4 choses qu’on a apprises dans une assemblée d’information pour les locataires

Camille Dauphinais-Pelletier
Quelques centaines de personnes se sont réunies dimanche à Montréal pour une formation éclair donnée par un avocat en droit du logement, Me Manuel Johnson, et organisée par Québec solidaire. Alors que la période de renouvellement de bail achève, voici quelques informations qui ont retenu notre attention.
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1. Ne jamais signer une entente de rénovation lorsqu’on nous la présente
Les propriétaires de logement peuvent réellement avoir besoin de faire des rénovations majeures dans un logement et devoir relocaliser des locataires pendant celles-ci. Mais attention: il s'agit d'un processus bien encadré par la loi. Le propriétaire devrait donner un préavis de trois mois, l'entente devrait comprendre des dédommagements (comme de l'argent pour se loger ailleurs pendant les rénovations, ou pour entreposer ses meubles) et les locataires devraient normalement pouvoir revenir dans leur logement par la suite.
Or, plusieurs propriétaires utilisent le prétexte des rénovations pour carrément demander aux locataires de quitter leur logement, souvent en échange d'un certain montant d'argent. C'est ce qu'on appelle le cash for keys.
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«Il ne faut jamais signer ces ententes-là» au moment où vous les recevez, a mentionné Me Johnson.
Prenez le temps de bien comprendre la situation, par exemple en discutant avec les autres locataires de l'immeuble ou en consultant un comité logement, avant d'accepter quoi que ce soit. Si vous ne signez rien ou que vous refusez, votre propriétaire devra s'adresser au Tribunal administratif du logement (TAL) pour faire avancer le dossier.
2. Retenir un paiement de loyer, c’est risqué
Vous êtes-vous déjà fait suggérer de ne pas payer votre loyer, ou de ne le payer que partiellement, pour compenser l'argent dépensé dans des travaux que vous avez dû faire vous-mêmes?
Si oui, sachez qu'il s'agit d'un comportement qui pourrait vous mettre fortement à risque de perdre votre logement.
Dès que vous êtes 3 semaines en retard sur le paiement complet du loyer, le propriétaire peut demander la résiliation du bail au TAL. Et ça peut se passer vite: le jugement pourrait être rendu dans un délai de 4 à 6 semaines, explique Me Johnson.
Et si vous ouvrez en même temps un dossier au TAL pour démontrer que votre proprio aurait dû payer pour les travaux, vous allez passer bien après lui. «Vous allez attendre des mois, voir des années pour voir un juge», dit-il.
Pour ce qui est du refus d'une augmentation de loyer, c'est différent. Comme il peut être difficile d'estimer quelle est l'augmentation raisonnable pour votre logement, vous pouvez tenter de vous entendre avec le propriétaire, ou refuser, sans craindre de perdre votre appartement. C'est le propriétaire qui devra ouvrir le dossier au TAL, qui tranchera.
Vous pouvez quand meme consulter les directives du TAL pour estimer si l'augmentation demandée est raisonnable. Voici les chiffres pour 2024.
3. On ne peut pas ajouter un colocataire au bail sans l'approbation du propriétaire
Même si un colocataire peut vivre dans votre logement et payer sa part auprès de vous sans trop de problèmes, le faire mettre officiellement sur le bail pourrait être compliqué.
Un changement de colocataire dans un appartement se fait par la mécanique de la cession de bail (d'un colocataire à un autre). Jusqu'ici, celle-ci était plutôt courante, puisqu'un propriétaire ne pouvait refuser une cession de bail que pour un motif sérieux. La nouvelle loi adoptée par la CAQ fait maintenant en sorte qu'un propriétaire peut refuser une cession de bail sans motif sérieux.
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Faire simplement ajouter quelqu'un sur le bail constitue une modification à celui-ci, qui peut également être refusée par le propriétaire.
Votre colocataire peut cependant demeurer avec vous comme «occupant» sans être officiellement sur le bail. Il ne pourra toutefois pas le conserver si vous quittez, à moins que le propriétaire accepte une cession de bail.
4. Quelques choses «interdites», en vrac...
- Un propriétaire ne peut pas vous demander un dépôt, même si vous venez de l'extérieur du pays et que vous n'avez pas d'historique de location ici.
- Un propriétaire ne peut pas écrire des dispositions illégales sur le bail et les appliquer (par exemple vous demander une pénalité de 50$ si vous ne payez pas le loyer le 1er de chaque mois).
- Un propriétare ne peut pas vous obliger à lui faire des chèques post-datés.
Cela dit, Me Johnson indique qu'avec la crise du logement, peu de locataires en recherche de logement prendront la chance de «perdre» un logement en confrontant le propriétaire lors des démarches même si elles identifient ces pratiques.
«Voyez-vous dans quelle situation de vulnérabilité ça met les gens à cause de la crise? Si ils refusent, le locateur va trouver quelqu’un d’autre. c’est pour ça qu’on a besoin d’un nouvel effort pour rééquilibrer [les forces entre locataires et propriétaires]», croit l'avocat.
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Assemblée organisée par Québec solidaire
La rencontre d’information pour les locataires était organisée par plusieurs députés de Québec solidaire (QS). Quelques centaines de personnes s’étaient déplacées pour l’occasion, pour partager leur histoire, poser des questions ou simplement venir chercher de l’information.

«Ce serait au gouvernement du Québec, de François Legault, de poser des gestes forts et importants pour arrêter cette immense crise du logement qu’on vit, que vous vivez. Malheureusement ce n’est pas ce que la CAQ fait depuis sa prise de pouvoir», a lancé le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, à la foule.
Il faisait notamment référence au travail de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. Rappelons que celle-ci a piloté le projet de loi 31, qui a eu entre autres comme conséquence de rendre presque impossible la cession de bail entre locataires.
«Une manière de s’en sortir c’est de connaître ses droits. (...) C’est l’un des objectifs de l’assemblée d’aujourd’hui, vous permettre de connaître vos droits comme locataires», a-t-il mentionné.
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La crise du logement et l'explosion du prix des loyers fait mal à plusieurs locataires, dont les jeunes, qui entrent sur le marché locatif avec des prix difficiles à absorber.
«La crise du logement c'est une grande injustice sociale, mais c'est aussi une fracture générationnelle», a mentionné M. Nadeau-Dubois, en marge de la formation.

«Toute une génération de jeunes travailleurs, de jeunes travailleuses, regardent l'avenir avec beaucoup d'inquiétude. D'abord parce qu'ils se disent "je vais devoir mettre 40, 45, 50% de mon revenu pour me louer un appartement, et ça, ça fait en sorte que je ne serai jamais capable d'épargner pour peut-être, un jour, être capable de m'acheter une maison". Ils regardent le prix des maisons, ils se disent si je veux fonder une famille, m'établir à long terme, l'accès à la propriété, c'est quelque chose qui s'éloigne et c'est un rêve qui est en train de s'effriter sous les yeux de toute une génération.»