Rapport du psychiatre: schizophrène et en psychose
Les idées délirantes de l’accusé Carl Girouard l’auraient empêché de savoir que ses actes étaient mauvais

Nicolas Saillant
Carl Girouard souffrait d’une schizophrénie qui n’avait jamais été soignée et d’idées délirantes qui ont culminé lors de l’attaque de l’Halloween selon le psychiatre Gilles Chamberland. Un périple meurtrier qui ne peut s’expliquer que par l’hypothèse d’une psychose, selon lui.
• À lire aussi: Attaque de l'Halloween à Québec: le «vrai Carl» et le «Carl de la mission» au cœur du contre-interrogatoire
Le psychiatre expert Gilles Chamberland a rencontré le tueur de l’Halloween à deux reprises au printemps 2021 à la demande de l’avocat de la défense pour évaluer l’état d’esprit de l’accusé au moment du crime. Dans son rapport exposé aux membres du jury, l’expert a d’entrée de jeu affirmé que Carl Girouard souffre d’un trouble du spectre de l’autisme.
Selon un rapport de 2008 évoqué par le Dr Chamberland, dès son jeune âge, Girouard « se délectait d’idées de grandiosité » et « voulait changer le monde » à la manière des héros de jeux vidéo. « C’est presque prémonitoire, déjà à l’âge de 12 ans, on a l’embryon de ce qui va se passer », a-t-il lancé au jury.
Pertes d’acquis
Le Dr Chamberland a aussi observé que l’accusé a perdu ses acquis pendant son adolescence. « Quand une schizophrénie se développe, c’est exactement ça que l’on observe, on appelle ça une descente de l’échelle sociale », a-t-il relaté en évoquant la consommation de cannabis comme agent accélérateur.

C’est à l’âge de 16 ans qu’il a acheté son premier sabre japonais et qu’il commence à se comparer « à son personnage de jeu vidéo avec l’idée de faire du mal aux gens », a poursuivi le docteur. La structure « des deux Carl » va se raffiner par la suite avec l’achat de 20 katanas et des costumes qu’il peaufine.
« Cet individu-là se voit tuer des gens sans défense avec un sabre. C’est lui qui est courageux. » Il se perçoit « loup » alors que ses victimes, non armées, sont des « moutons », continue d’analyser le psychiatre.
« Si ça, ce n’est pas du délire, je ne sais pas ce que c’est ! » a lancé l’expert, catégorique. « Cette psychose faisait en sorte qu’il n’était pas en mesure de savoir si les gestes qu’il posait étaient bons ou mauvais », conclut-il dans son rapport.
Point de bascule
Selon le psychiatre, « tout a basculé » en raison de la pandémie, lorsque Girouard reçoit des prestations d’assurance-emploi et ne sort plus. « Il consomme beaucoup plus, il est constamment absorbé par ses jeux vidéo. » Sans être écrit dans le rapport d’expertise, le jeu vidéo For Honor a été évoqué au jury plus tôt dans le procès.
Des symboles comme l’Halloween, la pleine lune, le Vieux-Québec et l’idée de réaliser son coup d’éclat avant 25 ans deviennent très importants dans son délire. « C’est clair qu’il est envahi par quelque chose qu’on ne peut pas comprendre. »
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.
Si sa logique délirante s’est imposée le soir de l’attaque, l’accusé manifestait encore une certaine ambivalence. Le Dr Chamberland estime que le « côté sain » de l’accusé est resté présent. « Logiquement, il fallait que je le fasse, mais émotionnellement, je ne voulais pas », a dit Girouard au psychiatre.
Il est aussi en mesure d’expliquer pourquoi la mission de Girouard s’est diluée soudainement après le meurtre de Suzanne Clermont alors qu’il avait pour ambition de faire beaucoup plus de morts. « À un moment donné, la réalité s’impose », justifie l’expert.
Le Dr Chamberland va poursuivre son témoignage lundi après quoi il sera contre-interrogé par la Couronne qui fera aussi entendre ses propres experts.
Témoignage du psychiatre Gilles Chamberland
DIAGNOSTIC
- Schizophrénie, premier épisode, actuellement en rémission partielle.
- Trouble du spectre de l’autisme, sans déficit intellectuel associé, d’intensité légère.
- Trouble de l’usage du cannabis.
- Trouble psychotique induit par une substance (cannabis) possible.
- Absence de trouble de personnalité multiple.
« Même si Monsieur comprenait les gestes qu’il posait, sa maladie l’empêchait de savoir que ses actes étaient mauvais. »
« Il associait la violence à la supériorité. Il évacuait une certaine colère intérieure quand il jouait au jeu vidéo. Ça faisait du bien de massacrer un adversaire. »
« Nous nous retrouvons clairement dans une situation où Monsieur a agi en fonction d’une logique délirante. Toute la construction, la mise au point et la rationalisation de ce projet étaient basées sur des idées délirantes. »