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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

«La production privée est possible comme le souhaitait René Lévesque»: des historiens réfutent les propos de Pierre Fitzgibbon

Photo HYDRO-QUÉBEC
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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2024-06-07T15:30:00Z
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«La production privée est possible comme le souhaitait René Lévesque», a affirmé hier le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon en présentant son projet de loi 69 réformant la gouvernance d’Hydro-Québec. Une affirmation qui a fait sursauter plusieurs historiens qui croient au contraire que Lévesque se serait opposé à une telle brèche dans son «vaisseau amiral».

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Le ministre Pierre Fitzgibbon a annoncé une importante réforme de la gouvernance d'Hydro-Québec.
Le ministre Pierre Fitzgibbon a annoncé une importante réforme de la gouvernance d'Hydro-Québec. Photo STEVENS LEBLANC

«Je n’ai pas souvenir d’aucune source écrite ni d’aucune déclaration qui permettraient de dire que Lévesque aurait été en faveur d’une forme de privatisation d’Hydro-Québec», précise Martine Tremblay, qui a été attachée politique et directrice de cabinet de René Lévesque dès 1978.

Dans le processus d’acquisition des neuf grandes entreprises privées d’électricité que Lévesque a orchestré avec les libéraux de Jean Lesage à partir de 1963, il a fait d’Hydro-Québec le «vaisseau amiral» du développement économique du Québec.

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«Il a utilisé plusieurs fois cette image du vaisseau amiral, notamment dans son autobiographie», reprend l’historien Xavier Gélinas, qui a édité les Chroniques politiques de René Lévesque avec Éric Bédard (Hurtubise 2014, 2017). «Cette image permet de penser qu’une flottille de petits navires avance à ses côtés», illustre-t-il. En d’autres termes, «Lévesque tolérait la production privée, mais ne la souhaitait pas».

Le lac Saint-Jean au privé

Rio Tinto Alcan turbine le lac Saint-Jean depuis près d’un siècle (1926) et possède aujourd’hui six centrales qui alimentent ses usines énergivores. Est-ce à cela que le ministre Fitzgibbon faisait allusion? Le Journal a posé la question au cabinet du ministre, qui a répondu par l’affirmative. «Alcan, Résolu et il existe d’autres exemples du même genre», a indiqué par courriel le chef de cabinet Mathieu St-Amand.

«Lévesque et le gouvernement Lesage ne voyaient pas d’inconvénients à laisser une partie de la production d’électricité au privé pour ses propres besoins», confirme l’historien Stéphane Savard, de l’UQAM, qui a beaucoup travaillé sur l’histoire d’Hydro-Québec.

De là à dire que Lévesque aurait approuvé le fait de permettre au privé de vendre de l’électricité, il y a un pas qu’il ne franchit pas. «Lévesque et le gouvernement Lesage n’ont jamais souhaité cela à mon avis.»

Pas un monopole

Martin Landry, auteur du balado Passé date et collaborateur du Journal de Montréal et du Journal de Québec, rappelle qu’Hydro-Québec n’a pas le monopole de la production d’électricité. «C’est ce qu’on appelle un quasi-monopole en ce sens qu’Hydro-Québec est le maître d’œuvre de la production sans être le seul joueur. La loi permet encore à une entreprise de produire de l'électricité, mais elle n'a pas le loisir d'en faire ce qu'elle veut », indique l’historien.

Il souligne que la société d’État n’est pas née après l’élection de Lesage en 1962 qui avait fait de la nationalisation la question de l’urne avec le célèbre slogan «Maîtres chez nous». Elle existait depuis 1944 et a toujours composé avec des intérêts privés.

Le professeur Savard estime que 25% de la production totale d’électricité au Québec était privée au terme de la nationalisation de 1962-1963. Moins de 10% de l’électricité produite au Québec provient du privé en 2023.

 

Martine Tremblay, qui a travaillé avec René Lévesque pendant plusieurs années et a publié un livre sur ses années de pouvoir, comprend qu’on veuille garder vivante la mémoire de cet homme d’État, mais se dit irritée par les références approximatives à son sujet.

Ce point de vue est partagé par d’autres historiens qui n’ont pas voulu être cités.

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