. Si la situation est catastrophique, on va s’ouvrir d’autres marchés», explique Bernard Grandchamp, président de Grandchamp Chapiteaux, basée à Repentigny.

L’entreprise produit le plus grand chapiteau en Amérique du Nord, un «produit niche» qui pourrait lui permettre de traverser la tempête des tarifs. Son principal compétiteur se trouve en Chine, à qui Trump veut imposer des tarifs de 60%.
«Dans notre cas, on pense pouvoir compenser une bonne partie des tarifs avec le taux de change qui nous sera plus favorable», fait valoir M. Grandchamp.
Le président est sûr que dans son cas, ce sont les Américains qui perdront au change. «Le gouvernement Trump est en train de s’autotaxer. Ce sont nos clients et les Américains qui vont subir la perte», martèle-t-il.
Les exportations de sirop d’érable se bousculent à la frontière
«C’est un peu le free-for-all en ce moment! lâche Marie-Ève Darveau, directrice générale d’Érablière des Chutes, un transformateur de sirop d’érable à Ham-Nord, au sud de Victoriaville. On essaie de faire traverser le maximum de volume à la frontière avant la fin de la semaine prochaine.»
Et si les tarifs entrent en vigueur, c’est l’incertitude quant aux contrats déjà conclus avec des acheteurs américains. «Ce sont des ententes qui peuvent être facilement annulées», explique Mme Darveau, qui espère que la faible valeur du dollar canadien encourage des achats «à moindre coût» de sirop québécois.
Environ 65% du sirop d’érable produit au Québec est exporté annuellement aux États-Unis, selon les Producteurs et productrices acéricoles.
Les entreprises manufacturières veulent parer les coups
Des entreprises manufacturières de la Beauce veulent parer les coups avant la date fatidique du 1er février.
Le président d’Industries P.F., Guy Roy, part mercredi pour une tournée de ses clients aux États-Unis afin de connaître leur avis sur la situation. «Je pense que tout le monde qui a la majorité de sa business là-bas fait ou devrait faire la même chose.»
«C’est important de voir comment ça se passe de l’autre côté», soutient le gestionnaire de la compagnie spécialisée en transformation du bois en pièces de literie et en clôtures dont 80% des produits partent au sud de la frontière.
Pour sa part, le président de Pomerleau Industries, Jasmin Pomerleau, croit pouvoir changer de fournisseur de métal pour éviter les frais de douane.
«On ne va rien précipiter, mais si ça se concrétise, on va être prêt à s’ajuster», précise le propriétaire de l’entreprise de fabrication de pièces d’équipement industriel.
- Avec la collaboration de Vincent Desbiens et Jean-Philippe Guilbault, Le Journal de Québec
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