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Son loyer passe de 2000$ à 5000$ à Hochelaga

Christian Groleau et Rémi-Paul Mallet, dans l'appartement où ils vivent à Hochelaga.
Christian Groleau et Rémi-Paul Mallet, dans l'appartement où ils vivent à Hochelaga. Photo Camille Dauphinais-Pelletier
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Camille Dauphinais-Pelletier

2024-03-28T18:09:39Z
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Quand il a reçu un avis d’augmentation de loyer faisant passer son paiement mensuel de 2000$ à 5000$, Christian Groleau a d’abord cru que le propriétaire de l’immeuble où il vit s’était trompé. «Je lui ai répondu: t’as sûrement fait une erreur, t’as écrit 5000$. Il a dit non!»

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M. Groleau habite depuis l’été dernier dans un quatre et demi à Hochelaga, dans un immeuble de 10 logements tout neuf. Comme il s’agit d’un bâtiment construit il y a moins de cinq ans, la clause F permet au propriétaire d’augmenter le loyer des locataires du montant qu’il le souhaite.

Mais il y a des nuances. Un propriétaire qui utilise la clause F pour expulser un locataire spécifiquement visé pourrait avoir des problèmes. «Il existe de la jurisprudence – il n’y en a pas des tonnes, mais quelques jugements – qui vient dire que lorsqu’on se sert d’une augmentation de loyer très élevée pour obtenir le départ d’un locataire, ça peut être contesté. En droit, on appelle ça de l’abus de droit, et le tribunal peut à ce moment-là annuler la hausse», explique Me Antoine Morneau-Sénéchal, avocat spécialisé en droit du logement.

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Il faut cependant être capable de démontrer que la hausse est faite «dans un but de se débarrasser du locataire», précise-t-il.

M. Groleau a l’impression que c’est ce qu’il est en train de vivre. «Je suis visé personnellement. J’ai l’impression que c’est à cause des deux personnes avec qui je vis», dit-il.

Celui qui travaille à distance comme agent de bureau pour Bell héberge aussi chez lui deux adultes qui vivent avec des problématiques de santé mentale, et soupçonne que c’est ce qui dérange.

«C’est sûr que des fois le travailleur social vient, l’infirmière vient, leurs amis viennent les voir, c’est du monde qui ne dorment pas beaucoup la nuit», énumère Christian Groleau.

Mais même s’il admet de lui-même qu’ils ne sont pas des locataires «parfaits», il ne s’attendait pas à un tel revirement de situation.

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Joint au téléphone par 24 heures, l’un des propriétaires de la compagnie à numéro qui possède l’immeuble affirme que M. Groleau et ses colocataires troublent la quiétude de l’immeuble et qu’il souhaite protéger ses neuf autres locataires.

«C’est la seule manière que j’ai. Même si j’ouvre un dossier au TAL il va pouvoir rester là, donc ça ne changera absolument rien. C’est le seul droit que j’ai, donc le seul droit que je peux, je l’utilise», dit-il.

Selon lui, il ne s’agit pas d’une expulsion déguisée. «Je ne le force pas, j’augmente à 5000$. S’il ne veut pas payer, qu’il s’en aille, c’est tout. Je ne force pas personne», dit-il.

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«S’il paye il va rester, je n’ai pas de problème», affirme le propriétaire, qui a fait parvenir à M. Groleau une mise en demeure le sommant d’accepter la hausse ou d’accepter de quitter à la fin du bail.

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Une clause peu transparente

Christian Groleau s’est rendu dimanche dernier à une assemblée d’information sur les droits des locataires organisée par Québec solidaire (QS) pour présenter sa situation.

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Le porte-parole de QS en matière de logement, Andrés Fontecilla, souligne que ce genre de cas illustre bien la raison pour laquelle son parti s’oppose à la clause F, initialement prévue pour diminuer les risques financiers pris par des promoteurs lors de la construction de logements locatifs neufs.

«Ce qui est terrible avec la clause F, c’est qu’elle permet ce type d’augmentation-là sans aucune obligation de transparence de la part du propriétaire (...). Ils devraient être obligés de justifier devant le TAL une hausse qui passe de 2000$ à 5000$, ça conserve l’opacité et un manque de transparence», dit-il.

M. Fontecilla ne peut bien sûr pas se prononcer à savoir s’il y a un abus de droit dans le cas de M. Groleau. Mais selon lui, la clause F est souvent utilisée «pour se débarrasser d’un locataire qui paie un loyer bas et le remplacer par un locataire qui paie un loyer beaucoup plus élevé».

Le projet de loi 31 qui a été adopté le mois dernier amène une modification à la clause F. Les propriétaires de nouveaux immeubles devront indiquer dans le bail le loyer maximal que devront payer les locataires dans les cinq prochaines années. Une situation comme celle de M. Groleau ne devrait donc plus pouvoir se produire pour ce qui est des baux signés après l’entrée en vigueur de la loi.

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