Réforme de la santé: le gouvernement Legault confirme qu’il «n'en a rien à cirer des libertés individuelles»
TVA Nouvelles
La dérive autoritaire du gouvernement Legault avec sa loi 2 et la réforme du système de santé préoccupe les panélistes de La Joute.
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La façon de faire de la CAQ a été décriée par plusieurs médecins au cours des derniers jours, certains accusant le gouvernement d’instaurer un «état policier» dans le réseau de la santé.
«Après avoir adopté une loi aussi matraque, il ne fallait pas s'attendre à ce que tout le monde aujourd'hui va juste dire c'est déjà passé, 24 heures plus tard, et qu'on retourne aux affaires. Il s'agit d'une loi qui est hyper dure, hyper difficile et qui évidemment vient toucher à aussi des libertés individuelles très importantes. Et je comprends non seulement la colère des médecins, je la partage», a déclaré Yasmine Abdelfadel.
Mathieu Bock-Côté n’est pas entièrement d’accord avec sa collègue, mais dénonce lui aussi la «loi matraque» du gouvernement Legault.
«Ce n'est pas simplement une loi ferme, on a l'impression qu'on a décidé d'utiliser plutôt que le scalpel, la hache; plutôt que la hache, la tronçonneuse; plutôt que le feu, le tir de sniper, le calibre 12 ou le mortier ou le bazooka», a-t-il illustré.
Pour Gaétan Barrette, l’expression «état policier» utilisée notamment par le président de la Fédération des médecins spécialisés du Québec (FMSQ), n’a rien d’une exagération.
«Quand on est rendu à nommer trois étages de surveillants, un inspecteur national, un pouvoir donné à un de ces inspecteurs-là de relever de ses fonctions lorsqu'on constate supposément un manquement et que le fardeau de la preuve soit sur le médecin qui est accusé et condamné au départ et qu'en plus si le surveillant juge qu'il a raison, il y a une sanction automatique disciplinaire au Collège des médecins, bien là, on est dans un système de délation», soutient l’ancien ministre de la Santé.
Ce dernier ajoute que la rémunération par capitation n’est même pas contesté par les médecins de famille. Ceux-ci sont davantage irrités par la façon de faire du ministre Christian Dubé.
«On met les médecins dans une situation qu'ils ne contestent pas, c'est-à-dire le fameux changement de rémunération, mais comme on ne leur donne pas les moyens, qui ne sont pas les mêmes d'un côté et de l'autre, on les met dans une situation d'échec. C'est une situation d'échec et en plus, on les met dans un système littéralement policier», clame Gaétan Barrette.
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Liberté d’expression
Yasmine Abdelfadel dénonce également les sanctions imposées pour les médecins, groupements et citoyens qui critiqueraient la loi 2.
«On savait très bien que [chez] le gouvernement de la Coalition avenir Québec, on n'en a rien à cirer des libertés individuelles protégées par la Charte des droits et libertés de la personne. Ça, les gens le savaient. On ne s'imaginait pas que ça puisse se retrouver dans la santé et qu'ici, on reprenne un projet de loi qu'on fait adopter sous bâillon, sous le couvert de changer le mode des rémunérations, sous le couvert de protéger les patients pour non seulement bâillonner les parlementaires, non seulement bâillonner les médecins, mais bâillonner la société civile tout court pour qu'elle ne puisse pas se prononcer sur la portée de ce projet de loi et ses conséquences», déplore la chroniqueuse.
Son collègue Mathieu Bock-Côté avoue être lui aussi surpris et préoccupé par cette dérive de la CAQ.
«Je pense qu'il y deux choses qui devraient être interdites : l'appel à la violence et la diffamation. Pour le reste, dans nos sociétés, l'État n'a pas à nous dire ce qu'on a le droit de dire ou ne pas dire, inciter ou ne pas inciter. Et je pense qu'il y a une tendance assez inquiétante dans nos sociétés à réduire le périmètre de la liberté d'expression, toujours au nom de bonnes raisons [...] Au nom de la lutte contre la haine, le nombre de lois folles qu'on fait en Occident aujourd'hui, c'est fou! Là, c'est au nom de la santé et de la défense des patients. Donc là, on va restreindre encore une fois la liberté d'expression», soutient-il.
Ce dernier ne croit toutefois pas que le gouvernement est indifférent aux libertés publiques, même s’il est tout de même inquiet par la situation actuelle.
«Je pense que là, sur ce coup-là, y un moment de bascule. Je suis étonné, je suis étonné de voir le gouvernement entrer là-dedans et ne pas être conscient de la portée de ce qu'il décide de mettre de l'avant. Sont-ils conscients? J'ai l'impression que Christian Dubé n'est pas conscient de la portée de sa propre loi. Il ne voit pas jusqu'où ça peut nous conduire. Et puisque c'est une interprétation charitable, sinon je dirais que je note une personnalité autoritaire inquiétante, ce que je ne peux pas croire», explique le chroniqueur.
Gaétan Barrette est d’avis que Christian Dubé souhaite absolument être reconnu comme celui qui «a mis les médecins au pas»
«Le Parti québécois aujourd'hui a aussi dit qu'il garderait la loi et une loi comme celle-là, c'est une arme. Je vais paraphraser la National Riffle Association: quand on dit qu'il y trop d'armes aux États-Unis, ils répondent toujours que ce n'est pas l'arme le problème, c'est celui qui la tient. Ici en matière de liberté civile, c'est l'arme, le problème, et celui qui la tient et l'autre en arrière qui pense prendre le pouvoir et la garder. C'est très grave», clame l’analyste politique.
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